Route du Rock 2015

VISUEL_20X30_RDRE2015Voilà un quart de siècle que le festival malouin tient la barre contre vents (avec une programmation bien souvent exigeante qui ne suit pas aveuglément le sens du vent) et marées (on s’en est pris des trombes sur le coin du ciré) : du 13 au 16 août 2015, la Route du Rock fêtera son vingt-cinquième anniversaire dans un Fort St Père enfin rendu étanche (ou quasi !).

Malgré l’annulation de Björk la semaine précédant le festival, la Route du Rock garde le cap (et l’attachement de son public qui lui a immédiatement signifié son soutien1 – espérons qu’il en soit de même en termes de ventes ; d’autant que comme l’expliquait François Floret, directeur du festival à Télérama : « Même pas la peine d’appeler les assurances pour espérer des indemnités, comme aucun cas de force majeure n’est avancé, nous n’aurons droit à aucune compensation »).

Néanmoins, la défection inopinée de la tête d’affiche ne doit en rien être l’arbre qui cache la forêt d’une programmation parfois pointue, souvent maligne et fréquemment alléchante… Et qui donne tout autant envie de ne pas manquer ce rendez-vous estival.

En espérant vous y retrouver en tongs… ou en cirés.


Un meilleur accueil des festivaliers

L’an dernier, on avait longuement redit notre amour pour ce festival un poil atypique, à la programmation à défendre, tout en maugréant gentiment sur certains manquements en terme d’accueil (on vous renvoie à nos articles de l’an dernier sur le sujet : et aussi ici), décriés plus ou moins violemment par pas mal de festivaliers.

Route du Rock 2014 jeudi 1Les demandes ont réellement été entendues par l’organisation du festival. Sur certains points, d’ailleurs, comme l’arlésienne des travaux prévus pour rendre le Fort St Père praticable en cas de fortes (ou longues) pluies (ça peut arriver dans notre riante région), l’équipe de Rock Tympans n’avait pas grande marge de manœuvre entre élus qui se renvoyaient la balle depuis des lustres et retards dans les travaux.

Mais voilà, alors qu’on n’avait quasi arrêté d’espérer, les tracto-pelles et autres engins de chantier ont commencé à drainer le site cet hiver, décapant les 40 cm de profondeur d’argile qui empêchaient les écoulements, empierrant ensuite le site pour favoriser le drainage des eaux de pluie. Avec l’ambition, également, de capter les eaux fluviales et de mettre en place un bassin tampon, ainsi que de collecter les eaux usées dans des fosses de 60m2 (plus d’1fos sur le Télégramme). En résumé, si on a tout compris : bottes is definitly dead. Et c’est tant mieux.

Découlant nous semble-t-il de ces aménagements, l’épineux problème des toilettes risque bien de ne plus en être un : l’équipe de la Route du Rock promettant cette année de « maximiser les sanitaires » . Autrement dit, pour certains membres de la gent masculine, cette année, plus d’excuses pour arroser les barrières.

route du rock 2014 - paille - alter1fo.com

En outre, le festival a choisi un nouvel aménagement pour cette vingt-cinquième édition, permettant à chacun, en théorie, d’assister à tous les concerts du Fort dans de bonnes conditions : la scène des Remparts repasse à l’intérieur du Fort, tout au fond, face à la grande scène (scène du Fort), ce qui devrait éviter le goulot d’étranglement de la foule des années passées. Autre nouveauté : tous les stands restauration se retrouveront en dehors des remparts et bénéficieront d’une structure couverte avec assises permettant aux festivaliers (notamment les plus fragiles) de pouvoir se poser si nécessaire (éventuellement au sec).

Le festival promet également de faire son maximum pour améliorer les services du camping (qui devient payant) et propose pour la première année un système cashless pour les paiements (acceptée dans tous les bars et les restaurants du festival ainsi qu’au stand merchandising, cette carte cashless fonctionne comme un porte-monnaie électronique : vous la créditez d’une certaine somme et vous la rechargez si nécessaire tout au long du festival. Plus d’1fos là. A noter : pour ceux qui créeront leur compte en ligne avant le festival, le remboursement de tous les crédits restant sur votre carte à l’issue du festival sera possible).

Route du rock 2012 - les remparts alter1fo.comL’an dernier, on finissait notre ultime compte-rendu en souhaitant que cette vingt-cinquième édition d’un festival à qui on doit un nombre incalculable de moments précieux, qu’on a défendu bec et ongles et que l’on continuera à défendre, soit une immense fête musicale collective et joyeuse que tous, des baroudeurs indestructibles aux personnes plus fragiles ou ayant besoin de plus de confort, puissent apprécier d’un bout à l’autre. Il semblerait bien que ça s’annonce dans ce sens. Le tout avec une programmation musicale particulièrement excitante. Et l’annulation de Björk n’y changera rien, pour tout ceux qui aiment garder les oreilles ouvertes.

 

Seuls sur le sable, (ou presque) …

Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 15h, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours avec des dj sets mettant en avant trois labels français indépendants dès 15h00, puis dès 16h, poursuivre avec le live d’un artiste issu de leur catalogue. Le vendredi, c’est Born Bad Records qui ouvrira le festival, suivi par Pan European Recordings le samedi et Field Mates Records le dimanche (bref, du tout bon). Tout ça avant de vous étirer tranquillement sur votre serviette de plage au son de lives plus que prometteurs.

