Il n’y a pas foule à l’ouverture des portes de l’Ubu, probable effet d’un apéro prolongé à base de beaujolais… Mais très rapidement le public grossit, et participe avec assiduité au tirage au sort, en échange d’une compilation des Trans Musicales forcément très convoitée ! La Tournée des Trans posait ses valises à Rennes et ce moment est toujours très attendu, car il permet de découvrir en avant-première des groupes qui se produiront pendant le festival (et gratuitement !).
On se faufile pour accueillir le premier groupe de la soirée, Les Spadassins, et on reconnaît assez rapidement quelques visages familiers parmi les musiciens, emmenés par Fred Gransard (chanteur des Bikini Machine). Le sextet est sapé en costard vintage, la coupe de cheveux est très Beatles, et les premières notes sont résoluement sixties. Les compositions alternent rock 60’s, soul et ryhtm’n’blues, mais aussi des touches de surf, de garage et de psyché. Fred assure côté chant, tantôt en anglais, tantôt en français, parfois accompagné par les choeurs du guitariste et du percussionniste qui l’entourent. Le trio assure le show, et notamment le bondissant percussionniste.
Mais le groupe trouve le public assez peu chaleureux, et malgré les multiples tentatives, se résigne à recevoir des applaudissements timides. Pas évident d’ouvrir une soirée, avec un public forcément varié et qui, visiblement, attendait les Backpack Jax. Et pourtant le combo réunit de nombreux atouts : des musiciens expérimentés ayant une maitrise scénique évidente, une rythmique hyper efficace avec un bassiste monumental (la ligne de basse sur Verrine, Tu m’assassines), et un organiste stoïque voire statique mais au jeu talentueux.
Bon les morceaux soul et rythm’n’blues d’influence 70’s sont clairement les plus réussis, et on sent sur certains titres le souffle des grands labels soul (Can’t Stop Losing You, et l’accélération finale sur le réussi All Your Secrets). On est un peu plus réservé sur les morceaux plus rock : réussis quand ils sont influencés par les seventies (l’orgue joue d’ailleurs un rôle prépondérant sur ces titres), les titres fonctionnent moins bien quand ils sont résolument sixties. Il y a un côté décalé, certes, et le titre Verrine tu m’assassine est en ce sens jubilatoire. Mais certaines mélodies n’accrochent pas vraiment l’oreille (l’Effet que ça Fait), ce qui rend le set inégal. Le groupe compense à l’énergie les moments plus faibles, et finit sur This Heart of Stone, et son tempo lent et ravageur. A revoir dans une ambiance un peu plus électrique, pour pleinement apprécier leur concert.
La pause est courte car les groupes s’enchainent rapidement et le public est de plus en plus nombreux. On avait revu Jesus Christ Fashion Barbe dans le cadre du projet Kaléidoscope de l’ATM à Janzé, deux semaines auparavant (lire l’interview ici), mais l’excitation nous gagne assez rapidement à l’idée de les revoir sur scène : on est resté scotché par leur magnifique EP, bourré de pépites incontournables, et on a hâte de voir cet immense potentiel se confirmer sur la scène de l’Ubu.
Les deux Nicolas (Nicolas M. au chant et à la guitare, Nicolas L. à la basse) et Charles-Antoine (batterie) arrivent sur scène et débutent par le nerveux Anger in your Face. On retrouve immédiatement leur univers musical, savant mélange d’influences variées (folk, rock, pop) : on peut toujours s’attacher à créer des filiations avec certains groupes, mais la particularité du trio caennais est de proposer des compositions variées. Certaines sont immédiates (Pimp par exemple), d’autres plus exigeantes (In Bray), mais toutes ont un dénominateur commun : ça sonne Jesus Christ Fashion Barbe de la première à la dernière note. Pour un groupe qui a à peine deux ans d’existence et un tout premier EP, ça peut effectivement paraître surprenant. Mais le trio se connait depuis de nombreuses années et a joué ensemble dans d’autres formations auparavant.
Et puis l’alchimie sonore est faite de plusieurs ingrédients : le timbre de voix de Nicolas M. est délicieusement grave, avec cette petite pointe de réverb’ (Toaster) qui lui donne une autre dimension. Son jeu de guitare ne fait pas dans l’esbrouffe, et est véritablement au service des compositions. La rythmique est aussi diablement efficace, et donne une réelle identité aux morceaux. Nicolas L. utilise sa basse à la fois pour marquer une rythmique forte (Pimp) mais aussi pour souligner la ligne mélodique (la ligne de basse imparable sur The Meaning). Les deux Nicolas utilisent aussi judicieusement leurs claviers (l’intro psyché de The Meaning par exemple), avec quelques notes qui pontuent les titres, et qui enrichissent singulièrement les compositions.
