C’est toujours un moment à la fois chouette et triste une soirée de clôture de festival. Depuis dix jours, nos soirées sont rythmées par le Grand Soufflet et sa programmation. Une programmation riche en découvertes musicales, en rencontres, en émotions. Difficile donc de se dire que c’est le dernier soir… Heureusement, le Festival a pensé à tout et nous dit au revoir en nous offrant une affiche des plus enthousiasmantes. Entre l’Italie et Berlin, entre Luca Bassanese & son Tarentella Circus Orchestra et 17 Hippies. Autant vous dire que ce fut grandiose…
Un concert agité et engagé pour Luca Bassanese & le Tarentella Circus Orchestra
Masques de la Commedia dell’Arte sur les micros : le ton est donné avant l’entrée en scène de Luca Bassanese et son Tarentella Circus Orchestra.
Au menu de cette fanfare italienne contemporaine : Francesco Semeraro, accordéoniste ; Giovanni Semeraro, clarinettiste ; Francesco Mastronardo, bassiste ; Natale La Riccia, à la batterie ; Stefano Florio, guitariste mais aussi directeur artistique ; Elodie Lebigre au chant (et à la traduction) et Luca Bassanese en chef d’orchestre un brin déluré. Un peu savant fou, barbu, chevelu et chapeauté. Le Tarentella Circus Orchestra est quant à lui digne d’une fanfare de BO de cinéma italien.
A la légèreté des bulles de savon qui font irruption sur scène durant certaines chansons fait face le propos engagé du chanteur. Car le ménestrel dénonce la situation politique et environnementale en Italie : de « Une sera ho incontrato un razzista » à « La classe operaia – Non va più in paradiso » en passant par « La Ballata dell’emigrante » ou encore « La Leggenda del pesce petrolio »… Nul besoin de parler couramment italien pour saisir le propos un brin satirique sur la situation de notre proche pays cousin ou les dénonciations environnementales.
La chanteuse fait office de traductrice durant le concert et Luca Bassanese ne manque pas de commenter ses chansons notamment pour nous préciser que « L’acqua in bottiglia » est devenue l’hymne pour le mouvement de l’eau publique en Italie. Un chanteur engagé donc et fier de l’être.
Le chapiteau adhère pleinement au spectacle un poil comédie italienne qui se déroule sur scène. Le Messie aux bulles est d’un charisme assez fou. On se laisse happer par les ritournelles calmes et tranquilles – comme « I Sognatori » – qui prennent soudainement de l’ampleur et produisent des accélérations toutes balkaniques que nos mollets apprécient. Et quand le Tarentella Circus Orchestra décide de nous emmener vers des morceaux plus « folkloriques », on découvre avec étonnement combien la Tarentelle des Pouilles et ses tambourins sont des hymnes à la danse et à la participation d’un public converti. 1-2-3, 1-2 dans les mains, poum poum les tambourins !
Sur le très festif « Santo Subito », c’est Luca Bassanese qui prend un air théâtral avec son masque de la Commedia dell’Arte, tandis que la fanfare reprend des couleurs toutes balkaniques ! Et pour « Qui si fa l’Italia o si muore », le chanteur revient avec un drapeau italien, qu’il déroule au milieu des bulles pour parler de la constitution italienne, qui n’existe plus, qui est piétinée par la politique. Un engagement artistique qui se prolonge par le morceau aux accents très rock « Salta per l’indignazione ». Une grosse caisse, des « Salta » pour encourager le public à jumper et un finish sur un Olé à l’espagnole !
Un rappel et quelques notes de clarinette qui file des frissons. Les premiers mots de « Bella Ciao » sont prononcés : « Une matina… ». Autant vous dire que ce morceau chanté par des Italiens prend une résonance politique toute autre. Et que ces paroles reprises en chœur nous collent encore des frissons aujourd’hui !
17 Hippies ou le concert multi-instrumentalisé festif et enjoué
Assister à un concert du groupe 17 Hippies est une expérience difficilement racontable. Et on ne saurait que trop remercier le Grand Soufflet de nous avoir offert ce groupe en guise de clôture.
Ces Berlinois sont impressionnants quand ils entrent en scène ; ils sont douze et envahissent l’espace avec leurs nombreux instruments : on dénombre entre autres deux accordéons, une clarinette, un ukulélé, une trompette, un saxo, une contrebasse, un banjo, un violon, un triangle, un trombone, une flûte, un euphonium, un frottoir avec cuillères…
La set-list scotchée sur scène sous nos yeux est impressionnante : 17 chansons + les rappels ! Prêts pour un long voyage aux multiples saveurs musicales aussi diverses que variées et enjouées ?
Après l’italien, place à l’allemand ou le français. Francophile, Kiki Sauer prend le micro devant une foule dense et compacte massée sous le chapiteau du Grand Soufflet pour ce dernier soir. C’est un grand bonheur pour eux d’être à Rennes ce soir. Bonheur partagé quand les premières notes de « Ton Etrangère » se mettent à résonner.
A chaque chanson ou presque, on assiste à un petit manège de changement de places et d’instruments entre les artistes. Par exemple, pour « Saragina », le troisième morceau, changement de plateau. Certains instruments regagnent le fond de scène tandis que d’autres prennent place devant. Ce morceau instrumental festif et dansant met en avant le trombone d’Uwe langer. Gros succès à l’applaudimètre !