ForeverPavot@Binic Festival 2015 - Photo Mr B Alter1fo.comBon pour tout vous dire, le vendredi, le dj set Born Bad Records sera assuré par Forever Pavot lui-même, ce qui est déjà en soi sacrément chouette. Le garçon quittera ensuite les platines pour un live qui devrait se révéler aussi parfait que son premier effort discographique -entre autres- (le premier album du groupe, Rhapsode – 2014- est irrésistible de classe) et ses prestations habituelles.

Un an après ses copains pataphysiques d’Aquaserge (avec lesquels il a notamment récemment présenté un ciné-concert autour de courts métrages de Louis Feuillade sous le nom de Serge Forever), Emile Sornin déroulera donc les vagues morriconiennes de sa pop psychée pour les surfers du festival amateurs de déferlantes ouatées (parfois plus remuantes en live). Pour ceux qui ont manqué le groupe aux Transmusicales, à l’Antipode pour Roulements de Tambour ou à Binic plus récemment, l’occasion est trop belle de vous couler sur la plage et de vous laisser happer par les délires hallucinés, toute basse en avant, du prodige aux cheveux longs.

« Il y a une dizaine d’années je faisais du punk hardcore, ensuite j’ai fait de la chiptune, de la pop, des compos garage / folk enregistrées sur K7, et maintenant des choses inspirées des musiques de films 60’s…la seule ligne directrice ce sont mes envies » précisait sainement Emile Sornin à la sortie du désormais essentiel Rhapsode. Inspiré tout autant par le prog, que les musiques de film (De Roubaix, Morricone, Jean-Claude Vannier en tête), Broadcast, Stereolab ou le psyché turc pour la composition de ce premier long format, Emile Sornin a, depuis, eu le temps de frotter les compos studio au live et à la sueur avec ses valeureux complices qui forment Forever Pavot sur scène. Remodelés pour le live, les morceaux gagnent en énergie débridée, et sont déroulés avec brio par une bande aussi haletante que subtile. Les zigues parvenant même à en conserver la richesse harmonique (même si certains instruments sont remplacés par d’autres). Bref, les Forever Pavot sont immanquables. Et si en plus c’est sur la plage…

Le lendemain vous pourrez piquer une tête et explorer les abysses malouines avec la musique de Flavien Berger dans les oreilles. Pas mal non plus, la musique de ce garçon. La pochette du premier album du parisien, Léviathan (2015) est étonnamment raccord avec un live aquatique, mais plutôt que de croiser le monstre marin évoqué par le titre (quoique), on s’attend plutôt à des descentes de grand huit directement dans l’océan  » Monte la mer et on descend / Il y a des rails sous l’océan / Un labyrinthe, un tourbillon / Et dans l’écume sont les visions / Des anémones alentours (…) Adieu vide tellurique / La mer avale mon cœur / Les limbes aquatiques / Effacent les plongeurs / les fantômes de baleine / En haut du précipice / Et puis notre lointaine idylle des abysses « 

FLAVIEN_BERGER_ photot presse RDR 2015Musicien aux idées larges et synthétiques, Flavien Berger produit une électro pop résolument hors format, parfois chantée (en français, avec l’envie d’évoquer plus que de raconter), parfois étirée pendant une vingtaine de minutes pour laisser planer l’auditeur. Tour à tour sombre, naïve, poétique, la musique du jeune homme, particulièrement personnelle, se permet toutes les incartades, allant bien souvent là où on ne l’attend pas (un arrangement volontairement cheap, un rockabilly forain, une autobahn électronique qui déroule, une fête foraine entre Mars et l’Abyssinie ou un déploiement de cordes en final d’un titre synthétique de plus de 15 minutes ) et c’est tant mieux. En live, le garçon aime encore à brouiller les pistes et jouer avec la magie du moment, improvisant les paroles, se laissant porter par les fractures de l’instant. Nul doute qu’au milieu des vagues, sous les remparts, le moment risque d’être suspendu. On a hâte.

Le samedi enfin, vous pourrez enchaîner les brasses et les dos crawlés au son de la première signature du label Field Mates Records : Jimmy Whispers. Surnommé ainsi au lycée à cause d’une timidité trop prégnante, le Chicagoan prend pourtant le risque de vous émouvoir avec ses chansons de bric et de broc, simplement enregistrées à la voix avec un simple orgue sur son iphone. Autrement dit, avec les 10 titres qui composent son premier album Summer in Pain tout juste sorti (2015). Auquel il faut ajouter plus d’un millier d’autres enregistrements (le garçon dit enregistrer une chanson par jour) réalisés sur son smartphone dans les mêmes conditions. Mais ne vous attendez pas pour autant à une tripotée de vignettes lo-fi un peu bancales et un brin palotes : il s’agit au contraire de véritables chansons qui sans qu’on comprenne vraiment comment, touchent juste (à notre plus grand étonnement, on doit le dire). C’est peut-être à cause des mélodies qui se révèlent immédiatement ; peut-être à cause de cette voix sans fard, en même temps naïve et écorchée… On n’en sait trop rien.

