L’association rennaise Kfuel conviait tous les amateurs de musiques indociles en général, et de noise furibarde en particulier, mardi 27 août au Mondo Bizarro, pour une explosive première soirée de la saison. Belle réussite pour ce tour de chauffe, puisqu’un public conséquent a pu savourer avec délectation l’ahurissante distribution de mornifles soniques des toujours aussi fringuants américains de Big’N.
Malgré tout le bien que l’on peut penser d’une bombe scénique comme Big’N, nous n’étions guère rassurés sur leur capacité à déplacer les foules un mardi soir de fin août. Notre manque éhonté de foi trouve heureusement une rapide contradiction dans la présence rassurante d’un public conséquent dès le début de soirée sur le trottoir de l’avenue Patton. Les gens continueront ensuite d’arriver et c’est au final une bonne centaine de personnes qui sera venue communier avec ferveur à la grande messe aux larsens.
Avec les trois quarts d’heure de retard réglementaire, le duo rennais Minia Zavout ouvre les hostilités. On retrouve avec beaucoup de plaisir les riffs et les hurlements de Jérôme et la frappe tortueuse d’Anne-Sophie, la batteuse aux cheveux bleus. Les excellents nouveaux titres de leur tout récent premier cinq titres #1, passent le cap du live avec brio. Mention spéciale à l’ample et orageux 6b qui déploie toute son envergure sur scène. Dommage que le concert s’achève de façon assez tendue, avec un Jérôme perdant un peu ses moyens sous le stress. Le public fervent et attentif ne leur en tient pourtant pas rigueur et réclame même un titre supplémentaire… alors que le rappel avait déjà été annoncé. Ayant déjà grillé toutes leurs cartouches, ils n’ont donc pas d’autre choix que de bisser une de leurs compos (« My Anger » nous semble-t-il ?).
L’heure fatidique approche. Les gens commencent doucement mais sérieusement à se placer le plus proche possible de la scène. Il y a du monde et ça fait plaisir. On reconnaît même dans la salle la fine fleur des noïseux rennais voire nantais. Les Big’N arrivés à la bourre après une date un peu foireuse dans un squatt à Reims où ils n’ont même pas pu prendre une douche après leur concert, font leur balance à l’arrache. Wnukowski nous rassure d’emblée, même sans sa superbe moustache de 2011, il n’a rien perdu de sa puissance de frappe derrière les fûts. Tout ça est rapidement expédié et le quatuor démarre bille en tête avec un tonitruant Moonshine qui ne laisse aucun doute sur leur motivation à renouveler la branlée qu’ils nous avaient infligée au Jardin en 2011. On retrouve avec un immense plaisir la formule imparable du quatuor : une guitare précise et incisive tournant vicieusement autour de riffs monstrueux, une section rythmique à la puissance atomique et des hurlements dérangés qui font froid dans le dos. Mais ce qui fait vraiment la puissance hors-norme du combo sur scène, ce sont une implication et une générosité de chacun, fraîches comme au premier jour. Car chez Big’N, il n’y a pas d’effets de contrastes entre les différents membres, tout le monde se donne sans compter. William O. Akins vocifère férocement tout en gesticulant sur scène (et dans le public) comme un fauve enragé, Todd Johnson sue sang et eau sur sa guitare sans montrer le moindre signe de fatigue, Brian A. Wnukowski martèle sa batterie comme s’il voulait faire exploser les murs du bar et Fred Popolo (de Haymarket Riot), venu remplacer Mike Chartrand sur cette tournée, fait vrombir sa basse avec un flegme impérial tout en subissant le bizutage viril d’Akins.
Le public prend instantanément feu. Le groupe sent rapidement qu’il arrive en terre conquise et se détend très vite. Dès la fin du premier morceau, les gars remercient chaleureusement Julien Ferrandez, le boss de l’indispensable label African Tape présent sur leur tournée et se permettent même une série de photos souvenirs. Cela se ressent aussi sur leur musique, et les gars se lâchent visiblement. Wnukowski notamment en rajoute des tonnes et entre deux frappes surpuissantes, ses baguettes virevoltent avec une jubilation communicative.
Les tueries comme Long Pig, Dirt Farmer ou Chinese Jet Pilot, s’enchaînent sans aucun temps mort et il faut bien se rendre à l’évidence, ces types sont en train de livrer une prestation encore supérieure à celle qui nous avait mis en orbite la dernière fois. Nous n’avons donc plus qu’à nous laisser porter par la vague sonique irrésistible du combo jusqu’à un final en apothéose avec un doublé de Like a killer, d’abord en instrumental sans un Akins parti reprendre des forces au bar, suivi de la même complétée admirablement par ses hurlements.
Ce n’est pas si pourri que ça 2013 finalement, car vous pouvez vivre ou revivre
ce merveilleux concert en intégralité filmé, bien sûr, par les bons soins d’Appolosmouse.
La programmation 2012-2013 de l’association Kfuel avait été assez exceptionnelle. Après une telle première soirée de reprise, la barre est désormais placée à des hauteurs stratosphériques. On compte sur eux pour que la suite reste d’un tel niveau. On va pouvoir vite en juger puisqu’on retrouvera dès le vendredi 6 septembre, dans un style radicalement différent, le très attendu concert d’Angil & The Hiddentracks à l’Avant-Scène. Nous avions été très frustrés par le rendez-vous raté pour cause de neige de Noël dernier et nous sommes ravis de les voir enfin en live dans le coin.