Unison en interview – Le « juste équilibre entre un mur de son énorme et la douceur hypnotisante et envoûtante »

UnisonL’Antipode laisse le contrôle aux sublimes Mansfield TYA ce samedi 19 novembre pour une nouvelle carte blanche, euh, pardon, carte noire…  Une soirée qu’on ne manquerait pour rien au monde tant on a envie de plonger plus avant dans l’univers des deux Nantaises. Totalement aux commandes de cette carte noire, les filles ont choisi trois groupes pour tenir la scène à côté d’elles : Unison, Sieur et Dame et Mensch. Comme le principe de cette soirée est de découvrir plus avant l’univers des artistes invités, on a demandé à Mensch, Unison et Sieur et Dame de répondre à nos questions. Aujourd’hui, c’est Unison qui s’y colle.

Auteur d’un premier ep « Outside » (Matte Black Editions, Los Angeles) très remarqué, le duo de Niort affole de nouveau la blogosphère et les magazines musicaux depuis la parution de son premier album sorti chez Lentonia Records (Paris) en septembre dernier. Présenté comme « les principaux acteurs du mouvement witch house en France », UNISON se détache surtout par ce son à la croisée exacte entre Salem (mais en mieux, à notre humble avis) et My Bloody Valentine. Des ambiances éthérées qui mêlent le clair et l’obscur, la légèreté et la pesanteur, quelques réminiscences des Cocteau Twins, des nappes saturées, des guitares qui regardent vers le sol et une voix aérienne sont autant d’éléments qui pourraient définir la musique d’UNISON. A ceci près qu’il y manque le côté addictif que Mélanie Moran (chant) et Julien Camarena (chant, guitare, machines) savent insuffler à leurs morceaux. Rencontre passionnante avec les deux musiciens, en couple à la scène comme à la ville, selon la formule consacrée.

Unison-au-Point-Ephémère1Alter1fo : Pourriez vous nous raconter la genèse d’UNISON. Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter ce duo ?

Mélanie : on s’est rencontré fin 2008 sur un site de geek de la musique ! Il cherchait une voix pour son projet, et moi un truc qui me fasse vraiment « vibrer ». J’ai été surprise de tomber sur lui et sa musique car à Niort il ne se passe pas grand chose. Il était un peu comme un extraterrestre avec des trucs de fou dans la tête. Je suis fière d’avoir été celle qui a su voir tout ça en lui et l’aider à concrétiser son projet.

Julien : Ça faisait longtemps que j’avais ce projet en tête. Depuis pas mal d’années. Mais pour diverses raisons il était resté en sommeil jusque là. Et j’ai rencontré Mélanie.

Manifestement, pour tout démarrer, il me fallait un vrai coup de foudre.

Votre premier album sorti en septembre dernier nous semble à la croisée entre les musiques de Salem et de My Bloody Valentine. Mais un morceau comme « Our love is from another planet and we are going home right now » nous rappelle également certains morceaux de Boards of Canada. Vous êtes d’accord ? Quelles influences revendiqueriez-vous, vous, de votre côté ?

Mélanie et Julien : Vous avez tout bon. Beaucoup d’indie-rock surtout. Sonic Youth, Nirvana, Sebadoh, Dinosaur JR, Pavement, Fugazi etc.

De la musique électronique barrée. Aphex Twin, Chris Clark, Boards of Canada et plein d’autres.

Des musiques de films, Michael Nyman, Wim Mertens, Carter Burwell et des tonnes d’autres.

De la musique extrême aussi. Du bon gros death qui tâche. Du black aussi, surtout la nouvelle mouvance. Du punk hardcore aussi.

On écoute des tonnes de styles musicaux, on est des boulimiques.

Mais ces temps-ci on n’a pas le temps d’écouter autant de musique qu’on le voudrait.

mybloodyvalentine-lovelessSi vous deviez citer trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?

Mélanie et Julien :

My Bloody Valentine – Loveless

My Bloody Valentine – Isn’t Anything

Brian Eno – Ambient 1 : Music For Airports

Les chroniques de votre album mais aussi de vos eps semblent toujours jouer sur les oxymores en mêlant les contraires « obscure clarté », noirceur lumineuse, beauté triste… Comment qualifieriez-vous votre musique de votre côté ?

