Route du Rock 2019 – Pop folk solaire @ la Nouvelle Vague [Hidden Tracks]

Fin de notre présentation détaillée de la programmation du festival La Route du Rock qui aura lieu du 14 au 17 août prochains avec la soirée d’ouverture à la Nouvelle Vague de St Malo le mercredi 14 août. Folk solaire, parfois hybride pour une soirée qui s’annonce sacrément enthousiasmante avec les concerts de Big Thief, Sharon Van Etten et Anna St. Louis. On a d’ores et déjà bien hâte.

Big Thief

Quatuor aux abords délicats et feutrés, mais au feu brûlant à l’intérieur, Big Thief réunit le guitariste Buck Meek, le bassiste Max Oleartchik, le batteur James Krivchenia et la guitariste-chanteuse Adrianne Lenker, responsables de trois (beaux) albums parus en quatre ans et de tournées monstrueuses qui passent leur temps à sauter d’un continent à l’autre. Avec en plus, quelques moments réservés aux escapades solitaires pour deux albums solo parus l’an dernier, Buck Meek pour le guitariste et le subtil Abysskiss (Saddle Creek, enregistré avec Luke Temple d’Here We go Magic) pour Adrianne Lenker.

Principale compositrice du groupe, la musicienne de 27 ans n’en était pas à son coup d’essai puisque dans son adolescence bohème et mouvementée (au premier sens du terme : née dans une communauté religieuse dans l’Indiana de tous jeunes parents -c’est sa maman avec Adrianne sur l’artwork de Capacity– en recherche de liens et de sens et aux lourds fardeaux hérités de leur jeunesse,  et qui l’ont ensuite fuie pour écumer les routes du Midwest -Adrianne Lenker a vécu dans pas moins de quatorze endroits différents jusqu’à ses huit ans), managée par un père féru de musique, elle avait déjà enregistré et composé deux albums avec des musiciens professionnels entre 13 et 16 ans, avant de reprendre ses études et d’obtenir une bourse pour aller au Berklee College of Music de Boston (où ont a priori également étudié les membres de Big Thief, mais la bande ne se rencontrera petit à petit que plus tard, à Brooklyn).

Depuis Masterpiece (Saddle Creek, 2016), la musique du d’abord trio puis quatuor associe la chaleur et l’épure du folk au grain rock indie. Ce premier album aligne déjà plusieurs chansons intemporelles, qu’il s’agisse du lyrique Paul en trio guitare-basse-batterie à pleurer d’élégance et de sobriété ou des plus électriques Masterpiece et Real Love (l’amour vrai y traite ici plutôt des violences conjugales), ou plus loin d’un Parallels illuminé d’étincelles de guitares. Condensé précieux de grâce, d’arrangements dépouillés et de déroutante sincérité, Capacity (Saddle Creek, 2017) qui s’ouvre à peine quelques mois plus tard sur des arpèges désarmants est souvent enregistré à l’os, au plus près des doigts qui glissent sur le manche des guitares, des souffles et de la voix d’Adrianne Lenker, en même temps fragile, déterminée. Calmes en surface, même quand les guitares se font (à peine) plus rêches, les morceaux de Big Thief brûlent en dedans et finissent par vous gagner de l’intérieur.

Sur U.F.O.F. (4AD, 2019), toujours produit par Andrew Sarlo comme leurs deux premiers albums, le groupe a essayé de ne garder que ce qui était strictement nécessaire, avec un sens de l’épure encore plus développé, mais avec toujours cette justesse dans l’arrangement, ce talent pour le léger virage harmonique, mélodique. Toutes en voiles, en ombres et lumières, les chansons de Big Thief y allient une nouvelle fois une tension sous-jacente quasi imperceptible et la terrible intensité de l’épure. Ajoutez à cela un groupe soudé comme Ali Baba et ses 40 (big) thief(ves), et vous comprendrez sur quels essentiels et vibrants moments pourrait surfer la Nouvelle Vague.

Sharon Van Etten

Juste après, Sharon Van Etten devrait elle aussi incendier la scène de sa belle  incandescence. Après s’être offert un vrai temps de « pause » après la sortie de son quatrième album, Are we there (Jagjaguwar, 2014), en avoir profité pour reprendre des études (de psychologie), mettre au monde un petit garçon et jouer dans The Oa et la troisième saison de Twin Peaks, la musicienne du New Jersey est revenue cette année avec Remind me tomorrow (Jagjaguwar, 2019) et une sérénité plutôt nouvelle.