« The Beast on your tracks » est une chanson de leur dernier album Beaster, sorti en mai 2014. Sensation étrange : on se croirait dans un morceau d’Arcade Fire dans ses grandes heures. Et on se dit inconsciemment qu’on a vraiment eu tort de ne découvrir 17 Hippies que maintenant…
« Zapateado » nous entraîne au Mexique en valsant. Kerstin Kaernbach a troqué son violon contre une scie musicale. La richesse instrumentale est absolument délirante dans ce groupe ! chaque morceau est un voyage différent, au gré des instruments et de la joie vraiment visible de ce groupe de jouer ensemble.
Sur « Kaukapol », c’est au tour des deux trompettes de prendre possession du front de scène pour un morceau instrumental des plus réjouissants. Les pieds tapotent, les mains battent le tempo et nous voilà plongés dans un western endiablé.
Puis c’est au tour de Dirk Trageser de saisir le micro pour « Biese Bowe », une chanson écrite par sa grand-mère d’origine roumaine, et qui fleure bon les musiques de l’Est. Écrite dans un dialecte propre à la région de Frankfurt Am Main, même le reste du groupe avoue ne pas comprendre un traître mot !
Avec le huitième morceau, « Worksong », on bascule encore dans un nouveau registre musical du groupe : un peu groove jazzy sur fond d’instruments traditionnels. Retour vers les Balkans avec le très festif « Wedding song » et un tuba mirifique ! Un tuba qui reste au centre de « Jamais Tout», une chanson qui parle de Berlin en hiver. En français dans le texte ! Un « 2 pièces – sofa – balcon – chauffage » où le tuba se plaît à jouer les animateurs avec le public. Ces 17 Hippies dégagent une énergie hallucinante !
« Schatten Mann » est présentée comme une chanson pour les cœurs solitaires. Très fanfare rock swing, c’est un clin d’œil à la thématique de cette 19ème édition du Grand Soufflet. Jusqu’au bout, le swing nous aura accompagné dans ces concerts si variés !
Un enchaînement en très beau fondu pour « Jovano Jovanke ». On déplore juste ici le brouhaha du fond de chapiteau peu respectueux de la prestation… Une intro très calme donc portée par une clarinette douce et puissante. Une intro qui s’amplifie vers des tonalités balkanico-tziganes où la contrebasse fait office de tempo basse-electro. La derbouka apporte une petite touche orientale à la recette. Un morceau vibrant et puissant ! Ces 12 gugusses jouent en acoustique amplifié, certes. Mais quelle énergie, quel dynamisme, quelle créativité !
Et c’est la clarinette en version pêchue qui redémarre pour « Eine Sirba ». Sous nos yeux, l’explosion musicale d’une fanfare balkanique ! On remonte dans le même wagon avec « Der Zug um 7.40 Uhr » : le groupe joue avec le public, le tuba en chef d’orchestre nous entraîne de droite à gauche le tout en sautillant et en dansant.
« Hinter den Hügel » nous entraîne au Mexique le temps d’un morceau avant que la fanfare balkanique ne revienne avec « Frau ». « Chassidic » est le dernier morceau et nous offre un défilé d’instruments en tonalités yiddish emportées. « L’homme aux cuillères » calme le jeu et donne un son très groovy en association avec le tuba et le trombone. Nos oreilles sont conquises par cette multiculturalité instrumentale. Comme un grand melting-pot, tellement à l’image de ce que ce Festival nous offre tous les ans.
Impossible de les laisser partir ! Un rappel demandé, réclamé à corps et à applaudissements rompus. 17 Hippies entonne Marlène, cette jolie chanson écrite dans les Landes pour leurs amis français. Puis Hoyaka fait résonner un puissant Boya Boye cajun sous le chapiteau. Et c’est en frétillant et sautillant que l’on quitte à regret le chapiteau…
Un concert énorme donc, où nous avons vibré au gré des instruments, des mélodies, des morceaux de ce groupe atypique mais fortement attachant. Un grand merci Le Grand Soufflet !
Lio Pirata, le DJ accordéonesque
Il nous avait confié il y a quelques jours que ce set l’angoissait un peu. Mais c’est haut les platines que Lio Pirata a rempli sa mission. Malgré cette soirée de clôture haut en couleur, usante pour les mains qui ont applaudi à tout va et les mollets qui ont dansé et sautillé, le public est encore sous le chapiteau pour ce dernier set.
Un DJ adulé en tout cas par une partie du public qui n’hésitera pas à monter sur scène pour tendre une banderole « Nanard, on t’aime !!! »…
Clap de fin pour la 19è édition du Grand Soufflet
Une fin de festival tout en douceur et en accordéon. Les derniers décibels résonnent encore sous le chapiteau. Nous, on quitte le Festival, ravies d’avoir pu assister à cette édition d’une richesse musicale incroyable. De jolies découvertes, une énergie folle, une sympathie contagieuse entre artistes et public, des bénévoles toujours aussi attentifs, une programmation éclectiquement riche. Chapeau le Grand Soufflet ! encore une fois, tu nous as étourdies et charmées. Pas de doute, on prend à nouveau RDV avec toi l’an prochain !
►Crédits Photos : Catherine Gaffiero
Retrouvez toutes les informations sur le Festival Grand Soufflet : http://www.legrandsoufflet.fr/