On savait que Howl2122 allait être un moment fort. On était loin de se douter que la Cie LaDude allait nous renvoyer dans nos cordes et nous émouvoir à ce point. Un texte fort, viscéral, de première nécessité et salutaire, à tout point de vue…

Difficile de raconter le contenu de cette création et les émotions qui nous ont traversé ce vendredi soir au Théâtre de la Parcheminerie lors de l’édition Mythos 2023. On s’excuse par avance auprès du collectif de n’être sûrement pas à la hauteur de ce qu’ils nous ont offert.

Howl 2122 est un coup de poing, un uppercut, destiné à nous rappeler combien le covid et le confinement ont malmené et détruit la jeunesse de notre pays. Combien les étudiant.es ont morflé, avec un grand M. Et combien nous, adultes, les avons abandonné.es, par propre souci de notre survie, par indifférence égoïste et larvée, par insouciance bien pesée. Combien nous n’avons pas mesuré le désastre et l’impact des mesures diverses et variées sur leurs (sur)vies déjà ô combien précaires…

Pendant un peu plus d’une heure, c’est un cri du coeur poussé par Laure Catherin à la voix et Raphaël Mars aux décibels, un spoken word tout en finesse et en rage qui va nous plonger dans la vie des étudiant.es de Rennes 2, avant, pendant et après le(s) confinement(s).

On débarque sans crier gare, au son de la douce voix du métro nous annonçant la station Métro Villejean-Université. Un campus poétique, de béton et de gazon, certes, mais où la circulation est libre et où les bâtiments crachent des étudiants. Un quartier-monde où le bâtiment Ereve (Et rêve !) offre un instant de vie bucolique aux assos étudiantes et à aux étudiant.es aux-mêmes. Ces dernier.es, masse de 22 000 personnes, sont aujourd’hui les flemmards-assistés-mal-payés-sans responsabilité. Ceux qui répondent dans l’imaginaire (le réel ?) collectif à la Sainte Trinité Fête-Beuveries-Manifs sont pourtant ceux qui subissent mal logement et malbouffe… Et qui aux mots de mars 2020 du Président de la République dorée, « Nous sommes en guerre », vont connaître vide social, éloignement, séparation, débâcle pédagogique, faim, abandon, Resto du coeur…

Un CoroLanta puissamment décrit par Laure Catherin, sans détour ni trompettes. Sans altérer ni édulcorer les mots des étudiant.es de Rennes 2 qui ont témoigné lors d’entretiens.

Mais ne partez pas ! Le malaise n’en est qu’au début ! Eté 2020 : place à la morale, à la responsabilité de chacun.  Semblant de liberté altérée. Rentrée 2020 : après avoir jardiner pendant le confinement, il est demandé aux étudiant.es de cultiver la confiance. Retour du couvre-feu, de la méfiance et de l’hygiène hydro-alcoolique. La Ministre et ses parrainages prennent un tâcle, bien mérité. Vacuité des mesures et cynisme des gouvernants. Une Marseillaise et hop ! des cours en ligne et un 2è confinement qui se profile à l’horizon. Voilà notre jeunesse en mode SDFR = Sans Date Fixe de Retour. En mode Zoom et précarité exposée, en mode détresse et sans aide, en mode isolé.s à domicile et sans lien social.

Une attaque d’islamo-gauchisme et un premier ministre qui évoque l’isolement et les difficultés psychologiques. De l’aide ? que nenni. On repart en janvier 2021 pour un couvre-feu généralisé et des campus déserts. Heures bien sombres mais les petites flammes de la solidarité continuent de survivre : épiceries solidaires, société égalitaire, retour du lien social. N’en déplaisent aux médias qui cherchent seulement la misère… Misère par contre des propositions de la Ministre, toujours aussi décentrée des réalités. Dépressions, abandons, hémorragie universitaire, angoisses : l’hiver est sans fin.

Le printemps 2021 et son renouveau pointent son nez. Les campus rouvrent une fois les étudiants partis : la blague. La rentrée de septembre 2021 quant à elle offre son lot de phobies sociales et d’angoisses, de mobilités hybrides et virtuelles, de repas non plus à 1€ mais à 3€, de files qui s’allongent devant les banques alimentaires…

Rien, absolument rien n’aura été épargné à la jeunesse de ce pays. L’Université, lieu d’égalité, de connaissances, d’avenir ? Non. Les étudiant.es se retrouvent plutôt perdu.es dans l’obsolescence programmée des mots (maux) et dans le purgatoire du provisoire. Moloch les a oublié.es, les a sacrifié.es, infantilisé.es, méprisé.es. La démocratie, malade du pouvoir, leur a coupé les ailes…

Un bien sombre portrait, heureusement illuminé par les sursauts de solidarité en filigrane : les épiceries, les assos étudiantes, le partage et la musique. Celle par qui tout finit, celle qui redonne de la joie, celle qui fait à nouveau sourire, celle qu’on partage, sans fin et sans vergogne. Celle qui libère assurément.

Un texte écrit pour et par ces étudiant.es rennais, qui ont souffert à quelques encablures de nos existences. Un texte scandé de façon incroyablement forte et émouvante par Laure Catherin. Un texte sublimé par l’interprétation musicale de Raphaël Mars.

Un texte mis en lumière par toute l’équipe qui a travaillé sur ce projet : Delphine Battour (à la mise en scène), Louise Prieur (au son et à la régie générale). Un texte salutaire, courageux et rendant hommage à cette génération sacrifiée sur l’autel du pouvoir de certain.es. Un travail de la Cie LaDude à voir, à encourager, à soutenir, à ébruiter.

Merci pour les étudiant.es, merci pour cet uppercut, nous rappelant combien nous avons été peu courageux, contrairement à eux…

[Vous n’avez pas pu assister aux représentations ? le texte est disponible aux Editions Koïné : https://www.edition-koine.fr/laure-catherin/howl2122/]