Sharon Van Etten © Ryan Pfluger

Il faut dire qu’au moment de l’écriture de son premier long format, Because I was in love (Language of Stone, 2009) elle  débarquait chez ses parents fuyant le Tennessee et un compagnon pour le moins abusif. Ce premier album ne donne donc pas vraiment dans le bonheur et la gaudriole. Épuré, ramassé dans son instrumentation comme les premiers Cat Power (essentiellement une guitare folk anémique et de -belles- harmonies vocales), l’amour corrosif de ce premier disque flirte avec un magnétisme délicat, notamment sur le fragile et bouleversant Keep. Avec toujours la même singulière authenticité (pensez à Love More), le second, Epic (Ba da Bing, 2010) plus riche dans son instrumentation et sa production, voit les morceaux de Sharon Van Etten gagner en épaisseur voire en électricité comme sur le plus rock Don’t do it ou le tube One Day.

Mais c’est la sortie de Tramp (Jagjaguwar, 2012) qui soulignera l’amplitude de l’envol de la musicienne. Produit par Aaron Desner de The National, ce troisième album est marqué par une écriture libérée, audacieuse, une voix ample totalement assurée qui ose les accents à la Polly Jean (Give out) en plus de la fragilité (le duo We are fine avec Beirut), portée par le souffle puissant de la batterie de Matt Barrick (The Walkmen) et des arrangements à l’efficacité élégante et souvent sobre. Les morceaux de son quatrième album ne sont pas moins intranquilles. Leur mélancolie sombre sourd à nouveau d’une instrumentation encore moins épurée, transcendés par le chant profond et intense de la New Yorkaise, pour preuve Every time the sun comes up ou Our Love.

Alors, forcément, la sortie en début d’année de Remind me tomorrow, dont l’artwork rendrait marteau Marie Kondo, a pu surprendre. L’album délaisse en effet les territoires pop folk assez crépusculaires pour les rivages d’une pop synthétique quasi solaire (on en entendait quelques prémices à la ré-écoute, mais très subtils sur Are we there) caractérisée par des arrangements bien plus marqués par les synthés et l’électronique que par la six-cordes ou le piano. Mais très vite l’oreille accroche à ces nouveaux arrangements audacieux qui jalonnent tout l’album, à cette écriture pop, parfois épique, parfois atmosphérique, qui  aligne quasi les tubes, et à la voix plus grave (la faute aux joies de l’accouchement) de Sharon Van Etten qui sait les rendre plus poignants. Et même dans la lumière.

Anna St. Louis

Originaire du Kansas, Anna St Louis a commencé à écrire ses premières chansons en arrivant à Los Angeles. Woodsist et Mare Records les ont réunies sur une première cassette (First Songs, 2017) de folk gracile et nostalgique, à la facilité limpide et un brin mystérieuse, contrastant quelque peu avec la scène punk et psychée de Kansas City dont elle est issue (Crap Corps, Bloodbirds). A noter, la musicienne faisait également partie de Purple Mountains avec deux membres des Woods et le regretté et talentueux David Berman (Silver Jews) décédé il y a quelques jours à peine.

Anna St Louis © Chantal Anderson

Épaulée de Kevin Morby (qui y chante et grattouille aussi un peu) et de Kyle Thomas de King Tuff pour produire (et enregistrer) son nouvel album If only there was a river (son premier véritable album), en compagnie du batteur Justin Sullivan et du multi-instrumentise Oliver Hill, Anna St Louis y mélange voix douce et profonde, fingerpicking expressif et limpide et arpèges sensibles, un peu à la manière de John Fahey.

Ces chansons ont parfois l’aridité d’un blues country, l’austérité élégante mais chaleureuse d’arrangements parcimonieusement réunis (les tambourins de The Bells, le violon country de Water, quelques notes de guitare électrique ici et là ou de claviers sur la face B) qui montrent qu’avec peu, on peut parfois dire beaucoup. Alors bien sûr, le son est immédiatement familier et convoque immanquablement les références 60’s. Mais l’élégance et la chaleur de la sobriété d’Anna St Louis pourraient bien, par la simple magie d’une voix et d’une guitare, transporter la route du rock malouine sur les cadences lancinantes des terres du Midwest.

 


Anna St Louis, Big Thief et Sharon Van Etten seront en concert mercredi 14 août 2019 à la Nouvelle Vague (Rue des Acadiens, Saint Malo) à partir de 20h.

Tarifs : Réduit et abonnés de La Nouvelle Vague : 20€ / Location : 22€ / Sur place : 25€
(Hors frais de location éventuels)

La Route du Rock Collection Été 2019 aura lieu du mercredi 14 août au samedi 17 août.

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