Jimmy Whispers -Photo Presse - Todd DiederichToujours est-il que l’album est enregistré depuis deux ans si on a tout compris. Mais le garçon a préféré commencer par les concerts, pour voir d’abord, si quelques uns se montraient intéressés par sa musique. Quitte à monter parallèlement un festival pour récolter des fonds… Non pour sortir son premier album, mais pour aider l’association CeaseFire – autour des problèmes de violence, notamment des fusillades, à Chicago entre autres- ; puis à le décliner l’année suivante sur un festival basket/musique : « J’ai invité des célébrités et des groupes de musique basés à Chicago pour disputer un tournoi de basket, toujours au profit de la même organisation. Et les groupes jouaient entre les matchs » (Interview à lire sur Le transistor ici). C’est là, entre autre, qu’intervient une jolie rencontre, celle de Dali Zourabichvili, bien connue par ici comme blogueuse, contributrice à la Blogothèque et attachée de presse, avec la musique du jeune homme. Tombée sous le charme des dix morceaux que lui a envoyés le musicien après un premier mail, où emballée par deux vidéos, elle en demande davantage, Dali Zourabichvili décide de se lancer et de monter son label pour sortir l’album du garçon en Europe (un autre label, Moniker Records, s’occupant des États Unis). Ce Summer In Pain est donc la première signature de Field Mates Records et sera à découvrir sur la plage de St Malo. Et autant vous le dire, les chansons du jeune homme devraient tout autant s’accommoder des effluves marines de la cité corsaire que du Lake Shore Drive d’où elles viennent, tant ces petites comptines-marabout de ficelle risquent de se révéler universelles. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur (vous) souhaite. Vivement.


Pour ceux qui feraient leur baptême du feu à la Route du Rock cette année, commençons par cette petite précision nécessaire pour s’y retrouver : à la Route du Rock, il y a deux scènes : une scène principale, dite scène du Fort, et une plus petite où sont bien loin de ne jouer que les outsiders : la scène des Remparts (autrefois scène de la Tour).


Bastions rock au Fort St Père

Bon, la Route du Rock met peut-être le mot « rock » en avant, mais c’est bien sous toutes ces formes qu’il faut prendre l’acception, du garage au psyché, de la pop au lo-fi, du shoegaze à l’électro-pop et on en passe, comme vous avez pu sans peine le remarquer.

Ty Segall - photo Caro Alter1foOn commence par les guitares crasses qui crachent avec une tripotée de groupes qui joue rêche, droit dans ses bottes, le pied ou non bloqué sur la pédale fuzz. C’est notamment le cas du justement bien nommé Fuzz qui compte dans ses rangs trois gaillards aussi essentiels au garage actuel que l’est l’application météo au festivalier malouin. Autrement dit le blondinet aux mèches rebelles Ty Segall, jeunot prolifique dont la liste d’albums (en solo ou au sein d’une bonne demi-douzaine de formations annexes) eps, splits (et on en passe) est longue comme la faille de San Andreas et qui sait vous dégommer les esgourdes à coups de brûlots noisy et de chansons barrées avec une classe insolente, mais également ses grands potes Charlie Moothart à la guitare et Chad Ubovich à la basse (pour ce projet Segall est derrière les fûts).

Heavy, dense et saturé, le trio headbanguant crânement au-dessus de ses guitares et fûts, mélange brûlots noisy, fougue punk, garage qui tache, influences métal, saturations grunge et riffs psyché avec la classe à Dallas ! Leur premier album (Fuzz, 2013), bien sûr sorti chez In the Red Records, convoque le Black Sabbath et le rock le plus heavy, à un rythme effréné et sauvage, le tout sans oublier de ne jamais complètement dissimuler ses belles aptitudes mélodiques sous l’épaisseur de murs bâtis à coups de riffs et de larsens fiévreux voire tendus. En résumé, Fuzz hurle, décape et tranche dans le vif et devrait mettre le Fort sens dessus dessous le vendredi. D’autant que les trois zigues annoncent une nouvelle livraison de 14 morceaux pour octobre prochain et devraient défendre bec et ongles ce futur Lp sur la scène de la Route du Rock

luis vasquez - the soft moon - photo caro alter1foMoins échevelés mais tout aussi intense, The Soft Moon devrait également embraser l’âme des festivaliers le lendemain. On se souvient de notre découverte du groupe de Luis Vasquez lors de sa venue à la Route du Rock en 2012. On avait pris une dérouillée implacable, complètement immergé dans la noirceur vénéneuse de leurs morceaux, stupéfait par l’importance maniaque que le trio accordait à son son, massif, dans une ambiance d’apocalypse inerte et désespérée. Au centre de la scène, Luis Vasquez, pantin épileptique, criant comme un beau diable et chantant le désespoir du monde avec une voix paradoxalement aussi désincarnée qu’habitée, avait hypnotisé le Fort, transformé en masse humaine compacte se mouvant comme un seul homme.

Soft moon Depuis cette première rencontre avec le projet du garçon d’Oakland, qu’on découvrit aussi doux et adorable en interview qu’il peut être habité sur scène, Luis Vasquez a donné une suite à son album sans titre de 2010 (11 titres rageurs à l’énergie ténébreuse plaçant la formation dans le haut du panier des groupes du revival cold wave) et à l’implacable Ep Total Decay (quatre titres encore plus radicaux et imparables). L’album Zeros tout d’abord en 2012, qui continuait de racler jusqu’à l’os un post punk décharné et glacé. Un troisième album ensuite, Deeper, sorti cette année (toujours sur Captured Tracks).

