Double claque ce jeudi soir sous le chapiteau du Grand Soufflet. Non seulement, on a fait connaissance avec Kimmo Pohjonen, accordéoniste finlandais, mais aussi avec son univers qui pulvérise les genres et plonge la boîte à frissons dans un bouillon électrique et contemporain. Une expérience dont on ne ressort pas complètement le/la même…
On nous avait prévenus. On s’attendait à un concert très particulier et déroutant. Mais on était vraiment loin d’imaginer que ce set allait nous filer une claque magistrale et nous convaincre encore plus que l’accordéon est décidément bien plus contemporain et expérimental qu’on ne pourrait le croire.
Car si l’accordéon peut nous offrir de jolies découvertes en version modernisée, ce soir, Kimmo Pohjonen nous a ouvert les portes d’un autre monde. Un monde à la fois structuré et destructuré, réel et irréel, mélodique et foutraque. On pourrait continuer ainsi les oxymores très longtemps tant ce set fut étrangement sonore et apaisant.
Vous connaissiez le larsen d’accordéon ? vous saviez que le soufflet pouvait produire un sample étrangement harmonieux et ressemblant vaguement à des sonorités Kraftwerk ? vous aviez déjà vu un accordéoniste jouer de l’avant-bras sur les touches de nacre de son instrument ?
Et que dire quand Kimmo Pohjonen fait « respirer » son soufflet à fond, l’étirant jusqu’à la proche déchirure. Que dire quand l’accordéon cingle comme une cornemuse et s’agite sur fond de samples de souffle de canons ? Comment imaginer que le frottement compulsif des butons de nacre puissent devenir le son produit par un train à vapeur ?
De très belles montées en puissance dans plusieurs morceaux s’achevant par un Kimmo, yeux clos, apaisé, fermant son soufflet jusqu’aux dernières notes, aux derniers souffles. Parfois, l’homme rit aux éclats, comme si un Joker sommeillait en lui. Parfois, il laisse l’accordéon l’emporter, le chavirer, jusqu’à se cacher derrière lui sur le morceau final.
Entre voie sépulcrale de chant grégorien et clic cloc, onomatopées de la bouche, entre voix du fond des âges des cavernes et cris d’un autre temps, le public est amené à basculer dans une toute autre dimension. Où le chaman-accordéon répète des gestes rituels et tient son instrument contre lui d’une seule main, comme on tiendrait un enfant contre soi. Où ce même chaman-accordéon surfe les vagues avec son instrument, l’accompagne dans ses mouvements, respire comme lui, grimace, sourit au gré des sons.
Kimmo Pohjonen est un personnage à lui tout seul : crête, sarouel-jupe argenté, et docks martens, assorti aux couleurs noir et argenté de son soufflet. L’homme fait preuve d’une grande humilité, incitant juste le public « to have fun » lors de ce concert. Il précise simplement que son instrument est juste un accordéon chromatique standard et qu’il s’amuse avec des samples.
Sur ce, il présente son étonnant projet « Earth Machine Music » : le musicien a collecté des sons d’engins agricoles dans une ferme en Finlande. Et c’est ainsi que l’on découvre la magie des samples d’un tracteur qui aurait du mal à démarrer, d’une tronçonneuse en pleine action, d’une visseuse qui visse et dévisse à l’infini. Ajoutez-y un accordéon qui souffle en douceur, quelques notes cristallines échappées d’une aurore boréale, les intonations de voix chamaniques et réverbérées de Kimmo. Résultat époustouflant où la magie du bruit et de la mélodie opère.
Dire que le public est conquis par ces expérimentations musicales peu courantes serait un euphémisme ! on est complètement envoûtés, littéralement happés dans cet univers nouveau. Et quand Kimmo Pohjonen, dans une acmé musicale secoue son accordéon, le démantibule pour en sortir un chaos de notes et une anarchie de sons, pas de doutes, nous avons franchi une autre dimension. Nous sommes conquis par l’homme, le démiurge de cet accordéon-fusion, bête indomptable.
Et comme en ce démiurge sommeille un Jekyll and Hyde musical, le rappel se fera sur une petite danse traditionnelle à l’accordéon. Ou quand l’expérimental peut aussi côtoyer le folklore avec simplicité et vérité.
Merci le Grand Soufflet pour cette magistrale découverte musicale…
Et si de votre côté vous souhaiter découvrir Kimmo Pohjonen, promenez-vous par là :
Site Officiel de Kimmo Pohjonen, le Soundcloud qui regorge de morceaux et la page FB pour surveiller ses prochains concerts dans le coin et news.
Merci Lisenn, voilà un article à la hauteur de l’évènement. Bravo!