Comme chaque année, la toujours chouette programmation de la Route du Rock se compose d’un bon lot de découvertes, d’une dose de stars, d’un soupçon de nostalgie mais aussi d’une belle poignée d’habitués que l’on retrouve avec joie. Cette année, ce sera ainsi les retours de Caribou, Baxter Dury et surtout de Liars, soit tout simplement un des groupes les plus excitants et insaisissables des années 2000. On vous en refait donc l’article avec une petit revue discographique des 7 albums de ces grands allumés.
Nous avions découvert les Liars en 2002, avec un premier album à la pochette épurée et au nom impossible : They Threw Us All in a Trench and Stuck a Monument on Top (Soit : « Ils nous ont tous jeté dans une tranchée et ont collé un monument par dessus.») sorti chez Blast First. Ils étaient alors quatre : Angus Andrew (voix/guitare), Aaron Hemphill (percussions, guitare, synthé), Pat Noecker (basse) et Ron Albertson (batterie). Ils s’étaient rencontrés à Los Angeles à la fac d’arts ou derrière la caisse d’un magasin de disques.
Ils avaient ensuite déménagé à New York et sorti ce premier disque acéré et furieux où d’imparables tueries post-punk étaient joyeusement salopées par des textures électroniques habitées (craquements, sonorités étranges). Autant dire que nous avions adoré ça dès la première écoute. Surtout que This Dust Makes That Mud (« De cette poussière vient cette boue »), l’ultime morceau de l’album, avec ses 30 minutes hypnotiques et flippantes laissait présager d’étranges et merveilleuses choses pour la suite. Le groupe change alors de line-up. Noecker et Albertson partent pour d’autres projets et c’est Julian Gross (un copain de fac d’Andrew) qui prend alors la place libre à la batterie. C’est sous cette forme de trio que va désormais se stabiliser le groupe
Les Liars vont alors faire le choix de creuser la veine bruitiste et expérimentale qui pointait dans leurs compos. They Were Wrong, So We Drowned (« Ils avaient tort et donc nous avons coulé ») sort en 2004 et marque le début de leurs longue collaboration avec le label Mute. Très cohérent, l’album explore au fil d’un grand bordel sombre et incantatoire, le thème de la chasse aux sorcières. Hobby fort prisé au 19ème dans les forêts du New Jersey jouxtant la grande pomme et où le trio semble avoir passé beaucoup de temps. Le titre est une référence à une des charmantes pratiques de nos apprentis inquisiteurs qui pour détecter les adoratrices du diables jetaient les suspectes pieds et poings liés dans une rivière. Si elles flottaient, elles étaient bien diaboliques. Si elles coulaient, elles étaient innocentes et, on l’espère pour elles, plutôt fortes en apnée. Enregistré dans une cabane en pleine forêt et retravaillé ensuite avec David Sitek (de TV on The radio), ce n’est certes pas un disque facile d’accès avec ses rythmiques concassées et agressives et son ambiance oppressante mais l’ensemble se révèle pourtant assez fascinant.
Toujours dans la même veine Drum’s Not Dead sort en 2006. Pour à nouveau explorer de nouvelles voies d’écriture, la bande déménage à Berlin. Le disque est sensé raconter les aventures de deux personnages, mais on avoue volontiers n’y avoir rien pipé. Plus intéressant, le groupe pousse encore plus loin le travail rythmique entamé sur l’opus précédent. Pas vraiment plus simple que le précédent, le disque est pourtant l’un des favoris des fans du groupe. Il faut dire qu’avec sa façon désarmante de rendre entêtante les refrains les plus zarbis et les mélopées les plus décharnées, c’est un album sur lequel on revient au fil des écoutes avec toujours autant de plaisir. Ses ambiances très variées mais jamais très rassurantes, sont solidement charpentées par un travail sur le son des rythmiques tout à fait captivant. Un disque monde à ranger près des grands essais les plus déviants de PIL ou Einstürzende Neubauten.