Suite à des changements de line-up live et une accalmie dans le rythme des tournées, Luis Vasquez a quitté Oakland pour l’Italie et s’est trouvé seul avec lui-même pour composer son troisième long format. Entre quelques allers-retours à Berlin, Luis Vasquez a progressivement mis sur pieds les 11 titres de Deeper durant quasi un an, aidé par le producteur Maurizio Baggio qui l’a poussé à davantage se concentrer sur le songwriting et moins sur la création de paysages sonores. Luis Vasquez a de fait moins planqué son chant sous les épaisses couches sonores qui l’asphyxiaient. Pour autant, Deeper ne respire pas la joie de vivre et reste tout aussi désespéré, enchaînant front wave schizophrène, rythmiques décharnées, guitares angulaires, lamentations synthétiques et froide intensité. Bref, on espère de la bande à Luis Vasquez un live aussi intense qu’il y a trois ans, impatients de se jeter tête première dans ce magma sonore désespéré.

Savages - photo isa alter1foLe quatuor féminin Savages était venu à la Route du Rock en 2012 également, mais ne nous avait pas forcément laissé un souvenir impérissable. Pourtant l’année suivante, après la sortie d’un premier Lp sur Matador Silence Yourself (2013) la bande des quatre menée par Gemma Thompson et Jehnny Beth avait sacrément gagné en épaisseur et nous avait plus qu’agréablement surpris avec un live particulièrement intense à l’Antipode, nous forçant à revoir humblement notre copie. En dégommant le superflu pour aller à l’essentiel d’un rock frontal, bam dans ta face, les quatre jeunes femmes ont gagné en force de percussions et surtout sont devenues un quatuor à la solidité scénique avérée, maître ès montées et tensions. En quelques mois, les Savages se sont forgé une image. Un son. Une identité scénique.

Savages - photo isa alter1foL’histoire avait commencé quelques années auparavant, quand Gemma Thompson, guitariste en tournée de John et Jehn, expliquant son envie d’un projet à l’énergie plus primitive, trouve une alliée en Jehn. Jehnny Beth, ayant également par ailleurs l’envie de chanter seule, adhère. Et les deux musiciennes décident de monter un groupe en parallèle. Rejointes par Ayse Hassan à la basse et Fay Milton à la batterie, la bande des quatre prend progressivement de l’épaisseur et fourbit ses armes concert après concert, lp après ep, nuit après nuit. Et décide de rester sur une énergie rageuse, dégraissée de toutes fioritures. Rien de nouveau sous le soleil (noir) mais le groupe, en jetant pêle-mêle dans sa marmite la corde pour se pendre des Joy Division, les Banshees de Siouxie, les dégoulinades noires d’un post punk suintant et un amour immodéré pour Dischord, parvient à composer un rock tendu et reptilien.

Sur scène, Savages aime jouer fort, et vous promet un live à 220 volts les doigts dans la prise. Là encore, avec en point de mire un nouvel album à venir à l’automne.

Ride 02/11/14 shot in banbury at Junction 11 studiosLe même soir, les plus anciens d’entre nous se réjouissent de retrouver Ride sur la scène de la Route du Rock. Bien que restant un tantinet circonspect sur le principe même de la reformation (d’autant plus sans nouveaux titres à l’appui), l’exemple de Slowdive l’an dernier (l’un des meilleurs concerts de la 24ème édition du festival) tend à nous faire espérer le meilleur pour le concert des quatre d’Oxford. D’autant que leur prestation récente au Primavera notamment a eu l’air de satisfaire pas mal de monde.

Néanmoins, pour ceux qui avaient moins de 15 ans dans les nineties, un petit rappel s’impose. Formé à la toute fin des années 80, Ride est le groupe de deux chanteurs guitaristes (Mark Gardener et Andy Bell, les deux compositeurs également) de pas encore 20 ans rejoints par Lawrence Colbert à la batterie et Steven Queralt à la basse. Après des débuts marqués par des concerts locaux et une première cassette démo, le groupe enregistre trois premiers eps, Ride, Play et Fall sur Creation Records (les deux premiers eps servant de matière à la compilation Smile -US 1990/ Uk 1992) en 90 et joue deux Peel Sessions la même année. Un premier long format, le fameux album avec la vague (Nowhere, 1990), voit également le jour dans le même temps et rencontre immédiatement succès public et critique.

Ride-BW-portrait-460x319Tournées internationales, 11ème place dans les charts britanniques attendent des gamins qui, comme le raconte la petite histoire, jouent tranquillement avec leurs jeux vidéo backstage avant de monter sur scène, planqués derrière leurs cheveux. Ride se défend alors de faire du shoegaze, mais le mur de sons qu’ils créent à l’aide de leurs guitares les rangera immédiatement du côté de My Bloody Valentine, ne leur en déplaise. Si vous ajoutez à cela, un beau talent pour trousser des chansons à l’anglaise, ciselées avec subtilité (les guitares peuvent aussi être cristallines), et un bel équilibre trouvé entre noise et pop avec des chœurs à l’unisson sur des murs de guitares (d’où la noisy pop justement), vous aurez une petite idée de ce qui a pu séduire les plus anciens d’entre nous. Leur second album Going Blank Again (1992) se révèle alors tout aussi hautement recommandable et est porteur de l’hymne Leave them all behind, qui s’impose easy dans les charts malgré ses huit minutes. Un live de cette époque Live at Reading Festival 1992 sera également disponible. Bon, la suite sera bien moins concluante, entre bataille d’egos sûrement exacerbées par le jeune âge des musiciens et virage brit pop mal amorcé, voire désastreux. Les deux albums suivants (Carnival of light 1994- et Tarantula -1996-) se révélant au mieux juste pénibles.