Quant à Charles-Antoine, il insuffle avec sa batterie les nombreux changements ryhtmiques au sein des morceaux, avec de réjouissantes trouvailles comme lorsqu’il substitue l’une de ses baguettes par des maracas (et que dire de la subtilité de son jeu sur l’excellent Sak, lorsqu’il frappe le rebord de son tom, un vrai bonheur…)
Le groupe réussit aussi le tour de force de retranscrire sur scène les multiples évènements sonores qui fourmillent sur EP (la voix de Nicolas L. sur In Bray, les dissonances jouées à l’aide du coude par Nicolas M., etc…) Difficile de les détailler ici, car ils font partie intégrante d’un tout, que nous vous invitons à découvrir d’urgence ! Et puis l’une des plus grandes qualités des membres de Jesus Christ Fashion Barbe est de ne pas surjouer sur scène, tout en réussissant à captiver les spectateurs. Il faut dire aussi qu’ils ont huilé leur set depuis leur victoire aux Jeunes Charrues : les transitions musicales entre les morceaux se font avec beaucoup de fluidité, et l’on sent le trio beaucoup plus à l’aise, notamment dans l’échange avec le public.
Nous écrivions lors de la présentation de l’interview du trio : « on ne serait pas surpris de voir les Jesus Christ Fashion Barbe devenir l’une des révélations de ces Transmusicales 2011 ». A la fin du concert, les quelques mots échangés avec certains spectateurs n’ont fait que confirmer ce pronostic. Il ne vous reste plus qu’à patienter deux petites semaines avant d’avoir le plaisir de les découvrir à l’Ubu, le samedi 03 décembre à 15h40 : et ce sera gratuit ! Définitivement immanquable…
On se prend un petit choc thermique en allant s’aérer à l’extérieur (ah, la chaleur de l’Ubu…). Et si l’idée d’un alléchant passage au bar du TNB nous traverse l’esprit, on rejoint rapidement la salle bondée de l’Ubu : le public des premiers rangs s’est sérieusement rajeuni et on sent une attente particulière pour le duo Backpack Jax.
Première surprise : le duo composé de Boogie Monsta et Mauikai, flanqué d’un dj, est accompagné par un trio guitare-basse batterie. Prometteur. Après un premier titre mélangeant intelligemment soul et rap, le combo balance l’excellent Da Goosh!t, avec un croisement des flows qui traduit une évidente complicité. Mais la formule s’essouffle un peu ensuite. Il y a probablement quelques soucis au niveau du son car on percoit difficilement les nuances dans le flow de Mauikai lorsque celle-ci titille les graves. Dommage, car le débit de l’américaine est plutôt virtuose et l’ampleur de sa voix dans les moments soul est carrément emballant. Mais à force de tenter l’audacieux mélange entre soul et hip-hop, certains titres deviennent un peu brouillon, et la lassitude nous gagne. On flirte même par moment avec le r’n’b racoleur, mais le (très) jeune public du premier rang semble y trouver son compte…
Et puis, pour être honnête, les musiciens qui les accompagnent ne font pas forcément dans la finesse (notamment en milieu de set avec un solo de guitare pas vraiment utile et un peu suranné). Ils s’en sortent beaucoup mieux sur les moments plus jazzy, avec des titres possédant une vraie originalité musicale. Il y a aussi cette chorégraphie sympa de l’ensemble du sextet, à base d’arrêt sur image lors des ruptures musicales : mais lorsque ça revient un peu trop souvent, on frôle l’indigestion… C’est dommage, car le potentiel est là, c’est une évidence : évidence confirmée par le dernier titre joué, Feelin’ Good. Bon, il faut reconnaître que le sample se base sur un classique, mais les Backpack Jax y amène leur touche personnelle, avec cette magnifique intro soul de Mauikai, puis le flow ciselé du duo. Un concert qui aura su ravir le large public présent devant la scène, mais qui nous aura laissé un peu sur notre faim.
Belle réussite pour cette étape de la Tournée des Trans, avec une programmation variée, une organisation efficace et un public venu nombreux.
Pour les prochaines dates de la Tournée des Trans, c’est ici !
Et pendant le festival des Transmusicales :
Les Spadassins, Jeudi 01 décembre à 14h30, L’Ubu
Jesus Christ Fashion Barbe, Samedi 03 décembre à 15h40, L’Ubu
Backpack Jax, Samedi 03 décembre à 21h, La Cité
Photos : Solène