Deuxième édition du Musiq’Alambic : une cuvée généreuse, fruitée et avec une pointe d’amertume

On s’y attendait, cette soirée de la seconde édition du festival Musiq’Alambic fut grandiose. Les quatre excellents groupes présents, ce samedi 16 mars 2013 au Jardin Moderne, n’ont pas déçu les pourtant hautes attentes. Loin de là. Quand vous enchainez deux déjà fort belles prestations, avec deux claques monumentales, forcément ça laisse des étoiles dans les oreilles. Retour sur une soirée mémorable.

L'étrangleuse@jardinModerne-Alter1fo (1)

Riches des images splendides laissées par la première édition du festival, nous débarquons d’un pas alerte au Jardin Moderne. Ces gens savent décidément recevoir, puisqu’une fois le modeste prix d’entrée acquitté, un généreux verre nous est offert pour bien démarrer la soirée.

L'étrangleuse@jardinModerne-Alter1fo (4)

C’est l’étonnant duo guitare/harpe L’étrangleuse qui ouvre le bal devant un public, hélas, plutôt clairsemé. C’est bien dommage parce que ces Lyonnais ne manquent pas de charme. Passé l’étonnement de voir sur scène l’inhabituel et imposant instrument doré, comme sur leur excellent premier album, Mélanie Virot et Maël Salètes naviguent sans complexe d’une ambiance à l’autre avec grâce mais sans oublier l’énergie. Ça virevolte donc de l’éthéré All the things, à des morceaux bien plus rock comme Dear ou Dead bodies under christmas trees, en passant par les ambiances afrobeat de Meeting with the Kankouran ou par la slave mélancolie de Kasyak Lubvie. Diablement éclectique donc, on aura même droit à un canard fantomatique dont les boucles abrasives viendront hanter l’escellent Corner of the eyes. L’abondance de cordes donne une ambiance très prenante et singulière, surtout que le duo de voix fonctionne à merveille. Comme prévu, l’ancien chanteur des cultes The Ex, GW Sok, pointe sa silhouette dégingandée et son charisme unique sur un très beau Writer’s blog.
Seul petit bémol, autant sur disque la diversité des morceaux fonctionne vraiment bien, autant sur scène il est parfois frustrant de quitter aussi rapidement un style pour un autre. On pinaille, mais c’était quand même une parfaite entrée en matière en douceur, pour des prestations qui vont aller crescendo.

Polymorphie@JardinModerne-Alter1fo (6)

Même si on sent bien que ce ne sera pas complet comme en 2012, la salle est beaucoup plus remplie pour Polymorphie. Encore des Lyonnais sur scène, mais là il y a beaucoup plus de monde : deux saxos retors, une guitare monstrueuse, un trompettiste/clavier, un batteur et une chanteuse malicieusement maboule. En bon groupe de musique free, ça déstructure sévère mais avec une belle énergie. Rythmiques tordues, contretemps, breaks et contrepieds virevoltants s’enchaînent délicieusement. Surtout que planent là dessus les assauts dissonants et vivifiants d’une guitare affutée comme un scalpel. Ce qui achève d’emporter définitivement l’adhésion, c’est le chant de Marine Pellegrini. Tout y passe : chant déjanté, déclamations flippantes, interjections malicieuses, répétitions jusqu’à l’inquiétude, cris rageurs, maboules ou mystiques… Malgré la folie furieuse de l’ensemble, le set est diablement carré et l’on apprécie tout particulièrement ce mélange entre rigueur et dinguerie digne des règles tordues mais impitoyables imaginées par les surréalistes.
Histoire d’achever de démontrer qu’ils ont la classe, ils se fendent même d’un chaleureux merci à Gilles,le patron du bien aimé bar La Bascule, pour leur avoir fait découvrir Rennes.

