Sebadoh à la Route du Rock : fleurir à l’ombre du dinosaure

Avec son mélange d’opportunisme crapoteux et de réelles émotions, l’avalanche de reformations de groupe aura été un des phénomènes musicaux de ce début de siècle. On ne peut pas vraiment dire que les programmateurs du festival malouin en aient abusé. Par manque de moyen financier peut être, mais aussi surement par fidélité à une mire pointée vers la nouveauté et la découverte.

Pour cette édition 2011, ce sera donc les vétérans de Sebadoh qui viendront faire vibrer la corde nostalgique des plus âgés des festivaliers.

sebadoh2En 1985 à Boston, Jay Mascis, Lou Barlow et Patrick Murphy forment ce qui deviendra par la suite un des monuments de la scène post punk américaine : Dinosaur Jr. Après trois albums aussi monstrueux que merveilleux, la tension entre les egos de Barlow et Mascis est devenu insupportable. En 1989, le second annonce donc au premier que le groupe se sépare… avant de le reformer le jour suivant sans Barlow. Classe.
Mais le gars avait plus ou moins senti venir le coup. Mascis refusant qu’il participe à l’écriture des chansons de Dinosaur Jr, il avait déjà commencé à travailler dans son coin. Il enregistre ainsi quelques chansons chez lui sur un quatre pistes avec l’aide d’Eric Gaffney. Ceci deviendra les racines du premier album du groupe The Freed Man. Quand le dinosaure explose, Barlow se tourne donc naturellement vers cet autre projet qui avec l’addition de Jason Lowenstein devient le trio Sebadoh.
Durant les années suivantes, le groupe va exploiter avec bonheur les inspirations antagonistes de ses membres mélangeant allégrement les ballades folk étranges de Barlow avec les déflagrations soniques sous influence hardcore de Gaffney. Cet étrange mélange, allié à des méthodes primitives d’enregistrement, définira une scène underground américaine qui sera baptisée low-fi (en opposition à la Haute Fidélité de la Hi-Fi) et dont émergeront des groupes comme Pavement ou Guided by Voices.

Sebadoh2011 Pour ceux qui veulent découvrir cette facette du groupe, on ne peut conseiller que l’excellent album III (1991), kaléidoscope foutraque et réjouissant de 23 chansons explorant les pulsions et l’inconscient du rock indé de l’époque avec Lowenstein en modérateur entre les deux autres.
Gaffney fera ensuite de nombreux aller-retours dans le groupe avant d’être définitivement remplacé en 1993 par Bob Fay. Après un petit détour par un autre projet : The Folk Implosion, Barlow revient à Sebadoh et ils sortent en 1994 leur premier album sans Gaffney : Bakesale. La tournée actuelle célèbre d’ailleurs la réédition récente de cet album.

Avec son son plus propre, le disque est encore parfois considéré par les ayatollahs comme une trahison de l’esprit des débuts. S’il est effectivement beaucoup plus accessible que les précédents, il est surtout bourré de pépites indy-rock tout à fait imparables qui confirment haut la main le talent de songwriter de la bande et devraient faire notre bonheur sur scène.
Deux albums suivront ensuite dont le sympathique harmacy (1996) qui reste dans la même veine.

Passé l’aspect nostalgie inévitable pour l’auditeur ayant passé sa jeunesse à écouter très fort les cassettes du groupe, ce sera surtout l’occasion de (re)découvrir un groupe d’excellents songwriters aux talents multiples et qui, comme Sonic Youth, aura tendu un pont entre une pop-rock indé un peu guindée et les délices bruitistes de l’underground hardcore et noise.

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Retrouvez notre dossier spécial Route du Rock 2011

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