Julien : Les gens qui ont entendu/vu cela dans notre musique ont tout compris. On axe tout notre travail sur cette opposition lumière/obscurité parce qu’elle nous définit pleinement.

On n’est pas juste tristes, ou juste heureux, on fait sans arrêt le yoyo entre les deux.

La vie en général est comme ça. On va dire qu’entre les deux, le liant c’est la mélancolie.

Et c’est dans cet équilibre que se trouve Unison. A la fois dans nos vies et notre art. Unison dépasse la simple création artistique. C’est le nom qu’on a donné à la mélancolie qui nous unit et nous lie.

Quelles étaient vos envies avec l’enregistrement de ce premier album ?

Julien : Retranscrire ce que j’avais dans ma tête, et le matérialiser par le biais de l’électronique, de l’électricité. La guitare électrique traduit très bien le flux d’énergie, un peu comme une bobine Tesla. Et surtout, humaniser le tout grâce à la voix unique de Mélanie, qui au final constitue l’élément central de notre musique.

On voulait aussi domestiquer le bruit et la puissance sonore pour l’asservir à la voix de Mel.

C’est le plus difficile à obtenir. Ce juste équilibre entre un mur de son énorme et la douceur hypnotisante et envoutante de Mel.

Unison-by-Kerloch-Alan1Avec qui avez-vous enregistré ? Seuls ? En studio ou à la maison ?

Julien : Tous seuls, à la maison. Avec notre propre matos et les moyens du bord.

Un laptop, des tonnes de plugins, un ampli à lampes de fabrication artisanale, une jazzmaster, quelques effets guitare. La voix dans des micros assez simples et bon marché et beaucoup, beaucoup de réverbe et d’effets de rotovibe et autres chorus bizarres.

Comment composez-vous ?

Julien : J’écris d’abord la musique, entièrement sur le laptop. Je couche une mélodie de voix en transformant ma propre voix. Puis Mélanie teste l’ensemble et on apporte les modifs suivant ce qu’elle me suggère, et selon ce qu’elle éprouve à chanter mes idées de base.

Les choses se font très naturellement. Et assez rapidement. Toute la difficulté réside dans le fait d’avoir ou ne pas avoir l’inspiration. Mais de ce côté là je n’ai pas à me plaindre. Les idées fusent souvent. Par contre à des moments totalement imprévisibles. Sous la douche, dans la rue, ou en pleine nuit. Quand ça m’arrive la nuit, alors je n’ai pas le choix, je me lève sans trop faire de bruit, je vais dans un coin isolé et je note les idées sur mon téléphone qui me sert d’enregistreur, de dictaphone. J’ai appris avec les années à ne plus manquer aucun de ces moments d’inspiration, ou les meilleures idées tombent du ciel. C’est dans ces moments-là qu’on est le plus productif. Le fait de se planter devant un ordi et de se dire « allez, aujourd’hui je vais faire un morceau intéressant » ça ne marche pas, en tout cas pas avec moi. J’ai besoin d’être en connexion directe avec mon subconscient, mon irrationalité.

Unison++LP++SEPTEMBER+13+2011L’artwork de l’album, avec sa photo d’enfants assez surréaliste et ce lettrage qu’on aurait de prime abord associé au métal, comment l’avez-vous choisi ?

Au début ce devait être deux jumelles qui était élèves au collège où j’étais surveillant, au tout début d’Unison. J’avais eu ce flash car elles représentaient tout ce que ma musique disait.

Sans pouvoir forcément formuler pourquoi, je savais qu’elles feraient la parfaite pochette pour l’album. Mais elles étaient assez timides et même si j’ai bien expliqué le projet, les parents ont par la suite refusé leur implication. On s’est donc tourné vers César Brun, un artiste qu’on adore. Il dessine des choses très symboliques, des émanations de son subconscient, un peu comme des dessins automatiques, pas vraiment dictés par la raison. Il a trouvé cette photo des deux petites filles dans une brocante. Et il a proposé de réaliser cette pochette. Parallèlement, on a proposé à Christophe Szpajdel, le dieu des logos black-metal (Dimmu Borgir, Emperor, Enthroned et des milliers d’autres) de nous faire le logo. Il était très content de travailler pour un groupe au style différent pour une fois et il a été séduit par l’idée.

Mélanie : Cette pochette n’est pas du tout ironique. C’est vraiment ce qu’on avait en tête et c’est vraiment ce que renferme notre musique.

