Selon la légende, si on ne croit pas aux fées, elles disparaissent. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont fréquenté le café Clochette, un commerce accueillant parents et enfants dans la joie et la bonne humeur depuis plus de deux ans. La vente de l’établissement attriste et donne naissance à un Collectif de soutien. Une initiative qui en dit long sur l’affection que les familles lui portaient.
Rue de Dinan, à Rennes, la devanture rose du café Clochette a la mine triste. Un panneau signale : « Fermé. Le café Clochette est à vendre ». Après deux ans et demi d’existence, le café des familles vient d’être vendu. Pascale Grosbras, propriétaire de l’établissement, avait l’espoir de retrouver un repreneur « mais c’est un engagement très lourd et tout le monde n’est pas taillé pour ça ». Elle explique qu’elle est donc dans l’obligation de vendre. « J’ai embauché quelqu’un qui devait reprendre. J’ai appris récemment que ça ne se ferait pas. Je n’ai pas d’autres choix. J’ai repris mes études il y a 6 mois », poursuit-elle. La cafelière regrette cette séparation. Et elle n’est pas la seule. Nombreuses sont les clientes à avoir témoigné leur soutien à ce lieu.
Laure fréquentait de temps en temps le café. Mère d’une petite fille allergique aux œufs et intolérante au lait de vache, elle trouvait ici des menus adaptés aux différents besoins. De sa voix douce, elle explique que « c’était un endroit où je pouvais aller avec mes enfants sans me poser de questions. Je savais que Pascale était attentive à tous les problèmes alimentaires dont peuvent souffrir les petits ». Mais la partie restaurant n’était pas simplement connue pour son côté « adapté » mais aussi pour sa « qualité côté gastronomie pour gourmets gourmands », précise Tiphaine. Elle poursuit : « Les différentes personnes qui ont œuvré en cuisine avaient toutes cette notion de l’exceptionnel dans la simplicité, la petite touche en plus qui fait que c’est particulier, la découverte de nouveaux goûts ou même l’association de goûts avec notamment le fondant choco piment, le café blanc ou encore le canard au chocolat ». Et la cafelière ne gardait pas les petits bijoux culinaires pour elle. En effet, elle partageait ses recettes sur son blog… Et plus d’une maman avoue s’en être inspiré ! Le café restaurant, un concept qui permettait de manger bien et sain, de partager un repas en famille pendant lequel les enfants pouvaient « manger et bouger » en même temps…
Pour Nathalie, c’est une page qui se tourne, « la fin des diners de filles organisés par Pascale, ne plus la voir elle, et Samuel, son fils… Enfin, la fin d’un endroit spécial comme une bulle dans laquelle nous nous sentions bien ». Celle qui a fêté ses 40 ans au café Clochette se rappelle les débuts du café pour lesquels elle avait donné un coup de main lors du bricolage, les repas le mercredi midi avec ses trois filles et ceux du vendredi soir avec la famille au complet ! Pour Nathalie, difficile d’annoncer la nouvelle à ses enfants… qui ne savent pas encore que la fermeture sera définitive !
« Indispensable au bien-être »
Inès, elle, a découvert un lieu convivial lors de son arrivée en 2009 à Rennes, ville qu’elle ne connaissait pas et dans laquelle elle ne connaissait personne. Alors en recherche d’emploi, elle passe du temps au café où elle rencontre Pascale et noue des relations fortes avec cette dernière. Au fil du temps, des amitiés se tissent. « J’ai tout de suite adopté le café Clochette avec la cafelière, son blog auquel je suis devenue accro, son chat, les bons petits gâteaux, les discussions avec les autres parents en dégustant un thé… Ce lieu était important pour moi car il me permettait d’éviter l’isolement et de sortir avec mes deux enfants », se rappelle-t-elle.
Lutter contre l’isolement. Voilà la force du café des familles. A la suite de la fermeture de Clochette, un Collectif de soutien s’est formé. Actuellement, plus d’une trentaine de familles et une dizaine d’associations le composent. Dimanche 8 mai, une première rencontre a eu lieu. C’est dans l’appartement d’un membre actif du collectif que trois mères et un père de famille se sont retrouvés. L’objectif n’est ni de créer un nouveau café des familles, ni de sauver le café Clochette de l’inévitable. Ces parents souhaitent « réfléchir sur ce qu’est un café des familles, aux besoins des parents et aux structures alternatives qui existent ».
