Si nous ne sommes pas certains des goûts exacts de notre ex-premier ministre à triple menton, nous sommes par contre sûr que les zouaves de Kerviniou Recordz nous ont préparé une soirée d’enfer samedi 16 janvier au bar Le Marquis de Sade. Nous y aurons enfin l’occasion d’écouter en live la crème musicale de la grande banlieue lyonnaise avec le redoutable duo cold-wave Balladur, l’electro percussive et voyageuse de Treasure Island et les collages sonores déjantés de Docteurlamort.
En plus d’avoir le bon goût de sortir les disques de formations foutrement sympathiques (Tom Bodlin, Total Victory, Torticoli, Tomorrow is the morrow…) le jeune mais vaillant label rennais Kerviniou Recordz a, en plus, la riche idée d’inviter sur Rennes une belle triplette de groupes tous aussi épatants. Le samedi 16 janvier, il sera donc fortement conseillé d’aller trainer ses oreilles jusqu’au très sympathique bar Le Marquis de Sade pour y entendre trois combos de la région lyonnaise. Une soirée très variée mais aussi très prometteuse.
Le groupe de l’affiche qui a le plus affolé nos radars, c’est Balladur. En plus de s’être offert un patronyme imparable, ce duo composé d’Amédée de Murcia (Somaticae, Roger West, Insiden) et de Romain de Ferron (Insiden aussi) a sorti en septembre 2015 chez le formidable label Le Turc Mécanique (Strasbourg, Télédétente 666, Harhlove…) un des albums français les plus enthousiasmants de l’an dernier. Après une première cassette en 2013, ils se sont installés à Villeurbanne et ont pris le temps de peaufiner ce premier album : Plage Noire, Plage Blanche. Une galette vinyle construite, comme son nom l’indique, en deux faces très contrastées mais d’une qualité de composition par contre fort homogène. Amédée de Murcia explique que « Chaque été avec Romain, on fait les vendanges sur une île. Après le taff dans les champs, on a l’habitude d’aller picoler sur la plage le vin du domaine. Tu as deux plages sur cette île. D’un côté la plage blanche, qui représente la face cool du disque. Et de l’autre la plage noire, qui représente la face la plus saturée. Mais désormais, parce que la vie est cruelle, on est blacklisté de cette île. ». Si la face A est parsemée de rythmiques tranchantes et de dissonances abrasives, elle est aussi d’une limpidité mélodique épatante qui apporte une touche délicieusement mélancolique à ces irrésistibles compositions entre cold-wave et post punk. La face B opère un spectaculaire saut vers des contrées plus cotonneuses et éthérées tout en restant tout aussi fascinantes. Le tout n’étant pas dénué d’un humour mordant que l’on découvre dans une savoureuse conversation de marché enregistrée et placée en fin d’album. Un très bel exercice de clair obscur dans lequel les gars réussissent l’exploit de dissiper toute impression de simples redites de gimmick des années 80. Sur scène, le duo se transforme en quatuor avec le renfort d’un guitariste et d’une voix féminine (qui apparait aussi sur l’album). Nous sommes tout frémissant d’impatience de découvrir cette sombre et belle bête bicéphale sur scène.
Treasure island, la seconde formation de la soirée, vient elle aussi de la banlieue de Lyon. Ce duo composé de Kanako Mitsuzumi (voix, synthés, bidouilles) et de Yann Berne (voix, guitare, ordi et bidouilles également) vient de sortir son premier album (sur cassette) chez Black Ship. En 11 titres, ils développent une électro-pop bigarrée et lumineuse aux influences voguant allégrement d’un continent à l’autre. De quoi dissiper allégrement la grisaille de ce début d’année.
Enfin, on pourra également entendre ce soir là DocteurLaMort. Il s’agit du projet solo de Yann Berne de Treasure island. Sa première cassette tout simplement intitulée Radiolocaust est un épatant bordel sonore où se culbutent les musiques les plus diverses tout en étant concassées par des rythmiques fantomatiques et des larsens ravageurs. Il explique avec malice la genèse de la chose sur son bandcamp. En guise de job d’été, le monsieur s’est retrouvé à démolir des bureaux de 19h à 2h du matin. L’expérience aurait pu s’arrêter à peaufiner ses aptitudes à fracturer les distributeurs de boissons et à pisser dans des bouteilles en plastique avant de les enfermer dans des cloisons. Seulement il y avait aussi la musique. Chacun de ses collègues de labeur avaient décidé d’avoir sa propre radio et de la faire jouer à plein volume. Du mélange de cette incroyable cacophonie et du doux chant des scies circulaires, perceuses et marteaux est né cet album. Autant dire qu’il faut s’attendre à un sérieux décrassage auriculaire en live.
La bande Kerviniou Recordz viendra bien sûr avec ses bacs remplis d’albums tout aussi indispensables les uns que les autres. Prévoyez donc un peu de monnaie supplémentaire, ce sera plus prudent.
Samedi 16 janvier – Marquis de Sade, 39 rue de Paris, Rennes – 20h30 – 6€
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