La nouvelle mue de nos lascars s’opérera vers un retour en force de la mélodie et de l’urgence. En 2007, Liars (enfin un titre simple!) aligne 11 morceaux au format couplet/refrain bien plus accessible. Attention, ce n’est pourtant toujours pas gagné pour les rotations intensives en radio, car si les structures sont moins alambiquées, les gars réussissent à conserver leur prédilection pour les ambiances macabres et paranoïaques et un son qui grattouille là où ça fait mal. Le tout y perd un peu en cohérence mais le disque reste une belle réussite de pop-punk insidieux et barré de la caisse.
Ils peaufineront la formule avec l’excellent Sisterworld qui suivra en 2010. L’explosif Scissor ouvrant le disque répond parfaitement aux décharges d’adrénaline inhérentes au terrible Plaster Casts Of Everything inaugurant le précédent. L’album marque le retour des zigotos à Los Angeles. Ils y déploient au fil des morceaux, leur propre vision très apocalyptique de cette ville démente. Si les titres sont beaucoup plus catchy avec leurs gimmicks enjôleurs et leurs refrains qui vous collent au cortex, le voyage ne se révèle cependant pas de tout repos. Ce qui se cache derrière la très Lynchienne serrure dorée de la pochette, c’est une ville au bord du gouffre dont on ne verra que la déliquescence, l’ultra-violence, le tissu social en lambeaux et les arrières-cours les plus sordides. Un grand disque encore, à la fois accessible et pourtant délicieusement labyrinthique et flippant.
Nouveau pas de côté en 2012 avec le palyndromique WIXIW. Le groupe décide de sortir les synthés pour s’adonner sans retenue aux joies électroniques de la répétition et des foultitudes de nappes de claviers. La première impression fut un peu étrange. L’album malgré des atouts certains manque de prime abord un peu de relief et l’ambiance générale est plus uniforme. Les charmes de ce nouvel opus ne se dévoilent qu’au fil des écoutes. Petit à petit, on retrouve dans les détails, soigneusement dissimulés dans des masses synthétiques et les rythmiques downtempo tout ce que l’on aime chez nos Liars : ambiances claustrophobiques, cauchemardesques et urbaines, bouffées d’énergie pures, sons jamais tout à fait dans la norme. Le groupe réussit donc une nouvelle fois à se renouveler sans perdre son identité si singulière.
Mess, leur dernière galette à ce jour, sortie en mars dernier, continue de creuser le sillon d’une électro plus dansante mais toujours subtilement déviante. L’ambiance est en apparence plus hédoniste et moins sombre mais comme toujours chez eux, il faut se méfier de sa première impression. Attention donc à ce vous trouverez derrière les beats poids lourds, les basses hantées et les lignes de synthés enjôleuses. Ainsi passé les quatre premiers titres aussi agressifs que régressifs et l’obsédant Mess on a Mission, on se retrouve en terre beaucoup moins accueillante. L’imposant et sépulcral Can’t Hear Well nous fait bouillir d’impatience de l’écouter en live. On adore se perdre dans la house marécageuse de l’instrumental Darkslide ou le labyrinthe embrumé au valium de Boyzone. Enfin, l’album s’achève sur deux ritournelles totalement obsessionnelles, baignées du psychédélisme sombre et suffocant d’un mauvais trip.
Au fil de leurs aventures musicales peu communes, les Liars ont réussi l’exploit de ne jamais être là où les attendait sans pourtant jamais se perdre tout à fait. Nous les retrouverons donc avec une grande joie, vendredi 15 août en fin de soirée sur la grande scène du Fort Saint-père. En 2006 et en 2010, au même endroit, leurs prestation déjantées et jusqu’au-boutiste avaient ravi les amateurs de musiques noisy et arty. Deux concerts et deux modèles d’intensité scénique hautement jouissifs où les zigues se sont ingéniés avec malice et rage à déconstruire et rebâtir leurs morceaux. On compte fermement sur eux pour renouveler l’expérience avec une jubilation renouvelée et remettre le couvert une troisième fois avec la même fièvre.
Sur la scène du Fort Saint-Père – Vendredi 15 août à 01h00
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La Route du Rock Collection Eté 2014 du mercredi 13 août au samedi 16 août.
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