Focus sur la scène rennaise – Kino Eyes en interview

Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…

Kino Eyes

On a découvert Kino Eyes il y a quelques semaines, lors du premier concert organisé par DLF. Ce n’était alors que la deuxième prestation du groupe. Et on avait été surpris par un trio déjà bien en place. Composé de Cyrille au x machines (synthés, boîte à rythmes) et au chant (le monsieur a fait du chant lyrique et ça s’entend dans sa maîtrise vocale), de Stéphane à la basse et d’Eric à la guitare, Kino Eyes propose une musique qui a autant d’accointances avec une cold wave à la Joy Division, qu’avec un minimalisme à la Suicide ou une recherche sur les textures. Sans oublier des aspects un peu déglingués à la Tuxedomoon. Après ce concert au Melody Maker, on a brûlé de curiosité d’en savoir plus. Rencontre.

2012-10-27-KINO_EYES-DLF1-alter1fo-013Alter1fo : Si vous deviez vous présentez en quelques mots ou quelques lignes, que diriez-vous ?

Cyrille (chant) : 3 zicos obsédés par l’idée d’une « cérémonie » qui ne s’arrête jamais.

Stéphane (Basse) : Oui, un trio qui se lâche à partir d’éléments très minimaux…

Eric (guitare) : … à la recherche d’atmosphères calmes et tendues.

Comment en êtes-vous arrivés à ce projet ? Vous avez joué dans d’autres formations avant ? Quelle est la genèse de Kino Eyes?

Cyrille: Le noyau dur, c’est Éric et moi auquel s’est ajouté Stéphane à l’issue d’un échange de matos. La date de création: mars 2012.

Stéphane: Oui, à force d’échanger techniques de geeks musiciens (effets vintages, etc. …) ou de groupes importants pour nous (Bastärd en l’occurrence) ces deux-là m’ont proposé d’apporter un peu de basses fréquences à l’ensemble… J’avais joué de la basse, il y a très très longtemps dans un projet qui n’est jamais sorti de la chambre où on répétait avec celui qui est devenu Ichliebelove et celle qui est devenue Klima… Ensuite, un peu de claviers (monophoniques, bourrés de vieux effets) dans un projet électro-rock « Casablanca » puis du gratouillage en rond dans mon coin… La proposition d’intégrer le groupe est tombée à point nommé !

Eric : J’ai joué dans plusieurs groupes, à la guitare ou la basse, dans les années 89-95, en général plutôt très bruyants, tendance noisy expé. Il s’en est suivi une pause de 12 ans jusqu’en 2007 où j’ai finalement ressorti ma guitare du grenier pour un projet déjà très post-punk sur Strasbourg « The Johannes Sturm Experience Blast In The Sky » qui a donné d’excellentes sessions soniques mais qui n’est malheureusement jamais sorti de son cocon… Cyrille cherchait des musiciens pour concrétiser son projet qui m’a intéressé et c’est comme cela que nous nous sommes trouvés. Après avoir quelque peu tâtonné avec quelques autres musiciens, nous avons fini par esquisser tous les deux les premiers morceaux de Kino Eyes et appelé Stéphane pour venir nous prêter main forte.

2012-10-27-KINO_EYES-DLF1-alter1fo-016Pouvez-vous nous expliquer votre patronyme ? Un rapport avec Dziga Vertov ?

Stéphane : On a très très longtemps cherché un nom… C’est sûrement le plus dur qu’on ait eu à faire jusque-là ! Entre les idées trop connotées, les noms déjà utilisés (le couperet google est impitoyable !), ce n’est vraiment pas évident… L’approche des concerts nous a obligés à trancher. L’imagerie expressionniste, les années 20/30, l’esthétique du Bauhaus… Tout ça nous semblait bien coller à l’idée qu’on se fait de notre musique… Donc oui, les écrits de Dziga Vertov sur le cinéma et sa série de films documentaires « Kino Eye » sont devenus « Kino Eyes » …

Vous produisez une cold wave qui nous semble très inspirée de New Order ou Joy Division par exemple, mais avec aussi, ce côté un peu plus expérimental à la Tuxedomoon. Vous êtes d’accord ? Comment qualifieriez-vous votre musique de votre côté ? Quelles sont les influences que vous revendiqueriez ?

Cyrille : En effet, Joy Division et Tuxedomoon font partie de nos références ; mais aussi Minimal compact, Suicide, Bauhaus… Notre musique nous apparait plus fondée sur une rythmique minimale, boite à rythmes et basse; une guitare habitée et un chant mélodique. De fait, de l’intérieur, cette musique nous apparait moins « cold » qu’on ne le dit. Les textes d’ailleurs sont plus engagés que mélancoliques.

Stéphane : Même si Joy Division reste un groupe important pour nous, c’est très délicat à revendiquer comme référence principale car tellement vite « bateau et caricatural » … Pour autant, oui, ces sonorités-là, cette production restent une influence majeure… Le côté minimal des parties rythmiques est aussi important pour nous je pense… La contrainte de la boite à rythme est vraiment intéressante pour ça. Je suis personnellement obsédé par les rythmiques de Neu! ou la scène Krautrock en général… Du minimalisme autoroutier…

Eric : Et puis il y a aussi toute la scène berlinoise des années ’79-’82 : Einstürzende Neubauten, DAF, Die Haut, Malaria, Abwärts, Fehlfarben… Mais bon, c’est réellement dur de ne se référer qu’à tel ou tel groupe ou mouvement parce qu’il existe tellement de trucs que je trouve vraiment terribles et qui ont pu me laisser des traces dans les oreilles depuis tout ce temps. Par exemple, un gars comme Neșet Ertaș, un génie du saz turc, m’a vraiment marqué mais il y en a eu certainement plein d’autres.

