Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Skap’1 vient de la banlieue parisienne. Il y a sorti un premier album Corde Vocale en 2006 ainsi que plusieurs mixtapes. Il vit désormais en Bretagne et s’est entouré de musiciens de la scène locale (Ordoeuvre, Manoloco ou Alee par exemple) pour des collaborations sur son second et nouvel album, La Comédie Française, sorti récemment. Il désire s’éloigner des clichés d’un certain rap français. Il a donc choisi de proposer des instrumentaux pas vraiment courants dans le rap français avec des cuivres, de la harpe, de la flûte ou de l’accordéon et a ouvert sa musique a d’autres styles musicaux. Rencontre.
Alter1fo : Si tu devais présenter le projet Skap’1 en quelques mots ou quelques lignes, que dirais-tu ?
Skap’1 : Skap’1, la trentaine passée, originaire de banlieue parisienne exilé en Bretagne depuis une douzaine d’années, slameur/rappeur/saltimbanque qui a décidé d’écrire pour exister… Ça fait environ 12 ans que je suis dans la musique. Si je devais résumer le projet, ce serait : une belle aventure humaine et artistique ; à mi chemin entre le rap engagé et la chanson française. Des textes sincères, conscients, parfois graves, sur de la musique ouverte à tous, pas de barrières, ni de limites…
Quelles sont les influences que tu revendiques ?
J’ai grandi en banlieue, j’ai été beaucoup influencé par la culture urbaine dans son ensemble. Aujourd’hui encore, je joue au basket en club, je vais voir des battles de break, des expos de graff… Je suis fasciné par cette culture. Musicalement, j’ai été bercé par la chanson française ; mes parents sont des fans de Goldman, Cabrel, Brassens… Je suis venu à la Black Music un peu plus tard, le coup de foudre total et depuis… « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » !!! Donc j’ai des influences assez diverses, j’écoute de tout, du jazz, de l’électro, du reggae, de la chanson française, de la musique africaine… Ce que j’aime surtout, ce sont les mélanges d’influences, quand plusieurs styles se croisent pour apporter un truc nouveau.
Si tu devais citer trois disques sans lesquels tu ne pourrais vivre ?
Degiheugi « Abstract Symposium », Alee « Allons enfants… » et Azim « L’écume de la vague »… Je pourrais vivre sans mais ce sont les 3 albums qui tournent régulièrement dans ma sono.
Au départ, tu ne vivais pas dans la région mais dans la banlieue parisienne et tu faisais du rap. Aujourd’hui, tu restes dans le hip hop, mais ton projet s’est vraiment ouvert à d’autres genres, d’autres styles. Pourrais-tu nous expliquer comment t’es venue cette envie de changement ?
La maturité peut-être. A mes débuts, j’ai fait partie d’un groupe de rap ; j’ai fait des mixtapes, grâce auxquelles j’ai rencontré énormément d’artistes de la scène underground hip-hop. Je crois qu’avec l’âge et les rencontres faites en Bretagne, je ne pouvais pas rester dans l’univers trop fermé du rap français ; j’avais besoin d’aller puiser ailleurs. Et même si je suis toujours un gros fan de Rap, j’ai voulu à un moment me défaire des clichés qui collent à la peau de ce mouvement ; même si je suis un jeune de banlieue, je me sens plus du tout représenté par ce qu’est aujourd’hui (en tout cas la façon dont il est représenté par les médias) le rap en France. Voilà, mes textes ont évolué, mes goûts musicaux aussi, donc naturellement ma musique a changé ; je prends un pied fou à jouer avec des vrais musiciens, j’aime les mots, le partage… Aujourd’hui, j’ai envie de collaborer avec des artistes qui n’ont rien à voir avec mon domaine de prédilection, j’ai besoin de challenge et d’aventures.
Skap’1, « La comédie française », le nom de ton album ou le masque que tu portes sur l’artwork sont clairement, a priori, des références à l’univers du théâtre. Pourquoi ?
Le fait de ne pas faire comme les autres… Skap’1 est né dans un mouvement bourré de stéréotypes. Quand j’ai démarré il fallait que je me démarque et que je m’ouvre à autre chose d’un peu plus original que le côté ghetto ou bling bling du rap français qui ne me correspond pas. J’ai pris le pseudo de Skap’1 en rapport avec les fourberies et le caractère atypique du personnage de Molière. La trilogie des mixtapes « Les Fourberies de Skap’1 » a démarré. Je trouve l’univers théâtral très intéressant à travailler, il y a plein de références, je peux aller m’inspirer de plein de choses. Le masque est une référence à la Commedia Dell’arte, et aussi, pour moi, la possibilité de rester dans un « presque » anonymat. J’ai pris l’habitude dans mon travail, d’habiller mes morceaux de samples de films, pièces de théâtre, spectacles, dessins animés… Tout cela participe à l’univers Skap’1.
