Focus sur la scène rennaise – Interview de Idwet [Part II]

Lire le début de l’interview : Interview de Idwet [Part I]

Hamlet - Robert Le Magnifique, Tepr & My dog is gayQuelles sont les choses dont vous êtes le plus fiers  avec Idwet ?

En premier lieu, et c’est sans doute le plus évident, chaque disque sorti sur le label est une source de fierté. De façon plus générale, c’est la manière avec laquelle on les a fait qui me rend fier : les échanges, discussions et argumentations, ou pour le dire autrement « le processus de collaboration » qui nourrit chaque projet est d’après moi ce qui conditionne la réussite artistique de ces disques.

Au fond de moi, je suis convaincu que seule une relation de grande confiance mutuelle entre le label et l’artiste peut engendrer ce type de résultat.

Quand j’ai suggéré à Psykick Lyrikah de demander un coup de main à Olivier Mellano pour finaliser un morceau de leur premier album en 2004, ils ne connaissaient pas Olivier et du coup, ils semblaient presque sceptiques. Le fait qu’ils m’aient fait confiance sur ce coup-là a été clairement déterminant, puisqu’il fait maintenant partie du groupe et qu’il a largement influencé les évolutions successives de ce projet.

Enfin, une autre source de fierté vient forcément de la reconnaissance des gens qui écoutent nos disques : du fan anonyme qui écrit un mail de remerciement assez émouvant au sujet de l’ensemble de nos disques, en passant par le journaliste qui ne se contente pas de pomper le texte de présentation du disque, mais s’investit vraiment pour retranscrire ce qu’il a ressenti en l’écoutant, jusqu’au fait d’être cité en bien par des artistes d’horizons divers qu’on respecte beaucoup (Dominique A, Rubin Steiner, Serge Teyssot-Gay, Boom Bip…). Tout ces témoignages font forcément beaucoup de bien…

Des regrets ?

Concernant les disques sortis, pas vraiment. A part peut-être des détails généralement liés à l’artwork et à la mise en page. Rien de grave si l’on arrive à dépasser son perfectionnisme un peu maladif… Et aussi de ne pas avoir eu assez de moyens ou de temps pour sortir tel ou tel album.

Robert le magnifique -Kinky attractive museEnfin, je dirais que certains disques n’ont peut-être pas été considérés à leur sortie à leur juste valeur. Mais ça ne m’empêche pas de dormir,  « l’histoire jugera » est une expression qui se vérifie souvent en musique. Ou comme le chantait Bob Marley, « Time Will Tell » .

Récemment à une rencontre-concert de Laetitia Shériff, organisée par l’Antipode, et évoquant son dernier disque, Often False, sorti chez Idwet, Laetitia a parlé « d’une distribution à l’ancienne » dans les rires… C’est quoi, ça, « distribution à l’ancienne » ?

Je ne sais pas, en vélo comme le facteur ?

Non, je pense que c’était plutôt une allusion au fait que ce disque, réalisé sous l’impulsion du metteur en scène David Gauchard (de la compagnie L’unijambiste) est un projet extrêmement qualitatif qu’on presse à très peu d’exemplaires (250 CD destinés à la vente, c’est vraiment une broutille si l’on compare avec les milliers de disques vendus des deux premiers albums de Laetitia).

Pour expliquer un peu ce projet, « Often False » rassemble des titres composés par Laetitia avec comme source d’inspiration « Hedda Gabler » ,  la pièce de théâtre écrite par Henrik Ibsen. Les thèmes proviennent du travail réalisé avec David Gauchardlors de sa mise en scène de la pièce en Tunisie.

Une fois achevé ce travail au théâtre, on a décidé de concevoir un vrai album, pas juste des bouts de morceaux issus de la pièce. Donc Laetitia Shériff est l’interprète principale avec sa guitare et ses pédales de boucle et d’effets, et viennent s’ajouter le saxophoniste de jazz François Jeanneau (sur quatre morceaux) et Thomas Poli (du groupe Montgomery) qui, au-delà de son rôle d’ingé-son, a enregistré quelques piste de guitare et de synthétiseur Moog, et a également fait de l’édition sur certaines pistes (du coupage, du montage et autres manipulations influençant réellement le résultat final). Ce disque est vraiment magnifique, onirique et addictif. A écouter seul, au casque, coupé du monde. Pour moi, le temps s’arrête à chaque fois que je l’écoute.

69 - Novo RockA part cette 20ème galette (ça se fête, non ?) sortie sur votre label, Idwet a récemment sorti « Novo Rock » , l’album de 69. Pouvez-vous nous expliquer qui sont 69, la genèse et l’arrivée de l’album sur Idwet ? Comment êtes-vous entrés en contact ?

69 est un duo formé par Armand Gonzalez et Virginie Peitavi, que certains connaissent peut-être déjà au travers de leur précédent groupe Sloy. Sans les connaître, j’étais déjà un grand fan de ce groupe à l’époque. Ils sont basés près de  Béziers, mais ils étaient sur Rennes à l’époque de Sloy, et ils ont gardé des amitiés et des connexions ici.

Comment ça s’est fait? En fait, quand le duo a décidé de s’organiser pour faire avancer ce projet et sortir un disque, ils ont demandé à certains de ces potes rennais avec quels labels ils pourraient bosser, dans une bonne relation de confiance.

Avec leur passé, ils auraient très bien pu aller démarcher des gros labels, et s’inscrire dans une logique un peu plus « business ». Sauf qu’ils ne sont pas comme ça : eux-aussi sont à la recherche de partenaires avec lesquels tu construis quelque chose qui est davantage basé sur la passion et la relation humaine que juste sur des chiffres.

