Allez, allez, il paraît qu’il faut pleurer dans les chaumières et accessoirement dénoncer ce scandale : Carbon Airways n’aura pas le droit de jouer aux Transmusicales début décembre. Ou comment d’un seul coup me transformer en militante de la cause des enfants, moi qui ne les aime que de loin et empaillés de préférence…
L’Affaire Carbon Airways
Mon agacement a donc commencé tout à l’heure suite à un tweet du Télégramme de Brest disant en substance ceci : #Transmusicales 2011 : Le festival privé de Carbon Airways bit.ly/vKhlqx #Rennes #Besançon
Ni une ni deux, je lis l’article. Bon, OK, ils ont 14 et 15 ans et la préfecture du Jura, dont ils sont originaires, vient de suspendre leur activité. Ils auraient enchaîné trop de concerts, mettant ainsi en péril leur scolarité. Rappelons accessoirement que la scolarité en France est obligatoire jusqu’à 16 ans ! Adieu donc veaux, vaches, cochons et Transmusicales !
L’info est relayée dans un article du blog des Transmusicales : Carbon Airways, l’union fera la force. Un article contestant cette éventuelle interdiction (publié le 16 novembre, la décision de la préfecture n’avait pas encore été annoncée) et appelant à se mobiliser pour contrecarrer la législation…
Et le travail des enfants dans tout ça ?
Bien. Et si on reprenait à zéro.
1- Le travail des enfants a toujours existé et existe encore partout dans le monde. Pour rappel (et merci Wikipédia), le travail des enfants est la participation de personnes mineures à des activités à finalité économique et s’apparentant plus ou moins fortement à l’exercice d’une profession par un adulte. L’UNICEF et un certain nombre d’organisations luttent contre ce travail pouvant être particulièrement pénible, dangereux et pouvant même être assimilé à de l’esclavage.
Child laborer © Lewis W. Hine for the National Child Labor Committee on WikiMédia
2- Un certain nombre de dispositions et de lois existent donc pour limiter les excès et contrecarrer les abus. En France, c’est le Code du travail modifié par l’ordonnance N° 2001-174 du 22 février 2001 qui fait foi. Il faut avoir 16 ans minimum pour travailler ; la durée maximum de travail s’élève à 7 heures par jour, 35 heures par semaines ; le travail de nuit est interdit de 20 heures à 6 heures…
Par ailleurs, en France, il existe une réglementation du travail des enfants dans le monde du spectacle, de la mode et de la publicité, réglementation qui se voit donc appliquée pleinement dans le cas qui nous intéresse…
Les enfants de moins de 16 ans ne peuvent, à quelque titre que ce soit, être engagés ou produits soit dans une entreprise de spectacles, sédentaire ou itinérante, soit dans une entreprise de cinéma, de radio, de télévision ou d’enregistrements sonores sans une autorisation individuelle (nominative) préalable. Il en est de même pour les enfants engagés ou produits par une agence de mannequins. Cette dernière doit avoir en outre un agrément lui permettant d’engager les enfants. (cf. : article L211-6 du code du travail).
Les autorisations individuelles sont accordées par le Préfet sur avis conforme d’une commission constituée au sein du Conseil départemental de protection de l’enfance. L’agrément pour les agences de mannequins est accordé pour une durée de un an renouvelable sur avis de la même commission. Les enfants ne peuvent pas travailler le dimanche et seulement en dehors des périodes scolaires. (cf. : article L211-7 du code du travail)
En conséquence, cette fratrie, programmée durant les Transmusicales, tombe donc bien sous le coup de cette législation, visant à protéger les mineurs et encadrer leur travail. On pourra donc s’étonner fortement que des adultes puissent s’en émouvoir et la remettre en cause… Ceux-là même qui font peut-être obole, dans un geste de grande charité chrétienne ou pour enjoliver leurs penchants humanitaires à l’UNICEF, une fois par an, histoire de soulager leur conscience… Ceux-là même qui pousseront des hurlements face au JT de France 2 lors du prochain reportage sur les petits vendeurs de bananes dans les rues de Caracas ou les petits fabricants de briques au Pakistan… Ceux-là même qui crient au scandale quand les Afghans refusent de scolariser les jeunes filles… Ceux-là même qui râleront à la prochaine grève Éducation Nationale parce que leur progéniture n’aura pas eu le nombre d’heures d’enseignement exigées pour finir le programme…
Slum life, Jakarta Indonesia. Picture taken by Jonathan McIntosh, 2004. On WikiMédia
Oui, le travail des enfants est partiellement autorisé dans le monde ou du moins toléré par les consciences occidentales car il est parfois la seule source de revenus des familles et leur seule chance de survie. Dans notre cas présent ici et maintenant, je mets ma main au feu que Enguérand et Eléonore ne sont ni SDF ni à la rue. Et que les bénéfices financiers retirés de leur prestation aux Transmusicales ne seront en rien une question de survie pour leur famille.
