Avant de vous rendre au drive-in proposé par Cultures Electroni[k] quelques jours après, venez donc respirer donc une petite bouffée d’Amérique ce mercredi 6 octobre au Diapason pour « La nuit américaine » . Les deux artistes mis à l’honneur par le festival seront en effet à l’affiche de cette soirée qui promet d’être exceptionnelle. Ce n’est quand même pas tous les jours que l’on peut entendre les oeuvres de Steve Reich jouées live ! Et en diffusion acousmatique, s’il vous plaît !
Pour ceux qui ne le connaissent pas, ou peu, Steve Reich est un compositeur essentiel de la musique contemporaine. Quasi pionnier du courant minimaliste américain, il collabore très tôt avec Terry Riley (il paraîtrait même que c’est lui qui suggéra au compositeur d’utiliser ce motif rythmique régulier au piano servant de pulsation à la pièce fondatrice In C) et invente un nouveau procédé de composition. C’est ce qu’il appelle le phasing.
Pour dire vite, il s’agit de partir d’un motif musical très court mais que l’on répète indéfiniment. Chaque musicien ou magnétophone joue donc sensiblement toujours la même chose, mais ce motif est progressivement décalé entre les différents instrumentistes ou vocalistes (ou magnétophones). On part donc par exemple de deux motifs identiques, joués à deux tempi différents, mais réguliers. Petit à petit, on quitte l’unisson et une sorte d’impression d’écho se produit… L’oreille distingue progressivement de nouveaux sons.
La petite histoire raconte que c’est en voulant faire un « canon » avec un discours passé sur deux magnétophones différents que Steve Reich découvrit ce procédé. Les deux magnétophones étaient de mauvaise qualité et, si les deux pistes avaient bien démarré en même temps, l’une tournait sensiblement moins vite que l’autre… Le compositeur entendit un déphasage progressif qui l’inspira aussitôt et il décida de l’utiliser dans ses compositions futures.
Parmi celles-ci, Different Trains, par le thème qu’elle aborde, apparaît comme l’une des plus émouvantes. Parue en 1988, cette pièce pour quatuor à cordes et magnétophones se partage en 3 temps. Steve Reich explique sur le livret qui accompagne le disque que ses parents étaient divorcés : son père vivait à New York et sa mère à L.A. Tout jeune, il devait donc prendre le train pour un long voyage de deux jours pour se rendre chez l’un ou chez l’autre. On était entre 1939 et 1942. Et Steve Reich de suggérer que s’il avait été en Europe, jeune garçon juif à la même époque, il aurait sûrement pris des trains « différents » .
Pour cette pièce, il enchevêtre donc les deux situations en se servant d’un matériau de composition enregistré pour l’occasion : des interviews de trois survivants de la Shoah, ainsi que celles d’un employé des trains américains et de sa propre gouvernante de l’époque. A celles-ci, coupées, phasées, déphasées, il ajoute des stridences de cordes qui rappellent des sirènes et des cris ou des motifs réguliers et rythmiques qui évoquent la marche des trains. Les témoignages familiaux et historiques se mêlent et l’émotion gagne.
Interprété par l’Orchestre De Bretagne dirigé par Jean-Michaël Lavoie, Different Trains sera aussi accompagné d’une création vidéo du second artiste mis à l’honneur par cette 10ème édition d’Electroni[k] : Herman Kolgen. Artiste canadien à la croisée des images et du son, Herman Kolgen souhaitait en effet participer à cette soirée pour souligner l’inspiration de Reich sur son travail. Un teaser est d’ores et déjà visible et l’on a hâte de voir la performance en entier.
Une autre pièce de Steve Reich, inédite en live en Bretagne, City Life, sera elle aussi présentée par 18 musiciens ce soir-là.
En outre, en plus de la carte blanche donnée à Herman Kolgen, les organisateurs ont aussi invité Tim Hecker, le compositeur ambient canadien. Pour les amateurs de Mille Plateaux, label de techno-ambient-click-n-cuts-experimental, entre autres, le canadien n’est pas un inconnu. Naviguant entre l’ambient, l’expérimental, jouant des frontières entre le bruit, la dissonance ou la mélodie, la musique composée par Tim Hecker mêle habilement l’organique et l’abstraction, l’âme et le corps. Comme Herman Kolgen, Tim Hecker présentera lui aussi, une oeuvre créée spécialement pour cette nuit américaine.
A noter aussi, la présence d’Aymeric de Tapol et de El Gyeah. Enfin pour ceux qui ne pourraient être présents, rattrapez vous en écoutant la soirée en direct ici…
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La Nuit Américaine – dans le cadre du festival Cultures Electroni[k] – les oeuvres de Steve Reich, l’Orchestre de Bretagne, Herman Kolgen, Tim Hecker.
Mercredi 6 octobre 2010 au Diapason – Campus de Beaulieu, Rennes 1 – De 20h à minuit.
Le site de Cultures Electroni[k]