Marre de l’esprit de Noël ? Marre des infos cataclysmiques ? ça tombe bien, nous aussi ! Bienvenue dans notre 7ème calendrier de l’Avent Altérophile, dont on espère qu’il sera de nouveau original et divertissant ! Tous les jours (ou presque) jusqu’au 24 décembre, une idée de truc en papier à mettre sous le sapin ou à dévorer de suite. Bon pour l’âme, bon pour nos petits libraires-ami.e.s, bon pour les bibliothécaires, bon pour nos papetiers-ami.e.s, bon pour nos neurones. Ouvrez donc les pages jour après jour… Un roman noir, très noir pour ce 5è opus.
L’été circulaire de Marion Brunet, c’est un roman sur l’adolescence à la sauce noire, sombre et violente. Un premier roman intense et sans concessions. « Chez eux, se souvient Johanna, une main au cul c’était un truc sympa, une façon d’apprécier la chose, de dire “t’as de l’avenir“ – à mi-chemin entre une caresse et une tape sur la croupe d’une jument. »
Voilà l’histoire banale de deux frangines : Jo, 15 ans, et Céline, 16 ans. Elles vivotent avec leurs parents dans un quartier populaire d’une petite ville ennuyeuse du Lubéron. Le père, Manuel, est un maçon espagnol de la deuxième génération ; la mère, Séverine, fille d’un agriculteur du coin, a eu ses filles très jeunes, trop tôt. On est très loin de la carte postale du Midi et du Lubéron : ici, les pavillons du lotissement n’ont pas de piscine translucide et on n’entend guère les cigales…
Une jeunesse désenchantée, des parents résignés à trimer pour payer le pavillon d’une vie, une mère taiseuse et un père qui a la main lourde. Surtout quand il découvre la grossesse de sa fille aînée : « Manuel lève la tête et tend son regard vers les murs. Endetté jusqu’au cou mais propriétaire de sa maison en carton-pâte, de sa maison au crépi rose dans le lotissement social construit par une mairie vaguement socialiste, dans les années 80. Seulement il doit encore tellement de fric à son beau-père que c’est pas vraiment comme si elle était à lui. C’est plutôt comme si elle était à sa femme, la maison. Quant il y pense un peu trop, il a l’impression qu’on lui a coupé les couilles à la faucille. Et maintenant sa fille [enceinte à 16 ans], comme s’il était incapable de la surveiller. Au grand jeu de la vie, lui non plus n’a pas écrit les règles. Le problème, c’est qu’il pensait le contraire. »
L’été arrive avec son lot de fêtes foraines et de barbes à papas, de soirées dans la garrigue et d’escapades rafraîchissantes et en catimini dans les piscines des villas des nantis. Les deux soeurs jouent les faux-semblants d’une douceur de vivre adolescente… Un ventre qui s’arrondit, une cadette qui fuit grâce au théâtre et semble être la seule promise à un avenir meilleur. Les mois passent et Céline refuse toujours de donner le nom du géniteur, ce qui rend son père fou de rage. Ivre de colère et d’alcool, il va se mettre en quête de l’amant fautif, quitte à en découdre avec le premier venu, surtout s’il n’est pas « comme eux »…
Un premier roman qui parle sans équivoque des classes sociales qui ne se mélangent décidément pas, du racisme ordinaire et des périphéries urbaines déshéritées. Un roman noir où l’espoir ne se laisse qu’entrevoir avant de se refermer bien vite sur l’indicible et une violence gratuite. Seul le personnage de Jo semble s’échapper de l’emprise de sa condition. Une satisfaction bien maigre au regard de ce qui se trame dans ce récit : une jeunesse désabusée, des adules désenchantés, un racisme ordinaire cruel et une roue de fête foraine qui ne s’arrête jamais de tourner… Qu’importe ! ce livre secoue, remue et ne devrait pas vous laisser indifférent.
A lire, au soleil d’hiver, avec une boisson réconfortante ! L’été circulaire / de Marion Brunet – Editions Albin Michel – 2019 – ISBN 978-2-226-39891-8
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