Été aux sonorités caribéennes #1 : le calypso, phénomène musical de la Caraïbe.

Alter1fo vous avait déjà proposé de passer un hiver aux sonorités réunionnaises, afin de découvrir l’île intense au travers de sa musique. Vous avez peut être eu la chance de voir Calypso Rose pour les jeudis du Port à Brest au mois de juillet, ou encore King Pépe et son Calypso combo pour les Bars’n’Rennes. Raconter le calypso, c’est aussi raconter l’Histoire caribéenne. Cet été, au travail ou en vacances, alter1fo vous embarque dans un nouveau périple sur les eaux cristallines de la mer des Caraïbes.

De Chantuelle au Calypsonian, le chant des esclaves.

Le calypso est un genre de musique populaire dont on peut attribuer l’origine dans les Antilles, notamment à Trinité-et-Tobago pendant la période coloniale comme le « chant des esclaves ». La révolution noire à Haïti, fin 18ème siècle début 19ème siècle, va inspirer les populations esclaves des caraïbes. Une partie de la population haïtienne migre ainsi vers les territoires voisins et apporte avec elle sa voix protestataire. Cette voix, c’est celle du Chantuelle, celui qui dénonce et critique l’ordre établi par l’esclavage. Les esclaves simulent des combats, sur des bruits de percussions basiques. La voix du Chantuelle va se poser sur ce rituel, faisant naître le calypso comme le moyen de communication des esclaves souvent non autorisés à parler entre eux. Le calypso incarne la résistance et la critique de la domination, et surtout un moyen dissimulé pour se moquer de ses maîtres en musique. Il est chanté à ses débuts en créole français comme une sorte de patois, mais va se chanter de plus en plus en anglais. Trinité-et-Tobago étant sous l’influence britannique, les origines haitiennes s’estompent mais léguent le carnaval, une fête incontournable et indissociable du calypso. Les chansons ne parlent au début que de sujets légers et comiques mais vont rapidement traiter de sujets de société, comme véritable reflet de ce que subissent les afro-descendants de Trinité. Après les processus d’émancipation initiés par le Chantuelle, le Calypsonian accompagne à son tour les afro-caribéens dans le processus d’urbanisation. Il devient celui qui relaie les rumeurs, transmet les nouvelles, véhicule les idées et se permet de protester subtilement contre les injustices.

Le calypso à la croisée des bateaux.

Très populaire, l’industrie musicale finira même par lui faire les yeux doux. Le calypso de Trinidad enregistre son premier morceau en 1912, soit cinq ans avant le jazz. Précoce, le calypso s’exporte un peu partout et devient un phénomène musical, à tel point que l’Europe et les Etats-unis apposeront l’étiquette « calypso » à toutes musiques caribéennes anglophones. Sa large diffusion peut se comparer à celle de la rumba cubaine, du tango argentin ou encore de la samba brésilienne, alors que les genres « exotiques » sont en vogue. Ainsi le « Roi du Calypso » Harry Belafonte, au risque de vous décevoir, chante en réalité des chansons qui s’apparentent plus au mento jamaïcain. Qu’importe, cette musique se diffuse un peu partout dans la Caraïbe et inspire d’autres genres comme le reggae, le soca ou encore le mento. Si le calypso répond au nom d’une nymphe des mers, c’est aussi parce qu’il s’est développé sur les bateaux entre la Jamaïque, les Barbades, San Andres ou encore la côte caribéenne de l’Amérique centrale. Libérés de leur condition d’esclave, les afro-descendants traversent la mer des Caraïbes comme main d’œuvre à bas prix pour construire ces nations nouvelles.

Chanson contée et conte chanté.

Le calypso devient un jeu, une sorte de concours d’éloquence au travers du picong. Ces joutes verbales improvisées en rimes qui servaient aussi de baromètre à testotérone (les femmes y étaient par ailleurs exclues) ont permis le développement d’une poétique propre au calypso, faisant preuve d’un langage toujours plus recherché. Il se caractérique surtout par l’humour, le sarcasme et l’ironie. On peut considérer le calypso comme une forme de littérature chantée (que l’on verrait bien à Mythos), aussi bien dans sa forme, que dans son contenu. Le calypso est ainsi souvent assimilé aux contes de Breda Anansi. Ces contes africains mettent en scène le héros Anansi, le « frère araignée ». Personnage futé, misérable mais aussi contestataire, il use de tous les stratagèmes pour défier le plus fort. Comme Anansi, le Calypsonian critique et dérange. Pour y parvenir, il raconte des histoires, décrit des paysages, met en scène des personnages (comme « Dalilah » dans les chansons de Walter Ferguson) dans le respect des pratiques de la culture orale, trait de l’africanité du calypso. Le calypso peut ainsi se définir par son amour des mots, mais aussi par son caractère profondément contestataire, comme un chant de resistance capable de canalyser des idées alternatives face aux courants dominants. Le calypso, plus qu’un genre musical, est devenu avec le temps une langue commune entre les afro-caribéens : que ce soit dans un contexte anglophone, francophone, ou hispanisant, ce chant populaire persiste et se diffuse.

L’africanité dans la Caraïbe.

Le calypso n’est bien sûr pas le seul genre musical développé par les afro-descendants. La reconstruction de l’imaginaire africain s’est traduite par une multitude d’expressions artistiques et musicales. Rejetées par leur pays, les communautés afro-caribéennes ont réussi à tisser un lien social fort entre elles, au delà des frontières nationales. Chants, danses, rythmes, la Caraïbe a connu un développement culturel prolifique, mêlant rituels et pratiques religieuses notamment du vaudou. Culture longtemps considérée comme primaire et inférieure, elle a pourtant permis l’apparition de nouveaux instruments de musique comme la clave, la marimba ou encore les tambours garifunas, fruits des échanges entre les cultures africaine et européenne.

Merci à Manuel Monestel pour son aide!

1 commentaires sur “Été aux sonorités caribéennes #1 : le calypso, phénomène musical de la Caraïbe.

  1. Huggy

    Le calypso se propage en Normandie
    Notre groupe « Soul Parasol » va puiser dans les trésors de Trinidad & Tobago
    Merci Muriel pour ces articles d’ailleurs, je t’invite à écouter Muriel’s teasure sur WUFM (des émissions en pod-cast sur le calypso)…
    Tropicalement.
    Huggy

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