Too Much Class … Dogs, l’histoire – Catherine Laboubée

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L’histoire s’est arrêtée il y a presque 11 ans, quand Dominique Laboubée s’est effondré sur scène, foudroyé par un cancer. C’était le 25 septembre 2002, Les Dogs débutaient leur première tournée Américaine au « Lucky Dog Music Hall » à Worcester. Ils venaient de jouer « Death Lane ». Dix ans, c’est long, mais c’est très court aussi, surtout pour ses proches, je pense principalement à sa soeur ainée, Catherine. Dix années se sont donc écoulées, avant qu’elle puisse trouver le courage de fouiller au fond de ses cartons et de nous raconter l’histoire de Dominique et des Dogs.

C’est aussi le temps pour que nous, les fans, nous puissions remettre enfin les disques des Dogs sur nos platines. Dès les premiers accords, la musique est d’une telle évidence que les bras nous en tombent. Les rythmiques héritées des pionniers sont sublimées par les arpèges cristallins de la Rickenbacker de Dominique. La musique, au croisement des 50’s et 60’s est galvanisée par l’énergie du Punk. C’est l’aboutissement parfait de ce que doit être le Rock And Roll. La musique des Dogs rend fort, elle rend beau, elle vous rend fier de la posséder. Faites l’expérience de déambuler dans la rue en sifflotant « Too Much Class For The Neighbourhood » ou « Never Come Back » avec un soupçon de préciosité, et vous comprendrez de quoi je veux parler.

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Les Dogs avait un leader charismatique et une rythmique d’enfer. Ils chantaient en anglais et ont débuté quand le Rock redevenait enfin excitant après les mornes années soixante dix. Pourquoi ne sont ils donc pas devenus le plus grand groupe de rock de tout les temps ? S’ils avaient toutes les cartes dans leurs mains, ils trainaient un handicap de taille, ils étaient Français et comme chacun le sait, la France n’est pas l’autre pays du Rock. C’est la découverte des Stooges, du MC5 et du Glam Rock qui vont pousser le jeune Dominique à prendre la guitare. Les premières années seront consacrées à l’apprentissage des instruments et à la répétition des classiques, ceux du Rock’And Roll et de la compile Nugget (Original Artyfacts From The First Psychedelic Era), la bible en quelque sorte ! Rapidement Dominique commence à proposer ses morceaux qui s’ajoutent à la setlist et en 1977, ils sortent enfin leur 1er 45T : « No Way/19/Charlie Was A Good Boy ». Le disque enregistré dans la cave du disquaire « Melodies Massacre » connait un joli succès. Il faut dire qu’en pleine explosion Punk, peu de groupes sont capables de maitriser leurs instruments. Dominique, lui a vite progressé et montre un certain talent dans la maitrise de sa 6 cordes.

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C’est peu après cette période que le groupe va se stabiliser autour de Mimi (Michel Gross), Hugues Urvoy De Portzamparc et de Dominique Laboubée. C’est en trio qu’ils vont enregistrer les 2 premiers albums chez Phonogram, un label spécialisé dans la chanson française. Le premier album sera dans une veine sixties. La pochette rappelle d’ailleurs les premiers Stones. Le groupe tourne sans cesse, mais n’est guère soutenu par son label. Le deuxième album sort en 1980 et est plus heavy, louchant vers les Stooges. Dominique délaisse pour la première fois sa Rickenbacker et ses aigus typés. Le groupe s’est fait plaisir car ils savent que leur collaboration avec Phonogram touche à sa fin. Au cours de ces années un jeune fan va faire irruption dans la vie du groupe. Le chiot fou s’appelle Antoine Masy-Perier (Futur Tony Truand). Antoine sèche le lycée pour aller voir les Dogs et à force de persévérance il est invité pour les rappels. De fil en aiguille, il rejoint définitivement le groupe. Sa fougue et son jeu nerveux à la guitare rythmique va amener ce petit rien qui manquait au groupe.