Avant d’enregistrer cet album tu as fait des mixtapes, une compil’ cd avec entre autres, le Saïan supa crew, puis un premier album, Corde Vocale. Quelles étaient tes envies avec ce nouveau disque ?
La même ligne de conduite : m’ouvrir humainement et artistiquement. Je ne suis pas signé en maison de disques, je suis indépendant total, donc j’ai une grande liberté dans la création et la production. C’est assez agréable. Je voulais un album qui me ressemble et qui rassemble. Travailler avec mes potes et rencontrer pleins de nouveaux musiciens. Dérouler des thèmes plus matures, m’engager encore plus dans mes textes politiques, me libérer du poids de certaines émotions, raconter mes voyages… L’écriture est comme une thérapie en solo, le fait de mettre ses mots sur des compositions d’autres et de travailler en équipe, cela fait du projet une belle thérapie de groupe (Rires). Voilà donc l’envie principale était de me faire plaisir. La musique est une passion, elle prend une part importante dans ma vie car j’y passe la plupart de mon temps libre. Et puis je voulais partager tout ça avec le plus large public possible donc j’ai soigné mes textes, les musiques, le packaging pour me sortir de l’exclusif public rap. Je pense sincèrement que de ce côté-là, le challenge est réussi…
Sur cet album, les instrumentaux sont assez étonnants : des cuivres, de la harpe, de la flûte, de l’accordéon… Comment se fait-il que tu sois passé d’instrumentaux basés sur des boucles à l’utilisation d’instruments acoustiques ?
Tout cela fait partie de l’envie d’élargissement du projet artistique. J’ai beaucoup travaillé sur les textes, il fallait mettre les mots dans de bonnes conditions pour être entendus et surtout compris. J’ai travaillé sur des boucles, des samples pendant 8 ans. Sur ce projet, j’avais envie d’autres choses, de choses plus agréables à l’écoute qu’un son qui tourne en boucle pendant 4 min. Le même son sans changement, pour les non férus de musiques électroniques, ça peut devenir très lassant et du coup desservir le texte. Et puis je dois faire un complexe. N’étant pas musicien, je voulais prouver que le projet intéresserait des musiciens professionnels. Un grand rassemblement musical qui comblerait mes manques perso en solfège (Rires). Et puis à l’oreille, l’acoustique est plus chaleureux, plus agréable. Il y a, quand même, des morceaux purement électroniques et d’autres où les deux sont mélangés. C’est au final une belle symphonie au service des mots.
Sur ce nouvel album, le premier morceau par exemple, Le masque et la plume, est construit sur une allitération en « v ». Tu t’imposes souvent des règles d’écriture comme celles-ci ? Pour quelles raisons ?
Souvent, je fais très attention à la manière d’amener les mots, il y a différentes façons de présenter un texte, la langue française permet cela. J’aime jouer avec les mots. Sur le premier morceau, je rebondis sur le sample du film « V pour Vendetta » dans lequel le héros débite une tirade en « V » que je trouve assez hallucinante. Alors voilà, je me suis imposé le challenge de faire aussi bien, un texte avec que des mots commençant par V, tout en gardant un propos cohérent (surtout pour une intro d’album). Il n’y a pas spécialement de rimes mais un texte de 10 lignes tout en allitération en « V »… j’ai galéré (Rires).
Sur un autre morceau qui porte le même nom que l’album, j’ai utilisé le champ lexical du théâtre. J’aime les rimes riches, les multi syllabiques, les assonances, les effets de style, les punchlines propre au rap… Je peaufine mes textes jusqu’à la dernière lettre, je suis assez perfectionniste sur le coup. Je me souviens, sur mon précédent album, dans un morceau qui parle de mon amour pour la musique, je me suis imposé un couplet de 8 mesures, chacune devant commencer par la syllabe Do, Ré, Mi, Fa… j’étais assez fier de moi ; même, si au final, personne ne l’a remarqué. (Rires)
Et puis, sincèrement, quand on voit le niveau de certains textes de rap… Je me suis toujours demandé comment des mecs signés dans des grosses maisons de disques pouvaient faire autant de fautes de langages dans leurs textes.
Qu’est ce qui t’inspire pour écrire les textes ?
Tout, ou en tout cas beaucoup de choses ; une rencontre, un voyage, un texte, un film… Je m’inspire des choses de la vie. J’essaye de retranscrire au mieux mes ressentis, ceux d’un homme de 32 ans, donc des choses belles, d’autres moins. La seule ligne de conduite est de rester fidèle à moi-même, ne pas me mentir. Il y a pas mal de thèmes différents abordés dans « La Comédie Française » : la politique, les voyages, la musique, la peur du dernier souffle, les relations familiales, la mort, les conseils d’un père à son fils…
Sur cet album, il y a beaucoup de collaborations, notamment avec Ordoeuvre, Manoloco, Alee ou Norka. Peux-tu nous en dire davantage ?