Le concert de Ride à la Route du Rock devrait sans aucun doute tenir toutes ses promesses : une chouette madeleine nineties pour les plus vieux d’entre nous, une découverte qui pourrait faire mouche chez les plus jeunes.

Foals - photo presse RDR 2015On continue avec Foals, autrement dit avec ceux qu’une grande partie du public accueillera comme des héros, puisqu’au pied levé le quintet d’Oxford a accepté de venir remplacer Björk suite à l’annulation du concert de l’Islandaise. Déjà venus en 2008 et 2010 pour deux prestations à l’énergie débordante qui avaient tout bonnement ravi les festivaliers (notamment en 2010), Foals viendra présenter en avance son quatrième album, attendu pour la fin août (le 28 exactement) What Went Down. Au vu de l’enthousiasme suscité par la sortie de ce quatrième long format, attendu avec une immense impatience par un grand nombre d’indie kids, beaucoup devraient se retrouver dans la programmation des Britanniques ce samedi. Il faut dire que la bande menée par le chanteur/guitariste Yannis Philippakis a derrière elle trois albums particulièrement plébiscités par le public et une partie de la critique.

Découverts grâce à une poignée de singles et un premier album produit par Dave Sitek (TV on the Radio) -mais mixé par le groupe lui-même- Antidotes en 2008, Foals (guitares, basse, batterie, claviers) s’est imposé à l’aide d’une musique particulièrement rythmique et galopante, préférant les zigzags et les riffs vifs et hypnotiques en bas du manche, empilant les couches, entrechoquant les rythmiques euphorisantes avec un soupçon d’afro-beat. Avec Total Life Forever (2010, produit cette fois par Luke Smith), puis Holy Fire (2013), produit par le duo Flood et Alan Moulder, le quintet a continué sur la même voie frénétique, continuant de relancer ses structures à l’aide de guet-apens rythmiques, voire de savantes montées (le tube Spanish Sahara), débouchant quasi constamment sur des titres immensément dansants. Pour ce nouvel album, enregistré en Provence dans le même studio où Nick Cave mit sur bandes le splendide Push the Sky away, Foals a choisi le producteur James Ford (Klaxons, Artic Monkeys, Simian Mobile Disco) et semble y avoir composé de manière plus brute, plus directe si l’on en juge par les trois premiers titres dévoilés, notamment What Went Down. Tout un chacun espère en tout cas en découvrir davantage sur la scène de la Route du Rock.

Father John Misty photo presse RDR 2015Les amateurs de pop luxuriante immédiatement addictive (nous en sommes) pourront se réjouir de retrouver Father John Misty sur la même scène le dimanche. Auteur d’un flamboyant I love you, Honeybear (Bella Union, 2015), inspiré par le bonheur amoureux (ça change !), Josh Tillman de son vrai nom s’était plutôt fait connaître comme le chantre particulièrement inspiré d’une folk lente et épurée, marquée par l’âpreté du blues (assez proche d’un Iron & Wine décharné en quelque sorte) ainsi qu’un temps (entre 2008 et 2012) comme le batteur des Fleet Foxes. Jusqu’à ce que le trentenaire à l’insolent sens mélodique décide d’enfiler une nouvelle peau : « Je suis finalement arrivé à ça, à ce nom ridicule qui permet toutes les fantaisies, y compris celle d’être sérieux. C’est paradoxalement à l’époque où je publiais des disques sous le nom de J. Tillman que j’avais le plus l’impression de jouer un personnage qui m’était étranger » confiait le musicien aux Inrocks ().

Aussi ne s’interdit-il plus la démesure, les arrangements brillants et flamboyants (des trompettes et rythmiques un poil mariachi de Château Lobby #4 aux cordes d’I love you, Honeybear ou Strange Encounter, en passant par les chœurs soul de When you’re smiling and Astrid me) flirte avec les seventies (avec même parfois un chant à la Fred Neil, immense) mais continue pour autant toujours à tomber juste. Incroyablement juste même. Un album initial (Fear Fun, 2012) donnait un premier aperçu de la métamorphose de J. Tillman en Father John Misty, notamment dans sa nouvelle approche du chant, désormais plein. I love you, Honeybear enfonce le clou et définit incontestablement l’Américain comme un songwriter à suivre.

TimberTimbre1-Photo presse RDRTout comme Father John Misty, Timber Timbre est allé faire un tour du côté du mythique Laurel Canyon pour trouver l’inspiration de son nouvel album, le troisième depuis qu’on connaît les Canadiens (mais le cinquième en réalité, Timber Timbre ayant sorti deux albums autoproduits en 2005 et 2007). Hot Dreams (2014) voit revenir Taylor Kirk, non plus seul, mais partageant la composition avec Simon Trottier (et aussi Colin Stetson l’immense, au saxophone) pour un album tout aussi tendu, mais gagnant en densité et en lumière. Un peu comme si la musique cinématographique de Timber Timbre, jusque là film de rockabilly décharné fantomatique en noir et blanc échappé des 50’s, avait découvert les couleurs, non pas chatoyantes de la pop, mais profondes et mordorées des seventies (basses kraut à la Beak/Portishead, développements de bo à la John Barry, soul lente et sensuelle…).