Et il s’avère que plusieurs personnes les ont aiguillés vers moi, donc ils m’ont contacté et ça s’est fait aussi simplement que ça.

Musicalement, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une sorte de rock/pop avec boîte à rythmes clairement ancré dans la culture post punk/new wave (Public Image Limited, Devo, Talking Heads), mais au sein de laquelle ils ont développé une réelle singularité qui les distingue vraiment de leurs influences, contrairement à la plupart des jeunes groupes qui se contentent juste de pomper les codes et les clichés de cette mouvance.

Robert le MagnifiqueQu’en est-il des autres groupes que vous suivez ? Del Cielo, Tepr, Robert le Magnifique, Psykick Lyrikah, Mobiil ? Des projets ?

Les Del Cielo composent actuellement de nouveaux morceaux pour un 2ème album qui devrait sortir en 2011.

Mobiil est « en sommeil », dans la mesure où Gaël Desbois et Olivier Mellano ont chacun d’autres projets par ailleurs. On ne sait même pas s’il y a aura un autre album (peut-être dans 5, 10 ou 15 ans?).

Concernant Tepr, depuis qu’il s’est embarqué dans l’aventure avec Yelle vers 2007, on n’a pas retravaillé ensemble. Il a fait beaucoup de remixes pour des artistes plus ou moins en vue, mais n’a pas trop composé pour son projet personnel. Je dois quand même dire qu’il a co-produit avec Arm un titre du prochain Psykick Lyrikah… C’est d’ailleurs un album dont l’enregistrement et le mixage sont terminés, et dont la sortie devrait intervenir dans les mois qui viennent (fin 2010/début 2011).

En ce qui concerne Robert Le Magnifique, il est toujours sur plusieurs projets à la fois : un 4ème album solo, un projet de ciné-concert étonnant avec un guitariste de métal sur un film de John Carpenter, le projet 77 avec Vincent Mourlon, la composition de la B.O. d’un long-métrage en collaboration avec Arm… A plus court terme :  il sort très prochainement un 45 tours avec 2 reprises de « Where Is My Mind? » des Pixies, où l’on retrouve également Laetitia Sheriff et Thomas Poli.

Sur la scène rennaise, comment vous situez vous ? A part les artistes signés sur Idwet, êtes vous en contact avec d’autres artistes rennais, d’autres labels ou assos ? Desquels vous sentez vous proches ?

Oui, je suis forcément en contact avec pas mal d’autres artistes rennais et quelques autres labels mais je me vois mal te citer tout ces noms, ça risque d’être indigeste…

Pour répondre à ta première question, comment je situe Idwet par rapport à la scène rennaise, il n’est pas très évident de répondre… Quand on a créé le label, on ne tenait pas spécialement à être présenté avec cette étiquette de « label rennais », mais je serais aujourd’hui de mauvaise foi si je niais l’évidence : la grande majorité des artistes du label sont rennais (ou y ont vécu à un moment) et le label a toujours reçu un soutien local évident que ce soit du CRIJ Bretagne au tout début de l’aventure en 2001 ou plus récemment de la Direction Générale de la Culture de la Ville de Rennes.

Des couteaux dans les poules - Robert le Magnifique & le quatuor DebussyIdem du côté des médias locaux : Canal B, RCR, Ouest France, Sortir, La Griffe et tous les autres ont toujours mis en avant nos artistes et leurs disques, de même que les salles et les festivals de la ville.

Donc oui, Idwet est clairement ancré à Rennes, même si ces artistes tournent et sont reconnus partout ailleurs.

Après, si je considère la « scène rennaise », je ne sais pas trop où l’on est : on n’est pas les plus anciens (Banana Juice, Enragé ou encore Mass Prod ont entre 5 et 10 ans de plus qu’Idwet), mais on n’est pas non plus des nouveaux venus puisque le label va bientôt avoir 10 ans.

D’un point de vue musical, j’ai aussi un peu de mal à nous situer car contrairement à d’autres labels rennais, on n’évolue pas dans un genre déterminé : Idwet n’est pas un label de musiques électroniques, ni de hip hop, ni de rock, ni de pop. On sort à la fois des disques instrumentaux, des disques en français et des disques en anglais. Les sonorités peuvent être acoustiques, électriques ou électroniques (ou tout en même temps!). Bref, je ne crois pas que ce soit à moi d’analyser ça.

J’imagine que si un jour, un livre se penche sérieusement sur la scène rennaise « moderne » (j’entends par « moderne » à partir des années 1990, quand le hip hop et les musiques électroniques commencent à être vraiment intégrés dans d’autres genres musicaux), il reviendra à l’auteur de situer le label et ces artistes sur cette scène….

Après les sorties de 69, Del Cielo et Laetitia Sheriff quels sont vos projets, vos actualités éventuelles?

Comme je te l’ai dit avant, je suis encore pour l’instant sur « Often False » de Laetitia Sheriff, puis sur le prochain disque de Psykick Lyrikah. Pour la suite, chaque chose en son temps…

Et pour finir… Mais d’où vient ce nom, Idwet ?

C’est le secret le mieux gardé du label… Plusieurs rumeurs circulent à ce sujet, et la plus plausible semble être la suivante : « Idwet » signifierait « petit poney qui court dans la vallée » en breton. Mais je ne peux pas non plus te garantir que c’est vrai.

Merci !

Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici

(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)

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Le catalogue d’Idwet en écoute ici : http://cd1d.com/fr/structure/idwet/discography

Robert Le Magnifique sera en concert samedi 25 septembre lors de la soirée de rentrée du Jardin Moderne.


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