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Après Phonogram, le groupe rejoint Epic qui mise de grands espoirs sur eux. Ils sont invités à enregistrer un nouvel album avec un producteur professionnel, Tony Platt. Le résultat est à la hauteur des espérances, l’album est un classique instantané. Les chansons plus mid-tempo alternent avec celles plus envolées. Mais pour le première fois, le groupe semble plus stable, moins fouillis et toute la richesse mélodique se retrouve mise en valeur. Les Hits foisonnent (« Death Lane » « Too Much Class … » « Home Is Where I Want To Be » etc.) et les reprises sont stupéfiantes. Le « The Train Kept-a-rollin’ » version Burnette est désormais insurpassable. Avec Epic, le groupe se sent enfin soutenu même si les ventes de disques ne décollent pas. Ils peuvent désormais se consacrer à la musique. Avec Epic c’est aussi le début des tournées à l’étranger notamment dans les pays nordiques où ils rencontrent un joli succès.

L’enregistrement de l’album suivant est rapidement programmé. Ce sera Vic Maile le célèbre producteur anglais qui sera aux manettes. Un choix judicieux et le résultat une nouvelle fois surpasse les attentes. Le son est dense, rapide, sensuel et les compositions sont encore d’un haut niveau. Les ronchons diront que les Dogs font du sur-place, mais le résultat est là. C’est un sans faute, l’album est un enchantement du début à la fin. Après la sortie de l’album, le chemin des Dogs va croiser Marc Zermati, la figure emblématique de l’underground rock qui leur propose de les manager.

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Zermati est un sacré malin. Il négocie aussi sec avec Epic l’enregistrement d’un nouveau 45T. Cinq jours sont programmés durant lesquels les Dogs vont sortir un nouvel Album. C’est « Shout » du nom du standard des Isley Brothers. L’album est un faux live, composé pour moitié de reprises. Si l’idée est bonne, on est quand même loin du niveau des 2 albums précédents. Le succès tarde toujours à venir et les tournées continuent de rythmer la vie du groupe. Mais il commence à y avoir de l’eau dans le gaz avec Epic. Les Dogs vont quand même retourner en studio pour l’album de la dernière chance. C’est « More More More » enregistré à Londres et sur lequel le groupe a pu ajouter une section de cuivre. Cela donne un album ambitieux mais qui ne convainc toujours pas le grand public. Pire que ça, leur public adhère moins à cette nouvelle esthétique musicale, peut être trop lissée. L’autre coup dur, c’est Hugues qui rend son tablier. Les tournées et le manque de reconnaissance du groupe ont eu raison de son engagement.

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L’histoire des Dogs va connaître un flottement. Après plusieurs changements de line-up, le groupe se retrouve en Studio en 1989 pour « Million Ways Of Killing Time ». Cette fois ci, c’est Mimi qui tire sa révérence. La section rythmique des Dogs, n’est plus. Elle sera remplacée par celle de Tupedo Soul (Christian Rosset puis Bruno Lefaivre), un autre groupe de Rouen, des proches. A la fin des années 80, Dominique connait un beau succès par le biais de Louise Féron pour laquelle il a écrit et produit un album. Antoine lui aussi commence à rouler sa bosse en solo. Doucement il s’éloigne du groupe et joue avec eux pour la dernière fois début 92. Les dernières années des Dogs verront la réalisation de 4 nouveaux albums, « Three Is A Crowd » en 93, « 4 Of A Kind vol.1 » (1998) puis « 4 Of A Kind vol.2 » (1999) et enfin le vrai disque Live, « Short Fast And Tight » en 2001. Les critiques sont toujours élogieuses mais le public ne suit plus. A l’aube des années 2000, alors qu’un frémissement commence à se faire entendre dans le milieu du Rock, c’est Dominique le pilier des Dogs qui s’effondre, sans doute épuisé par une vie mise au service de la musique.

C’est cette histoire que Catherine Laboubée nous raconte avec beaucoup de pudeur et d’émotion. Pendant plus d’un an, elle a regroupé des monceaux de témoignages des proches, des anonymes, et des anciens Dogs afin de dresser un portrait fidèle de son frère. Musicalement, on sait que Dominique était naturellement doué. Guitariste stylé et mélodiste appliqué, on apprend qu’il avait une grande culture musicale et qu’il restait toujours attentif à l’évolution de la musique, pas du genre à rester éternellement bloqué sur les Nuggets. La deuxième chose qui ressort du livre, c’est son élégance naturelle, jamais étudiée, jamais forcée. C’est celle du respect de soi et d’autrui. Peu dans le rock peuvent en dire autant. Dominique Laboubée serait l’anti Bertrant Cantat, irréprochable à la ville comme sur scène, quelqu’un qu’on est fier d’admirer.

