Finalement la foudre peut bien frapper trois fois au même endroit. C’est donc à une magnifique triple volée noise rock, que ceux qui ont préféré la musique au foot ou au weekend à la mer, ont eu droit samedi 19 mai à la Bascule.
Dire que ces trois concerts n’auraient même pas du avoir lieu à Rennes !
Pour fêter dignement la sortie de Volta Desviada, leur excellent nouvel album, les furieux nantais de Fordamage ont invité pour une série d’une dizaine de concerts deux groupes qu’ils apprécient tout particulièrement : les espagnols de Picore et les San Francisain d’Enablers. Curieusement baptisée : Conga tour, la tournée s’articulait autour d’un échange de dates et donc de 5 concerts en Espagne suivis de 5 autres en France. Tout cela aurait du s’achever à Laval mais suite à un problème de salle de dernière minute, c’est finalement dans notre bien aimé bar la Bascule que le bouquet final a eu lieu. Pour une fois, on remerciera donc ce sacré salopard de destin, et surtout Gilles et Kfuel pour ce superbe raccroc de haute volée.
Malgré le pont et la ballon rond, c’est devant un auditoire bien présent que les espagnols de Picore entament les hostilités. Les gars se montrent rapidement à la hauteur de leur flatteuse réputation. Le quatuor à l’imposante pilosité développe avec classe un rock nuancé, soufflant avec fluidité le chaud et le froid. Sans perdre ni force, ni cohérence, ils passent ainsi d’ambiances feutrées et menaçantes à d’exaltantes bouffées d’énergie électrique. Une musique contrastée et précise mais toujours puissante, portée par un batteur retors et surtout la voix envoutante et insaisissable d’un chanteur à la présence indéniable. Une bonne grosse claque pour se mettre en jambe, la soirée démarre fort.
Vous pouvez vous faire une idée de la chose en visionnant leur vibrante prestation de leur imparable Prisa mata amigo.
Je remercie au passage mon très sympathique voisin de concert pour les vidéos.
L’horloge tourne et, avec trois groupes, le timing est serré. Nous avons donc à peine le temps de nous remettre de nos émotions qu’Enablers entre à son tour en scène. Pas grand chose à ajouter à l’enthousiasme euphorique dans lequel ils nous avaient plongé en ce même lieu en novembre 2011.
Le spectre de la contre-performance, toujours possible, se dissipe immédiatement. Le set fiévreux et rageur, rentre plus vite dans le vif du sujet que lors de leur précédent concert. Les guitares du duo Joe Goldring/Kevin Thomson brodent avec la même acuité leurs arpèges démoniaques et le jeu de batterie de l’immense Doug Sharin est toujours aussi impressionnant. Quand au charismatique Pete Simonelli, il irradie encore une fois tant son implication vocale et corporelle est totale et sans fard.
C’est la deuxième fois que nous les voyons en un peu plus de 6 mois et c’est la deuxième fois qu’ils nous mettent une bonne grosse claque.
Avec les nombreux concerts qu’ils ont donné dans le coin, on se demande un peu comment on a réussi à ne pas encore avoir vu les Fordamage. Après les sommets atteints par les deux précédentes prestations, l’occasion de rattraper le coche est d’autant plus belle. Le noise-rock puissant et direct du groupe est parfait pour conclure en apothéose ce samedi. Les quatre se donnent à fond et l’atmosphère du bar devient torride. La foule se laisse emporter avec délectation par le déluge de riffs incisifs et les chants furieux. On termine la soirée trempé de sueur et le sourire jusqu’aux oreilles. Pour l’ultime morceau, les 13 musiciens des trois formations réussissent par on ne sait quel miracle à tenir sur la minuscule scène pour interpréter un Clean dirty water bien bordélique mais vraiment touchant de complicité. On aura senti tout au long des prestations qu’il y a entre ces trois groupes plus qu’une simple affinité musicale.
Une soirée aussi riche musicalement qu’humainement réjouissante. Elle aura beau s’être annoncée sous les auspices de la scoumoune ascendant poissard : l’annulation tardive de la salle prévue, une Gibson éclatée sur la tournée pour Fordamage… et le soir même : cordes en vrille et autre ampli en rade, rien n’y fera, ce samedi soir fut parfait.