Lorsqu’on est un groupe peu connu, et sauf à prétendre marquer un tournant dans l’histoire de la musique avec un style jamais entendu auparavant, il est fréquent d’avoir recours à des références ou à des comparaisons avec des artistes plus célèbres que soi pour présenter son travail. C’est un procédé tout à fait légitime qui permet d’indiquer à l’auditeur potentiel, s’il est amateur desdits artistes, qu’il est susceptible d’apprécier votre musique.
Toute la difficulté réside ensuite dans le fait de tenir ces promesses, en particulier lorsqu’on se livre à des comparaisons ambitieuses. Aussi, quand le press kit des rennais de Bertram Wooster nous fait miroiter Belle and Sebastian et The Divine Comedy, on se prépare à ressentir une certaine déception à l’écoute de l’album, tant la barre est placée haut : outre le talent certain de Belle and Sebastian pour les ballades pop-folk, Neil Hannon, cerveau de The Divine Comedy, est probablement l’un des songwriters les plus brillants de sa génération.
En fait, il n’en est rien : l’album recèle d’excellents titres (tels que The lobster, Why so pale and wan, fond lover?, A valentine to my wife, ou encore Sonnet 73), et si un ou deux morceaux font un peu tache dans l’ensemble (The indian to his love, et à moindre titre Bubble), Shake pears s’avère un disque très plaisant, et les références susnommées pertinentes. En effet, si le registre vocal penche clairement du côté de Belle and Sebastian (voix douce et posée plutôt que crooner au timbre puissant), et qu’on peut dire de même pour les compositions, c’est dans la richesse des instrumentations acoustiques (flûte, clarinette, cuivres, violon…) qu’on pourra faire un parallèle avec The Divine Comedy. On se prend ainsi à penser que si les premiers avaient demandé au second d’assurer la production d’un de leurs albums, le résultat aurait probablement ressemblé à Shake pears, ce qui est plutôt un compliment…
Certes l’album n’est pas exempt de toute imperfection. On notera ici ou là une partie de flûte un peu plate/scolaire, ou un son de guitare électrique limite rock progressif qui ne s’intègre pas très bien à l’ensemble, mais ce sont autant de petits défauts que l’on pardonnera volontiers eu égard au contexte d’auto-production de ce disque (d’autant plus qu’il est plus compliqué d’enregistrer dans des conditions matérielles limitées un album avec une dizaine d’instruments acoustiques qu’un album de musique électronique)
Bref, au final, une très bonne surprise.