Une longue file d’attente s’allonge devant les Champs Libres durant cet après-midi ensoleillé du dimanche 6 octobre, gratuité du premier dimanche du mois et week-end dédié aux sciences obligent. On se réjouit donc de découvrir la performance SpaceTime Helix de Michela Pelusio proposée par le festival Maintenant dédié aux arts, musiques et technologies et les Champs Libres dans un auditorium plein comme un œuf, au milieu de Champs Libres fourmillant de monde et d’expériences, ravis que nous sommes de voir des performances comme celles-ci toucher davantage de publics. Les étoiles s’alignent puisqu’ après une grosse frayeur due au retard de l’arrivée du matériel de Michela Pelusio, tout a finalement pu se caler.
Une fois dans la salle ça se confirme : une grande partie des spectateur.rice.s ne sait absolument pas ce qu’elle est venue voir et ne s’attend pas comme nous le sommes à en prendre plein les mirettes avec cet impressionnant SpaceTime Helix présenté par l’artiste italienne installée en Grèce, Michela Pelusio (accompagnée par le dispositif Shape).
En soi, il faut dire, rien de particulièrement dingue : juste une immense corde blanche tendue à la verticale entre sol et plafond, et une artiste derrière ses machines qui lui imprime un mouvement rotatif. Mais voilà, Michela Pelusio est une fondue de l’exploration de la perception humaine (entre autres) et se promet de troubler notre rapport à la réalité. Et à en croire nos yeux et ceux de la salle écarquillés de bout en bout de la performance, ça fonctionne sacrément.
A l’aide d’une obscurité quasi totale (elle manque de tomber ou de faire tomber son matériel en entrant, on ne sait trop, tellement c’est noir comme un four), de quelques leds et d’un plateau faisant tournoyer la corde, l’artiste et performeuse donne quasiment vie à une onde lumineuse infinie qu’elle modifie en direct. Devenue sculpture lumineuse cinétique, étonnamment malléable, cette SpaceTime Helix hypnotise la rétine et les sens, dansant quasi devant les spectat.rice.eur.s. pour un rendu assez hallucinant. Ça commence en noir et blanc, la corde d’abord mince et simple, avant que le mouvement ne semble la doubler, puis l’épaissir, comme si elle se divisait en de multiples entités sous nos yeux, comme si l’air, l’espace sculpté par la forme mouvante de la corde devenait soudain palpable.
Les couleurs arrivent progressivement, tout comme de nouvelles formes, toujours plus complexes, que l’artiste semble sculpter à la fois avec ses machines, mais aussi très organiquement en venant mettre sa main sur la corde. Les fréquences lumineuses, les couleurs et les sons sont ainsi contrôlés manuellement en direct avec une console créée par l’artiste, mais aussi modifiées lors d’instants stupéfiants, par l’artiste qui attrape la corde, la relâche, l’attache avec une ficelle ou un ruban, jetant même une fois la cordelette en travers de la sculpture mouvante, comme si elle tentait d’apprivoiser avec douceur un animal sauvage.
Des sortes de vagues géantes, quasi immatérielles, ondulent, s’élèvent, disparaissent, toujours mouvantes dans les lumières changeantes. Les sons acoustiques de la corde se trouvent également directement amplifiés avec des microphones. Les impulsions lumineuses, la fréquence, la rotation, la vitesse et l’électromagnétisme de l’hélice sont amplifiés et rendus sonores à l’aide de différents capteurs de lumière analogiques. Totalement immersive, la sculpture en mouvement de Michela Pelusio joue autant sur les sons que le visuel et stimule l’observation et la perception des spectat.rice.eur.s à l’aide de ces symétries hélicoïdales inouïes, altérant tout en même temps notre perception de la matière, de l’espace et du temps.
Inspirée par les théories scientifiques autour des cordes et de leurs vibrations, de Pythagore (qui a inventé l’échelle musicale des fréquences) aux théories de la physique quantique, passionnée de sciences, Michela Pelusio souhaite créer des œuvres artistiques pour donner à voir et tenter de faire comprendre les théories et phénomènes scientifiques, notamment tout ce travail autour des ondes stationnaires et des vibrations des cordes, essentielles à notre compréhension du monde et de l’univers pour ces scientifiques. « Pour moi, explique Michela Pelusio, cette œuvre est une métaphore du retour à la racine des choses, de la simplicité et de la complexité du macro et du microcosme, de l’espace interne et externe, de l’architecture de l’esprit et de l’architecture de la nature. Un phénomène naturel qui est presque un miracle devant vos yeux.» Les plus rétifs aux sciences que nous sommes y ont été cueillis par la beauté hypnotique de cette étrange sculpture mouvante. Tout comme par un final époustouflant de fragilité. Et une fois encore à en croire les applaudissements nourris d’un public qui ne s’y attendait a priori pas et les commentaires ébahis au sortir de la salle, on est loin d’être les seul.e.s.
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Maintenant a lieu du 4 au 13 octobre à Rennes.