Un livre sur l’urbex à Rennes comme témoignage d’une époque révolue ?

Rennes se transforme. Cédant  allègrement aux douces sirènes du « rayonnement » et du « marketing territorial », la capitale bretonne  s’offre un impressionnant lifting. Opérations  chirurgicales urbaines plus ou moins esthétiques, plus ou moins réussies. Ainsi et au cours de ces dernières années, nous observons la destruction de nombreux bâtiments ou d’anciennes demeures. La reconversion d’anciens sites industriels fait également partie de notre paysage quotidien. Pas de quartier ! D’ailleurs, aucun n’est épargné. Certains s’en inquiètent comme Les amis du patrimoine Rennais, pour qui préserver certaines bâtisses des coups furibonds des tractopelles reste un combat de longue haleine. Pour d’autres, ce sont des terrains de jeux qui disparaissent petit à petit et les poussent à assouvir leur passion en dehors de la ville, bien au-delà de cette foutue rocade. Eux ? Ce sont les explorateurs urbains. Celles et ceux qui pratiquent l’ « urbex ». Comme Maxime, étudiant en art plastique  à Rennes 2 que nous avons rencontré à l’occasion de la publication de son livre « Aux ruines de Rennes » en autoédition.

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Maxime : « Le terme URBEX vient de la contraction d’ EXploration URBaine. Cela consiste à se rendre dans des lieux abandonnés de manière légale… ou non. Bien sûr, chaque personne peut avoir sa propre définition de l’urbex. La mienne est de redécouvrir un lieu qui a été totalement oublié et de faire un travail d’archive c’est-à-dire que je vais en garder une trace et je fournirai une recherche sur l’histoire passée et présente du lieu. »

Afin d’immortaliser l’instant, la plupart des explorateurs urbains vont utiliser un appareil photo. Un des plus célèbres photographes en France reste Bio, pionnier du genre ayant eu son heure de gloire lors d’un passage télévisé pour expliquer cette pratique née dans les années 80. Mais le dessin, la peinture ou même l’aquarelle (oui, oui !)  sont aussi des moyens pour perpétuer une incursion.

Bref, à chacun son style ! Entre les amateurs de friches, de cataphilie ou de toiturophilie, l’urbex s’est largement démocratisé avec l’apparition des réseaux sociaux et autres sites de partage photos (flickr, instagram etc…). Mais deux règles d’or communes existent :  ne jamais dévoiler publiquement et à n’importe qui l’adresse d’un lieu visité et ne jamais dégrader, ni voler.

Maxime : « Ma première expérience était la visite du manoir Folie-Guillemot du côté de Beaulieu. J’y suis allé avec ma coéquipière Gersande, rencontrée par le biais d’un forum. Malheureusement, étant totalement novice à cette époque, je n’avais pas pris d’ appareil photo  avec moi mais cela reste une des plus fortes sensations. A force d’explorer depuis plus de 3 ans maintenant, je reconnais plus facilement les signes ou indices qui me font penser qu’un nouveau lieu reste à découvrir. Des fenêtres cassées non remplacées, de la pelouse qui n’est plus tondue, des trous dans le toit non recouverts. Par contre, notre but n’est pas de violer une quelconque intimité ou une propriété privée encore occupée, encore moins de déranger qui que ce soit !.»

Marcher, se promener, observer et lever les yeux tels sont les conseils pour trouver un nouveau spot. Mais attention, on ne s’aventure pas comme si on partait en balade dominicale. Des précautions sont à prendre. En effet, certains lieux restent dangereux de par la vétusté des bâtiments ou des matériaux qui la composent. Des mauvaises surprises peuvent aussi arriver comme se retrouver nez-à-nez avec un propriétaire mal luné ou passer sa jambe à travers un plancher rongé par un champignon ou l’humidité.

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Malheureusement, le constat est amer aujourd’hui. La plupart des lieux  incontournables pour pratiquer l’urbex à Rennes ont été détruits. Sans préavis. En début d’année, ce sont près de la moitié qui ont été rayés de la carte en l’espace de trois mois selon Maxime. Bien sûr, il est toujours possible de dénicher de nouveaux « spots » mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Une époque vient sans doute de se terminer.

Maxime : « Quand j’ai vu disparaitre tous ces lieux en quelques mois, j’y ai vu aussi une partie de mes souvenirs de Rennes s’envoler. Tout ce qu’il me restait finalement se résumait à mes photos et mes vidéos… J’ai donc décidé d’écrire un livre pour garder une trace indélébile. Ces lieux ont une histoire à nous raconter, il nous faut la préserver. L’urbex reste de l’archéologie contemporaine. »

Le livre « Aux ruines de Rennes » nous amène donc à revivre les explorations de Maxime et Gersande de 2013 à 2016. Certains lieux sont peut-être déjà connus par les initié-e-s mais le livre étonnera. Ce dernier regorge en effet de petites anecdotes, de rappels historiques et de nombreuses photos.  Comme ces rides qui creusent nos visages avec l’âge, ces sites à l’abandon dégagent charme et force de caractère qui ne nous laissent pas insensible. Bien loin des bâtiments à l’architecture lisse et policée qui poussent comme des champignons, de la Courrouze à Beauregard ! Finalement, on ferme le livre avec une certaine pointe de nostalgie : autres vies, autres passés, autres époques, autres histoires…

Mais,  allez savoir. Le futur quartier d’affaires Eurorennes avec ses milliers de m2 de bureaux deviendra peut-être un immense spot prisé par les amateurs d’Urbex d’ici une cinquantaine d’années… Qui sait ?!

© Photos issues du flickr d’Ael Atriel Drackien :

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Livre : Aux Ruines de Rennes

Auteur : Atriel Feud’Hiver

Prix Papier : 17€23 ou PDF : 5€30

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Pour aller plus loin :

Untergunther, réparateurs clandestins du patrimoine

Urbex France , l’exploration urbaine des gentlemans ! 

 

 

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