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Aimer les Dogs, implique d’aimer une certaine forme de Rock, où l’attitude, la musique sont aussi importants que le cirage de ses Boots Anello And Davide. A l’instar des Flamin’ Groovies, les Dogs incarnent une certaine flamboyance qui fait cruellement défaut aujourd’hui où le paraître n’est plus qu’une façade creuse.

Liens :
http://www.labellesaison.fr/

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Too Much Class .. Dogs, l’histoire – Catherine Laboubée – La belle saison – ISBN : 979-1091323031 (Avril 2013)
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13 commentaires sur “Too Much Class … Dogs, l’histoire – Catherine Laboubée

  1. Maître Kulk

    Ceci mérite d’être dit, hurlé, répété en boucle, partout et tout le temps.
    Un des trop rares groupes français qui nous a rendu fiers, que l’on peut faire écouter à nos amis étrangers sans crainte de se voir vanné à tout bout de champ.
    Les cons peuvent retourner écouter Sac à Ponche ou autres conneries débilitantes…

  2. Catherine LABOUBÉE

    Bonjour,

    Merci pour ce bel article et la reconnaissance de mon travail, et surtout de la pérennité de DOGS…

    Catherine Laboubée

  3. lino

    « Charlie was a good boy »… Entre nos disques des Stones et des Groovies ! C’est dire ce que les Dogs représentaient pour mes potes et moi-même, fans inconditionnels de VRAI rock ! La classe ! Chiens qui aboient ne meurent pas… Merci Dom !

  4. mathieu

    Bel article…vivement la rééedition des derniers albums ….

  5. HEDOUIN Liliane

    Bonjour Catherine,
    J’aimerais me procurer votre Livre concernant le Groupe Les Dogs.
    Mon Fils Xavier connaissait votre Frère et je souhaiterais, si possible, lui offrir votre Livre.
    J’habite à Barfleur donc je peux vous rencontrer à la Cour Ste Catherine le prochain Week-End.
    Merci d’avance. Au plaisir.
    Liliane.

  6. Tom

    Comme le dit Hugues dans le livre, un de ses regrets concernant les rééditions, c’est que « More More More » ne figurait pas dans le coffret Epic …

  7. Juan Marquez Leon

    Vivement un travail profond et sérieux de réédition de tous ces trésors. Pour ceux qui ont aimé le groupe à l’époque et les nouvelles générations. Merci à celles et à ceux qui entretiennent la flamme de ces Dogs, de plus en plus uniques.

  8. martin

    les Dogs, la classe pour toujours

  9. Vince

    Dominique en Rickenbacker ? Pas souvent vu après tant de concerts des Dogs !
    Too much class !

  10. alexis

    merci catherine..je debaque..on est en 2018..desolé et tres triste d’apprendre le deces de dominique. ca craint…cest vrai que c’etait classe c’est toujurs dans ma tete depuis le college et les early 80’s… merci pour cet ecrit. merci au dogs et a dominique pour cette histoire…

  11. PICARD emmanuel

    Quel rockeur peut se targuer pos-mortem d’avoir une place à son nom dans une grande ville française ? Les Havrais, Rouennais et Normands n’oublieront jamais Dominique…reste juste à transmettre son héritage musical à nos petits-enfants avant qu’ils ne se bourrent le crâne de soupe indigeste…. Vivement 2022 et un hommage national pour commémorer les 20 ans de sa disparition !

  12. Alaña Muñuzuri

    El chico de la Rickenbaker de lo mejor entre milliones.
    No he escuchado jamás nada parecido.
    Los Dogs son inmortales y su leader también, sólo hay que escuchar todos los álbumes que nos han dejado.
    Salut Dominique.

    Iñigo A.

  13. Boegler Laurent

    Je me rappelle avec joie et émotion le 10 janvier 1980 ou, avec mon groupe de l’époque (Alerte), j’avais fait la première partie des Dogs à Orléans. J’avais alors 17 ans et faire la première partie d’un groupe dont on est fan était grandiose. J’étais en terminale et mon groupe avait séché les cours ce jour là, accompagné à Orléans par un pote qui avait le permis, afin de faire le première partie de mon groupe préféré…
    Dans la salle il y avait Marc Simenon, le père de mon batteur Serge et sa compagne Mylène Demongeot; les organisateurs étaient hyper excités 🙂

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