WinterFamily@JardinModerne-Alter1fo (8)

C’est donc en bonnes dispositions que l’on enchaine avec Winter Family. Ce que l’on avait pu entendre du duo franco-israélien laissait présager du meilleur, mais on a finalement eu bien plus que ça. Le concert s’ouvre sur un impressionnant bourdon à l’harmonium martelé avec douceur mais force par Xavier Klaine. Quand, après une longue suspension, déboule là-dessus la voix sublimement rauque et écorchée de Ruth Rosenthal, on sait qu’on est cuit. Impossible de résister à la charge émotionnelle dégagée par cette musique sur scène. De ces compositions épurées et essentielles, émanent une sensibilité à fleur de peau. Lui vouté derrière ses claviers et elle assise ou debout derrière sa batterie, dégagent une présence scénique rare. On frise le syndrome de Stendhal et l’évanouissement face à tant de beauté douloureuse. On écoute ça, la respiration suspendue et des frissons tout partout. Histoire de nous achever définitivement, le duo montre aussi qu’il est capable de varier les plaisirs. Comme avec une accélération foudroyante, sur un étonnant morceau où Ruth se lâche sur un flow HipHop renversant, ou bien quand les claviers tournent sur des ritournelles acidulées mais mélancoliques. On passe le concert sur un nuage, incapable de détacher les yeux ou les oreilles de cette magie pure, emporté par cette musique unique et bouleversante. Une grosse, grosse, grosse claque.

C’est peu dire qu’on va guetter avec une attention toute particulière l’actualité de cette formation désormais.

Cannibales&Vahinés@jardinModerne-Alter1fo (20)

Encore sous le choc, on est presque surpris de se souvenir que le groupe que l’on attendait avec le plus d’impatience, c’était Cannibales et Vahinés. Le quatuor est composé de trois musiciens free-jazz toulousains (sax, guitare et batterie) accompagnés par le fascinant G.W. Sok. Ils vont vite remettre les pendules à l’heure. Trois petits morceaux de chauffe avec notamment l’impeccable No Can Do, et voilà qu’ils nous décochent une flèche mortelle avec la reprise furieuse du Strange Fruit, écrite par Lewis Allan et déjà sublimée par Billie Holiday. A partir de là, le reste ne sera que bonheur total. La combinaison du charisme intact de l’impressionnant Sok avec les circonvolutions savantes d’un trio de zicos au top. On adore toujours autant la voix rageuse et la façon subtile de faire vivre les textes de G.W. Sok et l’on savoure avec délectation la façon qu’ont les trois zigues de tordre avec malice et une précision impressionnantes des mélodies d’une efficacité redoutable. Autre moment mémorable du set, la superbe reprise du Night & Day de Léo Ferré, nous mettra dedans dehors avec son mélange d’émotions et ses déflagrations soniques. Revers de baffe donc, même si le plaisir est un peu terni par le «syndrome du dernier bus du Jardin» qui, avec l’heure tardive, fait que la salle s’est plutôt vidée alors que l’on assiste à du plus que grand.
Tout ça est tellement formidable, qu’on passera sur les facéties un peu reloues d’un disquaire moustachu bien connu des habitués. Mention spéciale à la très classe réaction des Cannibales, qui géreront le zigoto avec stoïcisme et bisou.

Polymorphie@JardinModerne-Alter1fo (13)

On aurait voulu, comme pour l’édition précédente, une grande fête collective avec une salle pleine, on aura eu des souvenirs magiques à chérir par les bienheureux présents ce soir là. On souhaite juste que le bilan financier ne soit pas trop douloureux pour l’asso et que les organisateurs puissent encore longtemps nous proposer d’aussi belles occasions.
Comme on est partageur de beauté, on vous convie chaleureusement à aller jeter un œil du côté des excellentes vidéos d’Appolos Mouse qui vous permettront de prolonger le plaisir ou d’avoir un petit aperçu de la splendeur de cette soirée. Merci à lui pour la conversation et les belles images qui bougent.

4 commentaires sur “Deuxième édition du Musiq’Alambic : une cuvée généreuse, fruitée et avec une pointe d’amertume

  1. David

    Super compte-rendu et photos bluffantes, mon cher Mr.B !
    Et plaisir partagé pour la conversation 🙂
    A très bientôt !

  2. Mr.B.

    Merci pour les compliments (et pour les monstrueux Blacklisters). Bravo aussi pour ta rapidité sur des vidéos. Toujours aussi agréable de se replonger dans l’ambiance..

  3. mr moustache

    une vidéo de mr moustache? apparemment le seul à ne pas se prendre au sérieux…

  4. Mr.B.

    Pour la pilosité c’est par là :
    https://www.youtube.com/watch?v=lLMCGhUsJM4&list=UUQ9occ5lmhmX8o4mQiYw35A

    Je continue quand même de préférer mes vahinés sans moustache. 😉

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