Avant cela, c’est un peu contre toute attente que critique et public se sont entichés de Timbre Timbre, attendant le troisième disque du groupe, Timber Timbre (2009) -et même quasi un an et demi après sa sortie- pour l’adouber comme la nouvelle révélation. Mieux vaut tard que jamais. D’autant que ces huit titres méritent bien toutes les attentions. Folk songs dépouillées marquées par la voix de velours de Taylor Kirk, et par des arrangements particulièrement subtils (quelques cordes, cuivres et chœurs), ces chansons sonnent finalement comme du folk déviant. Parce qu’en dépit d’une instrumentation essentiellement acoustique, les morceaux de Timber Timbre sentent la poudre et le soufre. Aussi Creep On, Creepin’ On (2011) continuera dans cette veine, conviant cette fois la violoniste Mika Posen et Simon Trottier donc (pedal-steel entre autre), sur des titres peut-être un poil plus enlevés rythmiquement, mais qui sonnent plutôt comme du doo-wop tordu et souffreteux. Avant donc, ce dernier album particulièrement dense et abouti que Timber Timbre défendra sur la scène de la Route du Rock le vendredi. Vivement.

Kiasmos - photo presse - RDR 2015Dans une veine toute différente, on retrouvera le projet Kiasmos le samedi sur la scène du Fort. Duo composé du prolifique islandais Olafur Arnalds (compositeur de bo, collaborateur occasionnel de Nils Frahm, auteur d’album solo mêlant piano, cordes et sons électroniques) et de Janus Rassmussen (originaire des Iles Féroé), Kiasmos est conçu comme la rencontre des univers des deux musiciens : cordes, nappes électroniques, piano acoustique et pulsation techno/deep house. Kiasmos (chiasme, en français : la figure de style associe deux termes en les croisant, sans qu’ils aient nécessairement un rapport de sens ; elle sert à mettre en avant soit une antithèse, soit un parallélisme), comme son nom l’indique, aime jouer sur les oppositions, les contrastes apparents, comme celui entre musique classique et électronique. Après plusieurs années à faire de la musique sans penser à en faire un disque, les deux amis ont finalement donné naissance à un premier album sorti sur le label de Nils Frahm (Kiasmos, 2014, Erased Tapes). On y retrouve huit titres souvent aériens, mêlant la délicatesse d’une ambient organique à de subtils clicks(‘n cuts), le tout étant directement relié au sol (et donc à la danse) par un pied techno, voire une basse vrillée (Swayed, Bent). Sur disque, la musique du duo est plaisante (on écoute cela dit un peu trop de musiques de ce type pour être complètement convaincu) mais devrait très certainement prendre toute son épaisseur en live.

Thurston-Moore Band - photo presse RDR 2015Pour finir, le vendredi, on aura le bonheur ineffable de retrouver The Thurston Moore Band, c’est à dire Thurston Moore sans Kim Gordon, sans Lee Ranaldo (arrivera-t-on à s’en remettre) mais avec quand même Steve Shelley (batteur de la jeunesse sonique) plus Debbie Googe à la basse (My Bloody Valentine) et James Sedwards à la seconde guitare (musicien anglais talentueux, qui à 16 ans avait réussi à passer backstage pour tailler la bavette avec Sonic Youth à Reading en 1991, sans se douter qu’il jouerait un jour avec Thurston Moore). Or Sonic Youth a toujours été la somme d’individualités fortes : chacun des projets de ses membres (pré-ou post-séparation, musical ou extra-musical, collaboration ou solo ) recelant toujours un réel intérêt.

The Best Day (2014, Matador) sous le nom de The Thurston Moore Band, arrive donc après l’album de Chelsea Light Moving (2013) enregistré par Thurston Moore avec un backing band tournant dans les sous-sols new yorkais et l’exercice solo Demolished Thoughts (2011), marqué par une instrumentation acoustique (harpe, violon, guitare sèche) et la production de Beck. Commençant par des harmoniques à la guitare tout en résonances aériennes, Speak to the wild, qui ouvre The Best Day, rebranche à nouveau l’électricité progressant d’entrelacs de guitares en profondes et sourdes détonations noise durant huit minutes, sans jamais oublier d’être mélodique. The Best Day sera à son image : mélodies vrillées, duels/dialogues de guitares entre hypnose et intensité sonique, jolies trouvailles planquées de ci, de là (12 cordes ? pour Tape, contrepoint de guitare country sur The Best Day) et surtout tripotée de bonnes chansons à passer en boucle sur la platine. Celles-ci risquant d’autant plus d’être magnifiées en live par la bande de l’éternel magicien Moore. On a hâte.

Et si on se tournait vers les Remparts ?

Cette année, les organisateurs l’ont promis : les embouteillages autour de la scène des Remparts et cette impression de s’y retrouver comme en plein milieu de La Guerre des Mondes seront résolus (si on pouvait aussi faire quelque chose pour le son, cette année, ce serait parfait). Si on restait en effet un peu circonspect sur le manque d’anticipation des difficultés de circulation et d’accès à la scène les années passées -même s’il y avait du mieux- la nouvelle disposition à l’autre extrémité du Fort, face à la grande scène, nous semble sur le papier bien plus à même de permettre au plus grand nombre de profiter des concerts qui s’y déroulent de la meilleure des manières. Et c’est tant mieux puisque cette année encore, pour rythmer non seulement l’arrivée des festivaliers mais aussi les petits coups de mous de la soirée, ce sont 9 groupes qui se donneront le tour.