2012-10-27-KINO_EYES-DLF1-alter1foTrois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?

Cyrille : Minimal compact : « Deadly Weapons »

Stéphane : Kraftwerk : « Radioactivity »,

Eric : Pink Floyd : « The Piper At The Gates Of Dawn »

Pourquoi une boîte à rythmes et pas de batteur ?

Cyrille : Nous voulons une rythmique minimale ; les batteurs rechignent souvent à limiter leur jeu à l’essentiel. Nous cherchons d’ailleurs un batteur capable de produire un son acoustique similaire ainsi que sur des Pads.

Stéphane : L’idée effectivement, c’est de casser à terme, la monotonie sonore de notre vieille boite à rythmes… Pour autant, encore une fois, le côté direct, immédiat, hyper contraint est très très stimulant pour nous.

Sur votre facebook, on trouve la déclaration suivante : « intention new wave mais esprit post punk ». Vous nous expliquez ?

Stéphane : New wave, oui, pour certaines de nos sonorités, le synthé, le gros chorus sur la basse parfois… Post punk, très clairement dans les efforts que l’on fait à sortir des mélodies trop évidentes, des arrangements trop entendus, à travailler sur le minimalisme… des textures obtenues par Eric avec ses effets et de l’approche très montagnes russes qu’on essaie d’avoir sur certains morceaux ou très minimale sur d’autres.

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Comment composez-vous ? Vous improvisez ? Chacun fait ses propres morceaux, ou bien l’un d’entre vous arrive avec une partie que vous retravaillez ensemble ?

Cyrille : Pour l’instant, sur la base d’une simple idée, nous « ouvrons » les vannes en grand et rassemblons par la suite les idées phares. Nous souhaitons préserver une plage d’improvisations où le hasard, la musique, s’expriment librement.

Stéphane : On fait tourner des idées, on brode dessus… Et dès que la mayonnaise prend on essaie de fixer les motifs obtenus pour ensuite les organiser. Ca n’est pas toujours évident, d’ailleurs de rejouer ou ré-organiser des choses que l’on obtient en plein « lâchage » sans perdre l’énergie du moment …

Eric : Nous sommes plutôt en phase sur le projet musical de Kino Eyes et donc cela nous aide pour travailler avec une plus grande liberté sur l’écriture des morceaux, avec toujours cette idée partagée en toile de fond.

Comment ça se passe pour écrire les textes?

Cyrille : Les textes, c’est le chanteur pour l »instant

Stéphane : Cyrille a vraiment une très bonne oreille… Il écrit en fonction de ce qu’il veut entendre… Et ça colle toujours parfaitement !

Eric : J’ai proposé un texte une fois à Cyrille… Il n’en a quasiment rien gardé… Et heureusement ! (rires)

Un de vos morceaux qu’on a découvert lors de votre concert pour DLF au Melody Maker intégrait une bande sonore en une langue inconnue (de nous !). De quoi s’agit-il ?

Eric : (rires) Je dois avouer qu’elle nous est aussi inconnue ! Je dirais que c’est du serbo-croate mais rien n’est moins sûr… Je suis tombé sur cet extrait sonore ancien lors de recherches sur des enregistrements des années 20/30 et j’adore cette voix mystérieuse portée par ses inflexions envoûtantes. Il me semblait bien coller à l’esprit de ce morceau (Junks) : cette idée de saut dans l’inconnu… Lancer une impro sur un texte qui m’est totalement incompréhensible est une idée que je trouve inspirante, un peu comme écrire la musique d’un film sans écouter la bande son, juste en regardant les images !

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On a également été très agréablement surpris par le fait que vous ne vous contentiez pas de reprendre les recettes de la cold wave et que vous vous permettiez d’éclater les formats avec des morceaux qui peuvent parfois s’étirer dans des développements plus expérimentaux, bifurquer à l’aide d’effets, … Pourquoi cette volonté ?

Stéphane : On ne revendique surtout pas de faire de la « cold wave » … Nos influences sont beaucoup plus larges que ça même si c’est un peu le « tronc commun » …

Eric : Entièrement d’accord, c’est le résultat d’influences nombreuses et très diverses qui ressurgissent ici et là, parfois même à notre grande surprise… Intention et esprit… On peut très bien choisir un point de départ, disons la cold wave, puis voyager bien au-delà, alors pourquoi s’en priver ? Les formats finissent toujours par devenir très ennuyeux.

Merci !!

Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici

(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba, Homecooking, Psykick Lyrikah, RCR, Bumpkin Island, Wonderboy, Micronologie, ReDeYe, Colin Linkoln, Sudden Death of Stars, Juveniles, Alexel, Güz II, The Enchanted Wood, James Legalize, The Missing Season, RezO, Bunch of Crows, Our Name is a Fake, Heskis’, Vortex, Users, Nola#, Mermonte, Mekah, Superets, We are Van Peebles, Korkoj, Twinztrack, You’ll Brynner, Drix MC, 6AM on the Moon, Coksinelle, Budju, Doist!, My Sleeping Doll, O Safari, Keevrat, Belone …)

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