Urbaines : Majiker entre élégance et générosité à l’Antipode

2012-02-MAJIKER-URBAINES_ALTER1FO-22Ce jeudi 23 février, l’Antipode avait invité Majiker à se produire à l’Antipode dans le cadre d’Urbaines. Au final, l’artiste britannique y aura brillé par son élégance et sa générosité, grâce à une prestation sensible et avant tout humaine. Compte-rendu.

De prime abord, on pouvait être surpris quant à la programmation de ce musicien britannique bien plus du côté de la pop que du hip hop. Mais c’est justement l’un des objectifs d’Urbaines : ne pas limiter l’exposition des pratiques et cultures urbaines au seul hip hop. Bien sûr, durant ces 15 jours, la culture hip hop est mise en valeur sous diverses formes (pensez au graffiti numérique ou aux concerts de 1995, Fixpen Sill, Da Titcha, Grems & PMPDJ, Rita J…). Mais les pratiques urbaines peuvent être autres et Urbaines leur offre une réelle visibilité. D’où la présence de Majiker durant cette première semaine d’Urbaines. Présence au sens large, puisque Majiker, en plus de ce concert de jeudi, animait également un atelier de percussions corporelles (lui aussi gratuit !) à l’Antipode les mardi 21 et mercredi 22 février…

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On est d’abord agréablement surpris par l’affluence plus que raisonnable ce jeudi soir à l’Antipode. Bien sûr, la salle est loin d’être pleine, mais plusieurs personnes ont fait le déplacement pour venir écouter et découvrir Majiker. Quand les lumières s’éteignent, le musicien anglais émigré depuis plusieurs années à Paris et producteur de Music Hole et Le fil de Camille entre sur la droite de la scène dans un enchaînement de percussions corporelles.

L’artiste britannique compose en effet en s’appuyant essentiellement sur trois éléments : son corps, un piano, et un vieux synthétiseur Yamaha PSS-270. Rien de plus. Pas de basse, pas de guitare, pas de batterie. Pour la rythmique, il s’appuie sur des percussions corporelles et utilise son corps comme instrument. A la différence des beat boxers qui essaient habituellement de recréer des sons synthétiques ou électroniques le plus souvent, Majiker tente pour sa part de créer les sons les plus « humains » possible avec son corps.

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Après ce premier enchaînement rythmique, Majiker prend le temps de nous expliquer (dans un français impeccable) les principes de ses compositions, c’est à dire cette « bataille » entre les trois éléments : le clavier, le synthé et le corps. Et commence directement par quelques extraits de son premier album Body Piano Machine sorti en 2009. Il boucle des samples qu’il crée en direct : samples rythmiques créés avec son corps, mélodies au clavier, samples vocaux ou échantillons au synthé. Le garçon a plein d’idées et on navigue de l’une à l’autre dans un même morceau à grande vitesse. Cette variété des tons, des couleurs dans un même morceau donne un véritable relief à chacun des titres proposés. On sourit également : seul un Britannique peut être aussi décomplexé quant à la mélodie. Majiker ose la pop. Et flirte avec un terme quasiment considéré comme un gros mot de ce côté-ci de la Manche : la variété. Pour dire vite, on est davantage du côté des Pet Shop Boys que de, au hasard, Grizzly Bear. Pas tout à fait notre tasse de thé, mais on garde les oreilles grandes ouvertes.

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On est d’ailleurs plutôt bluffé par les qualités du jeune homme qui maîtrise parfaitement son propos et qui fait preuve d’une sacrée aisance technique (essayez, vous, de faire des samples à partir de 3 éléments -synthé, piano, corps-, de les boucler et de jouer par dessus et de créer en même temps un morceau). Majiker est un musicien, cela ne fait aucun doute. Il maîtrise parfaitement les couleurs et les arrangements notamment.

Ainsi propose-t-il au public de créer un morceau avec lui. Il nous présente le Yamaha PSS-270 sur lequel il joue et qu’il a depuis son enfance et nous invite à lui donner des nombres compris entre 00 et 99. Chaque chiffre crié dans la salle correspond à un son pré-programmé sur le synthétiseur : ce soir, ce seront « marimba » ou « human voice 3 » (terrible !!) entre autres qui serviront de base à la composition créée en direct sous nos yeux par Majiker à partir des indications du public (par exemple, le choix de la salle se porte sur un rythme et une ambiance enlevée et festive).