Wand - Photo presse copyright Justin TenneyLe vendredi, c’est Wand, protégés et potes du prince du garage Ty Segall, (venus également de Californie, mais de Los Angeles pour leur part) qui auront le redoutable honneur d’ouvrir le festival. Après un premier album plutôt réussi, Ganglion Reef -2014, Drag City/God ? autrement dit le label de Ty Segall- un poil plus psyché, les quatre garçons ont remis le couvert cette année avec la sortie d’un 9 titres plutôt bien ficelé, qui racle bien plus profond. L’esprit garage psyché est toujours là, avec une touche de glam dissimulée ici et là par des couches de fuzz bien crades, mais l’ensemble sonne plus heavy que leur précédent effort. Pourtant, les Américains n’ont rien perdu de leur sens mélodique et ponctuent leurs riffs sauvages par des passages plus calmes, avec un bel équilibre trouvé sur la longueur entre déluge sonique et fulgurance mélodique. Les amateurs du blondinet Segall (nous en sommes) devraient apprécier, d’autant que le groupe enchaînant les dates à un rythme stakhanoviste, la bande à Cory Hanson est plutôt sacrément rôdée pour la scène.

Algiers photo pressePlus tard dans la soirée c’est le trio américain (peut être avec un batteur en plus pour le live ?) Algiers qui prendra place sous les Remparts. Venus d’Atlanta, les membres d’Algiers vivent désormais entre Londres et New York et ont signé la sortie d’un premier album (Algiers, juin 2015) sur Matador. On y découvre 11 titres qui mêlent ensemble la lourdeur glacée d’un post punk nihiliste et la fièvre viscérale du gospel, pour un album éminemment référencé et engagé (des droits civiques aux dérives politico-sociales actuelles). Le groupe n’hésitant pas à citer dans un pêle-mêle désordonné Susan Sonntag, Lydia Lunch, les Black Panthers, Minor Threat, Nina Simone, Paris Texas, Einstürzende Neubauten, Pharoah Sanders ou Alejandro Jodorowsky côte à côte.

Aux côtés du bassiste Ryan Mahan et du guitariste Lee Tesche, le chanteur et guitariste Franklin James Ficher rappelle bien sûr l’engagement vocal et les chœurs habités de Tv on the Radio, le groupe semblant partager la même ferveur que la bande de Tunde Adebimpe, Kyp Malone et Dave Sitek. Mais évoque aussi (et c’est plus étonnant) les fulgurances habitées des premiers Nick Cave (dans une moindre mesure bien sûr). On est un peu moins fan du pas de côté plus EBM que Bambaata-esque d’Irony. Utility. Pretext (le titre préféré de beaucoup pourtant), mais on se montre plutôt convaincu par le premier album du trio. Untilted clôturant l’album nous filant même des frissons et les yeux humides à chaque écoute. On attend donc avec impatience de voir ces garçons en live, les fulgurances incantatoires et habitées du trio risquant encore de gagner de l’ampleur face au public.

Le même soir, pour donner un coup de fouet au Fort après Timber Timbre en attendant Rone et Ratatat, c’est le quatuor irlandais Girl Band qui essorera le public du festival en 1000 tours/minute : des guitares carrées des mâchoires, des machines monstrueuses, des voix scandées avec une morgue toute britannique, des dissonances qui débouchent la tuyauterie auditive et un chanteur qui hurle comme si le rouleau compresseur musical de ses comparses s’était arrêté sur ses orteils. Bref, le quatuor masculin (ne vous laissez pas abuser par son patronyme) risque bien de puncher fort direct dans nos gencives et qui sait, dévoiler quelques titres de son premier album Holding Hands with Jamie prévu pour septembre chez Rough Trade Records. Néanmoins si on en croit leur récent 5 titres The Early Years (2015, sur Rough Trade), les bougres ont déjà de quoi nous remuer les sangs. Entre punk, rave et noise, ces iconoclastes britanniques pourraient bien mettre le Fort à feu et à sang.

Only real RDR 2015 - photo presseUne fois reposés de la première nuit au Fort, vous pourrez revenir le lendemain (le samedi donc) pour une ouverture un brin slacker/lo-fi à savourer une boisson houblonnée à la main dans le soleil de la fin d’après-midi avec le Londonien Only Real. Un son de guitare aussi cheap que l’ami DeMarco, une nonchalance à peine moins marquée pour des chansons à l’air bricolées, mêlant dans le même cocktail coloré, nuances surf pop ensoleillées, slacker pop, et diction hip hop sur certains titres. Bref, de la musique sans prise de tête, déclinée en 12 titres sur un premier album frais et décontracté Jerk at the End of the line (Emi, 2015). Un coup d’œil à sa pochette rose sur laquelle le minot pose en chemise hawaïenne au motif d’ananas donne le ton d’une ouverture de soirée à la cool.

Hinds - RDR 2015 - photo pressePlus tard, à peine moins lo-fi, les Madrilènes de Hinds (feu Deers) auront la redoutable tache d’assurer derrière les Foals qui remplacent Björk au pied levé. La tâche risque d’être un peu ardue pour un si jeune groupe qui n’a qu’une poignée de titres derrière lui et en est encore à la préparation de son premier album (sur Burger Records). Guitares (2), basse, batterie et une pop lo-fi immédiatement accessible permettront cependant néanmoins on l’espère aux quatre miss de faire dodeliner les têtes des festivaliers séduit par leur fraîcheur juvénile avant le grand raout plein de noirceur des Soft Moon.

