Cela fait longtemps que nous avons quitté les bancs de la fac, mais il est impossible de ne pas se sentir concerné par l’évolution dramatique des conditions de vie étudiante. Dernier épisode en date, et non des moindres, la décision du Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires de restreindre les offres de restauration tout en augmentant dans le même temps le nombre de prestations payantes. Face à la polémique, le Crous de Rennes Bretagne a revu certaines décisions.
Retour sur cet épisode avec Steve Xhihani, vice-président du CROUS de Bretagne, élu pour l’Union Pirate.
ALTER1FO : Peux-tu nous présenter ce qu’est l’Union Pirate ?
L’Union Pirate est un syndicat qui a pour but de représenter et de défendre les étudiantes et étudiants à l’échelle des universités. C’est la première organisation à l’université de Rennes-2 et Rennes-1 (avec 8 élu·e·s sur les 20, NDLR), et nous sommes majoritaires au conseil d’administration au Crous de Bretagne depuis les dernières élections : sur les 7 étudiant·e·s, 4 sont issu·e·s de l’Union Pirate.
Vous avez lancé une pétition contre la nouvelle politique de restauration du CROUS de Bretagne. Pourquoi ?
Lors du dernier conseil d’administration du Crous de Bretagne (qui s’est tenu en juin dernier), le recteur, qui a une voix prépondérante en cas d’égalité des votes, a tranché en faveur d’une réduction drastique de l’offre de restauration. Et ce, malgré la forte opposition des élu.es étudiant·e·s ! Dans les faits, cette nouvelle offre s’est traduite par moins de choix, et surtout une augmentation du nombre de prestations payantes. Notre syndicat a fortement critiqué l’absence de consultation, et le manque de transparence justifiant l’urgence de ces dispositions. Nous avions également proposé des contre-propositions afin de ne pas toucher à l’ancienne tarification, comme taxer plus fortement les produits trop sucrés. Il faut savoir aussi que le taux d’occupation des logements étudiants des CROUS est de 84 % toute l’année. Il y a donc là une perte énorme de ressources d’exploitation. C’est donc inacceptable de faire payer l’inflation aux étudiant·e·s et aux personnels des universités. C’est inacceptable de demander aux étudiant·e·s et aux personnels des universités de se serrer la ceinture. C’est trop facile !
Après la contre-offensive largement relayée, et la vive polémique qui s’en est suivie, le Crous de Bretagne a rétropédalé. Qu’est ce que cela t’inspire ?
Cette colère générale a été entendue, certes, mais le fait que ce retour en arrière soit aussi rapide nous donne raison ! Il prouve que cette politique d’austérité n’avait pas lieu d’être, et ne se basait sur aucun fondement sérieux. Par contre, ça reste de légères améliorations, comme l’ajout d’un troisième sandwich, la possibilité de pouvoir prendre 2 entrées ou 2 desserts si jamais il vient à manquer l’un ou l’autre. Bien sûr, on « prend » ! Mais cela ne nous convient pas totalement, car il n’y a aucune remise en question des portions qui restent dérisoires par rapport aux années précédentes, et qui ne répondent pas aux besoins énergétiques des étudiant·es. Enfin, n’oublions pas la fermeture de 5 points de restauration en Bretagne dont 4 à Rennes, qui provoque des conditions déplorables et des files d’attente interminable dans les lieux qui restent ouverts.
On voit de plus en plus de monde venir aux distributions alimentaires. On se rappelle qu’en début d’année, 500 étudiant·e·s avaient fait la queue pour avoir son colis. C’est assez perturbant alors que la France est classée septième des pays les plus riches au monde en 2022.
Toutes les études le montrent. Avec le coût de la vie en hausse, entre payer son loyer, ses factures ou se nourrir, beaucoup d’étudiant·e·s vont se priver de repas. Avec notre syndicat, à Rennes 1, nous sommes toujours choqué·e·s de voir le nombre croissant des personnes qui viennent à notre distribution alimentaire. Il y a là une réelle urgence.
La Fédération des associations étudiantes de Haute-Bretagne a publié une enquête donnant Rennes comme étant la ville où la rentrée étudiante est la plus chère en Bretagne. Quelle mesure pourrait être mise en place rapidement pour venir en aide aux étudiant·e·s ?
Il faut donner aux étudiant·e·s les moyens de leur permettre d’accéder à l’enseignement supérieur sans travailler à côté et de pouvoir s’y émanciper, et ce quel que soit son milieu social d’origine et sans condition. Nous avons signé l’appel, et militions à la mise en place d’un revenu étudiant à 1102€ par mois pour sortir structurellement chaque jeune de la pauvreté. Encore une fois, il n’est pas normal d’observer qu’aujourd’hui, un·e étudiant·e sur deux doit travailler pour financer ses études, que deux étudiant·es sur trois sautent régulièrement des repas et que plus d’un·e étudiant·e sur dix renonce à se soigner faute d’argent.
Après un été inédit, et disons inquiétant (dérèglements climatiques, incendies, conflits etc. ), comment est le moral des étudiant·e·s en cette rentrée universitaire 2022 ?
Deux étudiant·es sur trois se disent être en situation de mal-être. Il y a certes de l’inquiétude mais aussi de la colère. En discutant avec celles et ceux qui viennent à notre rencontre, j’ai l’impression que cette colère peut être fédératrice lors de prochaines mobilisations. Qui sait. En tout cas, cela laisse un espoir dans l’avenir.
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