Au fond, est-ce si grave ?
Que l’on ne se méprenne pas sur mes propos. Je n’ai absolument rien contre ces deux adolescents et leur musique. Je tiens juste à souligner l’absurdité de la situation. Comment des gens adultes et un tant soit peu responsables peuvent s’opposer ouvertement à une décision de la Préfecture concernant le travail des enfants ? Les Transmusicales seraient-elles sous couvert d’argument de dénicheurs de talents, au-dessus des lois ?
Et le public dans tout ça ? Vous, là, oui, VOUS. Franchement, si vous estimez que ce groupe précoce et visiblement déjà une pointure dans le monde de l’électro est si doué, ne pensez-vous pas qu’ils seront toujours aussi doués dans un an ou deux et auront eu le temps de devenir encore plus géniaux ? Vouloir absolument les voir aux Transmusicales cette année, c’est faire bien peu cas d’une éventuelle carrière…
Enfin, si la prophétie de Christophe du blog des Trans réussit, à savoir que la mobilisation des médias et du public fasse plier la Préfecture et la réglementation, je lui propose d’aller en causer avec les gamins de Jakarta qui ramassent les ordures ou plus près de chez nous avec les gamins napolitains qui vendent des cigarettes pour le compte de la Mafia… Voire de faire une offre généreuse ensuite à l’UNICEF, juste histoire de (et puis Agenda 21, pour un festival responsable et durable, ça peut aussi faire dans l’humanitaire, non ?)… Car si ici on fait une exception pour ces deux ados, d’autres enfants dans le monde n’en bénéficient pas, loin de là.
Oui, je sais, je déforme vraiment les choses mais moi en tout cas, je ne pleurerai pas sur cette annulation. Au contraire, et par respect pour tous les mômes que l’on force à travailler dans le monde, j’applaudirai, bien haut et bien fort.
Et les artistes iraniens, on s’en fout ?
Mais puisqu’un d’un seul coup, on s’émeut pour des choses vraiment graves, qu’en est-il de Kourosh Yaghmaei, initialement programmé le 03 décembre ?
Partout dans la presse et sur les blogs musicaux, on a lu cette jolie périphrase : « L’artiste iranien Kourosh Yaghmaei ne sera pas en mesure de se produire en France pour les Trans Musicales. »
Pas en mesure de, ça veut dire quoi ? qu’il est encore rattrapé par la censure iranienne ? empêché de sortie du territoire ? ou pire encore ? quelques articles dans la presse et la blogosphère mais rien de plus. Pas d’appel au soutien sur le blog des Trans, pas d’appel à la mobilisation des médias. Rien, nada. Le sens des priorités part en sucette…
Et si le buzz profitait à Carbon Airways…
Je ne doute pas que le staff des Transmusicales saura se retourner et proposer, à la dernière minute, un groupe chouette et intéressant musicalement. Et je ne doute pas un seul instant que ce soir là, quand vous ondulerez sur le dance floor du Hall 9, avec quelques grammes dans chaque poche, vous aurez complètement oublié cette histoire d’annulation et cette décision certes injuste mais légale de la Préfecture du Jura…
Et puis, si ces gamins sont si doués, ont-ils vraiment besoin des Transmusicales pour se lancer ? Gageons que le buzz fourni en ce moment sera un tremplin tout autant que leur participation au Festival rennais.
La seule chose peut-être, c’est la frustration pour eux de ne pas pouvoir jouer lors de ce raout mythique de décembre, devant un parterre échauffé et un tant soit peu alcoolisé. C’est rater une occasion de venir à Rennes et engloutir une galette-saucisse. Vous avez raison, la préfecture du Jura fait un vrai travail de sape. Et je m’étonne que le comité départemental du Tourisme n’ait pas encore mis son grain de sel dans cette histoire… Haut les cœurs ! Tous les enfants au boulot dans le fond de la mine, mais avec une galette-saucisse dans le ventre !
Child Coal Miners (1908) © Lewis Wickes Hine on WikiMédia
Ben alors ?
C’est un bug ? Une politique du site de supprimer les commentaires de plus de n jours ? Ou on a plus le droit d’estimer un article ridicule ? ^^
Les ciseaux d’Anastasie ne sont pas passés par là.
C’est un vilain bug (ou un malandrin quelconque) qui a vilainement effacé tous nos articles de novembre.
Deux charmantes fées ont passé leur journée de mardi a remonté le truc, article par article.
Donc, les commentaires ont disparu dans la bataille.
C’est pas comparable, tu te sert d’argument beaucoup trop facile, où est le travail?
@gildas : Les petits chérubins ayant été autorisés à jouer, cette discussion n’a plus lieu d’être…
oui, mais les écrits restent donc on a le droit de réagir sur ce très mauvais « article ».
@olivier : liberté de pensée et d’expression ! Pense ce que tu souhaites. Je pense le contraire.