Vous avez été très vite affiliés à la Witch house dès la sortie de votre premier ep. Comment vivez-vous cette affiliation ? Vous vous y reconnaiss(i)ez ? Vous avez envie d’en sortir ?

On n’a rien fait pour en faire partie en tout cas. Certains acteurs de cette scène sont venus nous chercher pour leur faire des remixes et ça a commencé comme ça (White Ring, Ritualz…).
Çanous a mis sous les projecteurs, beaucoup de gens se sont intéressés à nous dans la foulée.

Donc c’est très positif. Quand on est arrivés là-dedans, très peu de monde connaissait ce mouvement. Beaucoup de poseurs sont ensuite arrivés et ont pris le train en marche. Tout s’est très vite axé sur le look, la mode, la forme a pris le pas sur le fond.

Mais il reste à la base de ce truc un groupe de personnes qui font de la musique avec leurs tripes et on reste amis avec eux.

Unison2-copyright-Philippe_Mazzoni1Pouvez-vous nous parler de la rencontre avec Lentonia Records, le label sur lequel sort votre album ?

Mélanie : c’est un label tenu par deux artistes, Elise Pierre (Elmapi, Vidéo Love) et Emmanuelle de Héricourt (EDH) Elles nous ont découvert via myspace fin 2008, et nous ont fait faire notre premier concert à Paris en juin 2009. L’idée de sortir l’album sur Lentonia s’est fait tout naturellement car nous avons vraiment accroché humainement et professionnellement. Nous avons entièrement confiance en elles, et ça c’est très important !

Mansfield TYA vous ont invités à jouer lors de leur carte noire à l’Antipode à Rennes. Mises à part les tâches de gras sur le New Noise faites par Julia, comment s’est passée la rencontre ?

Julien : Nous partageons la même manageuse (coucou Maud ! 🙂 ).

Un soir où on devait jouer dans une salle parisienne, Julia est venue avec Maud pour nous voir. Ce soir-là elle ne nous a pas vu jouer car on s’est fait voler notre laptop juste avant de monter sur scène (une expérience horrible). Elle a eu des mots très gentils de réconfort. C’est vraiment une personne adorable (sourires).

Depuis on s’est côtoyés quelques fois, et il s’avère qu’elle aime beaucoup notre musique, et que c’est réciproque (on connaît Sexy Sushi et Mansfield.TYA depuis leurs débuts) et humainement on accroche vraiment bien aussi. On va faire un remix pour elles très bientôt.

Carte blanche Mansfield TYAQu’est-ce que vous aimez (éventuellement !) chez les Mansfield TYA ?

Mélanie : Leur sincérité. Leur naturel. Leur côté très « à fleur de peau » aussi. Musicalement elles vont où elles veulent, en passant sans problème de la ritournelle entrainante à l’incantation démoniaque. La mélancolie est vraiment notre dénominateur commun, je pense.

Le fait de ne pas prêter attention aux modes aussi, et de faire de la musique avec ses tripes et son cœur.

Qu’attendez-vous de cette soirée ?

Mélanie et Julien : C’est un vrai plaisir de partager la scène avec Julia et Carla et les deux autres duos.

On a vraiment hâte de vivre ça, ça va être une super soirée, à coup sûr.

Pour finir, après ce concert à Rennes, quels sont vos projets à venir ?

On va faire un tour à Londres début décembre. Ensuite on a quelques dates qui commencent à se dessiner. On fait ça au fur et à mesure. On a très envie d’aller jouer à New York et aux Etats-Unis. Pas mal de gens nous attendent là-bas et on a vraiment envie d’aller à leur rencontre.

Merci !!

Mélanie et Julien : MERCI à vous !!!

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UNISON en concert à l’Antipode samedi 19 novembre dans le cadre de la carte noire à Mansfield TYA, avec Mansfield Tya, donc, mais aussi Sieur et Dame et Mensch. – 20h30, Antipode, 2 rue André Trasbot, Rennes.

Tarifs : Sortir ! : 4€ / Membres : 12€ / Location : 14€ / Sur place : 16€

Plus d’infos : http://www.antipode-mjc.com/evenements-antipode-mjc/concerts/carte-blanche-a-mandfield-tya/

UNISON : http://weareunison.com

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