Parmi eux se trouve Morgane. Elle attend son troisième enfant. Elle a reçu un livret sur l’accueil de ce dernier « sur les différentes structures qui existent. Mais il n’y a rien sur ces cafés qui offrent des bouffées d’air frais ». Si les établissements tels que celui de Pascale leur tient à cœur c’est parce que pour ces parents aucun autre lieu ne leur ressemble.
Un espace convivial et chaleureux dans lequel l’enfant et le parent sont pris en compte. Valérie reconnaît l’intérêt des lieux d’accueil municipaux et le travail des professionnels de la petite enfance mais ne s’y retrouve pas. En congé parental avec deux jolies petites filles, elle aimait fréquenter le café Clochette. Un café qui lui offrait la possibilité d’entretenir une vie sociale pour elle et pour ses enfants. « Les cafés des familles sont indispensables pour le bien-être. Aujourd’hui, nous n’avons plus d’endroits où aller », déclare la jeune maman.
Mieux vaut prévenir…
Allaitement, portage en écharpe, communication bienveillante… Plus qu’un café, l’établissement proposait des ateliers avec des associations telles que la Leche league, Tribu Koala, Couleur bébé ou encore Baby blues 35. De quoi profiter aux parents sans souffrir du jugement parfois acerbe de certains passants ou clients de cafés « normaux ». Ou simplement de ne pas avoir le sentiment de gêne d’envahir un lieu. Une pensée que rejoint Tiphaine, qui a déjà participé à un atelier avec Tribu Koala, le matin, hors horaires d’ouverture au public. « L’espace disponible pour tester les nœuds d’écharpe était confortable et le fait de ne pas être chez quelqu’un qu’on ne connaît pas rendait forcément plus à l’aise », explique-t-elle. Toute la famille était bienvenue au café Clochette lors des ateliers puisque l’espace jeux permettait aux petits de profiter du lieu pendant le temps d’échange avec les différentes associations.
Ainsi ce petit café manquera à bien du monde ! Audrey, membre du Collectif, avoue que le soutien du café Clochette lui a permis de s’aérer l’esprit. « Même en arrivant 5 minutes avant la fermeture, on trouvait une écoute et une aide », précise-t-elle. Parce que oui, la parentalité n’est pas une mince affaire malgré ce que l’on voudrait croire. Pendant la rencontre, Valérie indique un bouquin intéressant : Mère épuisée de Stéphanie Allenou.
Ce premier récit traite d’une problématique importante. Celle du burn out, de l’épuisement moral et physique d’une mère après la naissance de ses jumeaux. Parce que si le baby blues est bien connu, en revanche cette dépression l’est moins. Le livre soulève alors le problème d’une société qui privilégie le soin de l’enfant, délaissant le lien avec les parents. Selon Valérie, « il faut prendre soin du petit et du parent qui choisit de l’accompagner durant les premières années de sa vie. Les cafés des familles peuvent éviter le burn out et amoindrir le sentiment d’isolement ». Des lieux alors qui pourraient servir de prévention à ce genre de phénomène.
Mais entretenir un café de ce type nécessite une charge de travail très importante. « Le manque d’associés et de repreneurs joue dans la fermeture des cafés des familles », commente Morgane, lors de la première réunion du Comité de soutien. Car la fréquentation était bonne… Pour Marion, gérante du Caf’erry boat (www.caferryboat.fr) à Laval, « la fréquentation du café seul, même bonne, ne suffirait pas… Je crois qu’il faut pouvoir animer le café soit même, au maximum, pour en retirer les bénéfices nécessaires à la survie du lieu ». Depuis septembre 2010, elle et son compagnon Matthieu, ont ouvert leur café des familles sous la forme d’un commerce, tout comme le café Clochette. A la différence, les ateliers, pour la plupart, sont gérés par ce couple formé à la psychomotricité. Et cela représente la moitié de leur chiffre d’affaires. Selon Marion, « le bio, le commerce équitable, une parentalité respectueuse, tout est lié… Si l’on veut faire évoluer la société, il faut commencer par évoluer soi-même, accepter les conditions d’un changement, revoir nos priorités. Moins de choix, plus de qualité : pour la nourriture, pour les jouets, pour tout !… ».
Cela définit bien la philosophie de ces cafés « relativement hors norme » et qui tentent d’allier ouverture d’esprit, rencontres, bien-être des enfants et des parents avec la réussite financière de leur commerce. Sans oublier le côté restauration dans un cadre familial et sympathique, avec une nourriture saine et délicieuse… Pascale et Aude, employée, ont décidé d’ouvrir quelques semaines en juin. L’occasion pour elles de dire au revoir et « de faire ce que nous avions toujours rêvé de faire sans jamais en prendre la liberté. Surprise…»
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