Ce sont tous des amis que je connais depuis quelques années, certains ont participé aux projets précédents (Ordoeuvre a posé ses scratchs sur une de mes dernières mixtapes, il y a 8 ans déjà). Ce sont des collaborations qui me tiennent à cœur car elles participent à l’envie de sortir le projet « Skap’1 » du carcan Rap Français. Ce sont des duos (ou trios) qui se font naturellement, les idées germent lors d’une soirée, autour d’une bière, on revient dessus quelques semaines après, tout cela reste très convivial. Pas de prise de tête sur qui fait quoi ? Comment ? Dans quel but artistique et financier ? J’ai beaucoup donné sur mes premiers projets parce que je cherchais toujours des têtes d’affiche pour faire le buzz. Aujourd’hui, je ne cours qu’après la satisfaction personnelle et le plaisir de partager avec mon entourage proche. Une fois cette ambiance posée, le travail devient beaucoup plus agréable ; et entre amis, il y a toujours un effet de groupe qui est super appréciable. Le projet que tu as porté seul au début devient un projet quasi collectif. Et puis ce sont tous des artistes accomplis que j’apprécie énormément musicalement. Ils m’apportent aussi beaucoup par leurs expériences.
Sur la scène locale, comment te situes-tu ? Es-tu en contact avec d’autres artistes rennais/de la région ?
Je ne me suis jamais vraiment posé la question et… je ne sais pas trop quoi répondre. J’ai beaucoup de mal, perso, à me considérer comme un véritable Artiste alors me situer sur la scène locale… Et puis mon projet est un peu le cul entre deux chaises : à mi chemin entre le rap conscient et la chanson française.
Je ne connais pas très bien la scène rap locale, en tout cas je n’ai pas encore trouvé musicalement de gros coups de cœur. Je me situerai plutôt comme un électron libre, je vais là où le feeling me porte, un coup électro jazz, un coup chanson française, un coup reggae, un coup rap… Je fais mon truc sans trop me soucier de savoir à quel style ça appartient, dans quelle case de la scène locale je me situe. Mes morceaux sont surtout des ressentis d’un moment, donc ils reflètent mon caractère multi-facettes et mes amours artistiques multiples ! Je suis donc en contact avec beaucoup d’artistes de la région (mis à part les quelques Rennais cités avant), de tout âge et tout style confondu. J’aime travailler avec des gens d’univers différents, c’est très enrichissant. J’ai côtoyé énormément le milieu rap à mes débuts, j’en suis sorti et fort heureusement…
J’ai travaillé sur l’album avec le groupe pop-rock Vanou de Saint-Malo, le beatmaker Lavallois Degiheugi, la chanteuse Elly J. de Saint Brieuc, des musiciens de divers groupes de la région de Saint-Malo…
Pour finir, quels sont tes projets à venir ?
Là, je me concentre à fond sur la promo de l’album, c’est compliqué de tout gérer seul alors j’évite de m’éparpiller. J’ai encore 4 mois de promo à assurer devant moi. Je travaille aussi à la réalisation d’un ou deux clips pour mettre en avant le projet. L’idée de faire de la scène me trotte aussi dans la tête mais il faut que je trouve le temps et les moyens de mettre ça en place… Et puis j’ai des belles choses perso à réaliser avant de repartir dans un nouveau projet mais je fourmille déjà de mille idées…
Merci !!
Merci à toute l’équipe d’Alter1fo !
Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici
(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)
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Pour en savoir plus sur l’univers de SkaP’1 et sur son nouvel album : www.skap1.com
Et pour ceux qui souhaiteraient gagner ce nouvel album : http://www.freezeec.com/concours-skap-1-la-comedie-francaise_cc.html
J’ai bien compris que le masque était pour illustré la pochette d’album et le titre le masque et la plume ! Mais y avait pas forcément besoin. Cela fait copie de Fuzati du Klub des Loosers et c’est un peu inapproprié. Soit la copie est une pure coïncidence, soit elle sert à vendre mais dans les deux cas cela ne fonctionnera pas vraiment.
au petit rageux du dessus, si tu avais lu l’itw tu aurais appris que le projet Skap’1 existe depuis 1998 avec toute l’ambiance théâtrale qui le caractérise. D’après Wikipédia, Fuzati a commencé sa carrière au sein du Klub des Loozers en 2000… donc avant de te répandre en connerie bien planqué derrière ton PC, renseigne toi !!!
« la jalousie ronge l’envieux comme la rouille, le fer »