Chronique SFFF : Glen Duncan

LeDernierLoup-Garou3, it’s the magic number. Et comme ces chroniques des littératures de l’imaginaire tombent tous les 4 mois, on vous propose une trilogie dont la conclusion vient de sortir.
Premier chapitre « Le Dernier Loup-Garou » : la meilleure histoire d’amour lue en 2013 (et même pas parce que la seule). Un livre qu’on voulait bazarder au début mais, ayant signé la charte des 50 pages, on s’entête. Et à la fin, on est malheureux.
Jack Marlowe pense être le seul de son espèce. Ça déprime. Voire ça rend dépressif. Alors pourquoi ne pas se laisser rattraper par les chasseurs de l’OMPPO ? Un siècle et demi de cavale, c’est peut-être suffisant. Mais il y a une femelle, il y a toujours une femelle. Glenn Duncan n’écrit pas dans la catégorie « jeune adulte-vieil ado-je comprends tout à l’histoire ». Entre deux whiskies, le lycanthrope raconte son histoire dans son journal, y philosophe de manière assez personnelle. Avec son âme soeur, il baise, tue et mange.
Nick Cave est fan.
Le compagnon humain de Marlowe s’appelle Harley (à une lettre près, le nom de Mick, ancien Bad Seeds). Jack l’a sauvé d’une bande de sadiques homophobes.
C’est un roman cru, et fin, donc avec une bonne dose d’humour.
« Un vampire a écrit : « La grande asymétrie entre immortels et loups-garous (si l’on oublie l’évidente asymétrie esthétique), c’est que la transformation élève le vampire, mais rabaisse le loup-garou. Devenir un vampire signifie gagner en subtilité d’esprit, en raffinement; le moi ouvre la porte de son meublé miteux sur de vastes palais. La personnalité se développe, indéfiniment. Le vampire reçoit en partage l’immortalité, une force physique immense, des capacités d’hypnotiseur, le pouvoir de voler, la grandeur psychologique et la profondeur émotionnelle. Le loup-garou, la dyslexie et une érection permanente. On peut difficilement comparer … » Verbiage qu’on peut résumer comme suit : Les loups-garous ont une vie sexuelle, pas nous. »
Tout n’est pas drôle. Revenu de tout, et surtout du pire (qu’on finit par apprendre), l’homme-loup a l’occasion de toucher les étoiles en rencontrant Talulla. Duncan pouvait-il faire autre chose qu’une fin tragique ?

TalullaDans la version française, le deuxième livre a pour titre le prénom de l’héroïne. Jack a laissé à sa compagne beaucoup plus que de l’argent. Talulla devient mère. Elle parle de la sienne, de sa grossesse, de celui qui manque. De son enfance d’ « immonde petite dégoûtante ». Elle cite beaucoup le journal du père de ses enfants. Ce n’est pas redondant. On ne sent pas une facilité, un recyclage. Il lui restait tellement à vivre avec lui.
L’accouchement se fait en pleine attaque de vampires, son garçon lui est enlevé. Malgré ses doutes sur ses sentiments maternels, elle fait tout pour le retrouver, aidée de son « familier », tout en devant en même temps s’occuper de sa fille, Zoé.
Elle aussi est capable de tout, surtout du pire. « Pas la peine d’avoir des enfants si on ne peut pas tuer pour eux ». Ce n’est pas elle qui le dit. C’est une phrase qu’elle a rencontrée et qui l’obsède, comme la travaille l’idée d’être une femme sans peur. Du viol, entre autres. Elle finit au milieu d’une meute, en contradiction totale avec le titre du précédent bouquin.
Il ne faut pas chercher dans cette suite le ton du premier chapitre. « Talulla » est un bouquin féminin. C’est encore une histoire d’amour mais entre mère et enfants. Ce qui n’est pas forcément naturel, pas une évidence.
En 460 pages, Glen Duncan fait du thriller (twists, action …), du fantastique (les monstres, leurs origines …) et de l’étude psychologique (quand les victimes mangées racontent leurs vies en quelques lignes …). Il y a toujours de l’humour mais ce n’est plus le même (en pleine mission commando, il faut dégoter un tire-lait pour se soulager). Celui-ci est plus triste, plus tendre. La cruauté est toujours là. Mais la cruauté, c’est quand on a le choix. Qui l’a ?

rites-de-sang« Rites de Sang » est sorti en octobre. Il parle … d’amour. Celui qui se déchire. Celui du destin. Pas de triangle amoureux, mais un carré.
Remshi est un vampire de 17 000 ans. Il n’a pas rêvé depuis que Vali est morte, quand Sapiens n’avait pas encore inventé l’écriture. Ça le reprend aujourd’hui. Dans son rêve, une plage.
Justine est sa compagne humaine. Ils s’aiment. Mais ne baisent pas. Pas de désir de ce genre chez les Sangsues. Quand ils sont attaqués, il doit la transformer pour la sauver. Elle part alors se venger de ceux qui l’ont détruite quand elle était enfant.
Talulla rêve aussi. Du plus vieux vampire du monde. Quelqu’un lui envoie le livre de Quinn. Celui qui raconte l’origine des Loups-Garous.
Walker est ce qui se rapproche le plus d’un père pour les jumeaux. Il découvre ce qui traverse le sommeil de leur mère. Il s’efface. Amertume. Tristesse. Et quelque chose en plus sur les humains : chez les deux espèces de monstres, la télépathie existe. Que se passe-t-il quand on aime ailleurs et que ses pensées ne peuvent être cachées ?

Certains ont reproché aux livres précédents un côté malsain. Duncan commence son histoire chez un pornographe. Et pousse tout de suite plus loin dans le glauque. Une histoire avec des lycanthropes qui dévorent les gens, ça rend possible l’horreur. D’autres choses aussi.
Remshi pleure. Celui que Justine appelle « Nounours » n’a pas le sens de la dérision de Jack Marlowe. Il s’excuse en permanence de voir du sens partout. Les personnages boivent du sang, sont soumis à la pleine lune mais se demandent si la magie existent, ont peur de ne pas être assez rationnels. L’auteur fait dire à son héros en quoi Anne Rice a tort ou raison. Metafantastique.
Il continue aussi son oeuvre de défense de la littérature, utilisant Robert Browning, celui qui fait le lien entre Shakespeare et Stephen King. Dans cette histoire, si un lieu est agréable, on y trouve du Macallan et une bibliothèque.
Enfin, celui qui a écrit « Moi, Lucifer » utilise le mot « Dieu » plus qu’aucun autre. L’ennemi n’est plus l’OMPPO mais les Militi Christi.
« Un jour une religieuse avait dit à la télé que la souffrance ouvrait la voie à la grâce. Que pardonner à ceux qui vous faisaient souffrir ouvrait la voie à la grâce. Nounours, lui, disait : S’il existe un Dieu, il est accro à la foi. Je ne peux pas me passionner pour un Dieu dont la divinité est basée sur une dépendance de drogué. »
Il y a des séries qu’on poursuit sur sa lancée, parce que le début nous a impressionnés. Ceux qui donneront du temps à ces trois tomes ne connaitront pas ça. Pas d’essoufflement. Ils auront un voyage. Et plusieurs vies.

Glen Duncan
traduction : Michelle Charrier

Le Dernier Loup-Garou
Denoël : 368 p 22,50 €
Folio SF : 464 p 8.4 €

Talulla
Denoël : 480 p 23,50 €

Rites de Sang
Denoël : 480 p 23,50 €

2 commentaires sur “Chronique SFFF : Glen Duncan

  1. Gromovar

    Belle chronique 🙂

  2. Fix

    Merci camarade.

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