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Et c’est une autre des qualités de Majiker : son rapport au public tout en générosité. D’abord l’artiste est charismatique : vêtu d’un pantalon et d’une chemise à rayures noires et blanches, Majiker captive les regards par sa façon de bouger, de passer des percussions corporelles au chant derrière son piano, dans un équilibre parfaitement trouvé entre énergie et élégance. D’autre part, il parle beaucoup entre les morceaux et prend le temps de tout nous expliquer en faisant souvent preuve d’humour. L’artiste privilégie le dialogue avec la salle de bout en bout de son concert. Ainsi nous explique-t-il le principe d’écriture développé sur un second album paru en automne dernier, reposant sur une ambiance plus mystérieuse et éthérée puisque ce House of Bones s’inspire d’histoire de fantômes et de maisons hantées (d’où sa sortie le jour d’Halloween !), avant de nous en jouer trois extraits enchaînés.

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Par la suite, il invite Diane Villanueva qui a co-animé l’atelier de percussions corporelles avec lui à l’Antipode à le rejoindre sur scène pour une très élégante reprise de Keep the streets empty for me de Fever Ray. La jeune femme a un timbre chaud et grave qui donne encore davantage de profondeur aux arrangements du musicien britannique. Les chœurs en harmonie autour de leurs deux voix sont particulièrement réussis. Ils finissent tout deux le  morceau par un duo de percussions corporelles du plus bel effet.

Après Fever Ray, c’est au tour de Steve Reich de passer entre les mains (au sens propre !) de Majiker et sa comparse. On se rappelait d’une très chouette version de Clapping Music donnée par les élèves du Conservatoire de Rennes lors de la Nuit Américaine #1 pendant Cultures Electroni[k]. Cette fois-ci, la pièce sera interprétée non par un groupe important d’étudiants mais simplement par le duo Majiker/Diane Villanueva. Majiker commence par plaisanter sur le fait que le grand compositeur américain n’est pas allé assez loin puisqu’il s’est contenté de deux mains applaudissant pour ses percussions corporelles…

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Une nouvelle fois pédagogue, Majiker explique ensuite le principe de composition de ce morceau. Clapping Music est constituée d’une cellule rythmique de 12 croches. Cette cellule sera répétée à l’identique par Diane Villanueva pendant toute la pièce. Au départ, Majiker jouera cette même cellule à l’unisson, et la répètera 8 ou 12 fois. Il décalera ensuite le motif d’une croche vers la gauche, ce qui produira un déphasage avec la première voix. Après 12 déphasages, le rephasage naturel doit s’opèrer et la pièce se termine sur l’unisson… Enfin, si tout se passe bien, plaisante Majiker. Les deux musiciens se décalent sur la gauche de la scène. Seul une sorte de faisceau de lampe de poche éclaire leurs mains en train de produire les cellules rythmiques. Une nouvelle fois, la pièce produit son effet et laisse rapidement place à une jubilation rythmique et ludique de la part du public. La performance (très physique !) sera chaleureusement applaudie.

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Toujours généreux, Majiker invite ensuite certains amateurs ayant participé aux ateliers de percussions corporelles qu’il a animés la veille et l’avant-veille à les rejoindre sur scène pour quelques morceaux. Ceux-ci seront rythmés par ces élèves avant-hier débutants. Le moment est très chouette humainement et les six amateurs s’en tirent à merveille devant un public touché et admiratif ! Sur un nouveau morceau, Majiker invite également le public à se joindre à la prestation. Il commence par nous expliquer comment réaliser les percussions avec les pieds et nous prévient : si on est déjà perdu avec les pieds, ce n’est pas la peine de mettre les mains. En revanche, si on est à l’aise il ne faut pas hésiter à se servir de ses mains également. Mais, ajoute-t-il, il va falloir tenir tout le morceau, sinon il ne pourra plus jouer par-dessus. Le public joue le jeu et le moment est plutôt jouissif : ça tape des pieds, des mains, entre rires et concentration. Ce morceau final clôt la prestation de Majiker dans une ambiance chaleureuse et le musicien est invité dans les applaudissements pour un rappel tout en douceur.

Au final, l’artiste britannique aura brillé par son élégance et sa générosité. Les sourires sont nombreux quand la salle se rallume. Tout le monde semble avoir partagé un chouette moment. C’est peut-être ça, d’abord, la magie de Majiker…

Photos : Caro

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Plus d’infos :

Le site de l’Antipode : http://www.antipode-mjc.com/urbaines/

Le site de Majiker : http://majiker.com/MaJiKer.html

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