SPectres - RDR2015 - photo presseAprès la légèreté des deux premiers groupes de la soirée, la scène des Remparts deviendra l’inquiétant théâtre des Spectres de Bristol et de leur brouillard électrique et sonique. Mené par Joe Hatt (chant / guitare), Adrian Dutt (guitare), Darren Frost (basse), Andy Came (batterie) le quatuor britannique fait dans la shoegaze brumeuse et les guitares qui lacèrent l’ombre. Bruitiste, noise, le premier album des Britanniques, le bien nommé Dying (Sonic Cathedral, 2015), de fort bonne facture, fait plus dans le cocktail au napalm que dans la surf pop. Sur This Purgatory, on se croirait même poursuivi par une horde de revenants, les guitares hésitant entre hurlements et gémissements. Bigre !

the_districts_ photo presse - RDR 2015Le dimanche, on a hâte de découvrir la pop-rock racée d’un quatuor venu de Pennsylvanie, The Districts. Auteurs d’un premier album de pop énergique sorti chez Fat Possum, A flourish and a spoil, qui n’est pas sans rappeler (désolés, nous ne serons pas originaux) les feux Walkmen (peut-être à cause de cette voix un tantinet écorchée, ou de ces rythmiques qui s’emballent), les quatre minots (ils sont nés en 1995) n’ont pas grand chose à envier à leurs aînés. Plus inspirés par le blues que par la pop, The Districts en apprécie avant tout la sincérité et l’énergie qui l’habitent. Aussi se retrouvent-ils particulièrement dans l’exercice live où la fougue et la sincérité peuvent primer, quitte à tout lâcher sur scène et à jouer comme si leur vie en dépendait.

Viet Cong RDR 2015 - photo presse copyright David WaltmanOn est tout aussi impatient de retrouver plus tard sur la même scène un quatuor canadien qu’on attend avec ferveur. Pour la petite histoire, on était tombé amoureux du précédent groupe de certains de ses membres à la collection hiver de la Route du Rock il doit y avoir 6 ans. On avait acheté le disque le soir-même et le groupe était devenu l’un de nos favoris. Women (puisque c’est d’eux qu’il s’agit) avait sorti deux disques tout bonnement excellents (Women en 2008 puis Public Strain en 2010 – Flemish Eye / Jagjaguwar), puis s’en était allé comme il était venu : split en 2010 (2011 officiellement ?), décès de l’un de leur deux guitaristes Christopher Reimer en 2012. Une fin bien sombre.

A la suite de ces tristes événements, le bassiste Matt Flegel décide de remonter une nouvelle formation avec Scott Munro (lui aussi guitariste live de Chad VanGaalen), appelant en renfort l’ancien batteur des Women, Mike Wallace, et un nouveau guitariste Daniel Christiansen. Ils sortent un premier ep sous forme de cassette auto-produite qui n’a pas encore complètement à voir avec ce que Viet Cong va devenir par la suite, mais qui leur permet d’expérimenter un peu tous azimuts et de suivre des pistes radicalement différentes (en mêlant par exemple dans un même titre pop sixties et drone noisy). En décembre 2014, après une tournée de 50 dates aux États-Unis dans de petites salles (et souvent devant pas grand monde), Viet Cong s’enferme dans un studio de la campagne de l’Ontario et en moins d’une semaine couche sur la bande ce qui va devenir son premier album (Viet Cong, Jagjaguwar, 2015). Guitares claires tissées en rang serrés, suivies de déflagrations noisy sur une basse résolument post punk, bifurquant sur des virages mélodiques et des répétitions obsédantes font mouche sur 9 titres à l’urgence ramassée. Autrement dit un album concassé, glauque et sombre, soudain éclairé par des stridences aveuglantes qui squatte tout aussi insolemment nos platines depuis sa sortie. On attend donc d’eux (on l’espère tout au moins) un grand concert ravagé, plein de bruit et de fureur, à l’image de notre addiction à la musique de ces gaillards de Calgary.

Pour finir de propulser le Fort sur le dancefloor en dernière partie de soirée après le grand Dan Deacon, c’est The Juan MacLean qui chauffera la scène. On ne présentera pas le New Yorkais aux fans de DFA (LCD soundsystem, The Rapture) de la première heure qui l’ont très certainement découvert aux côtés de ses compagnons de label. Nancy Whang qui accompagne d’ailleurs John MacLean jouait par exemple avec LCD Soundsystem.

The juan MacLean - RDR 2015 - photo pressePour notre part, on a de très vieux souvenirs de The Juan MacLean, aux Transmusicales en 2002 -le 7 décembre 2002 plus exactement- la nuit suivant la prestation de LCD Soundsystem justement. Depuis, trois albums (si on a bien compté) : Less than human en 2005, The Future will Come en 2009 et le plus récent In a Dream (2014), une compil pour DJ Kicks (mais aussi des remixes, un album uniquement numérique en 2011, …) et toujours ce même amour pour une électro qui se veut paradoxalement sexy et robotique, à grands renforts de new wave glacée. On n’est pas les plus grands fans du projet mais on ne doute pas que la disco house du duo devrait s’attirer les faveurs de pas mal de festivaliers.

La nuit sur le Dance-Fort

Si certains s’étonnent encore (!) qu’un festival indie-rock propose une programmation électro (notamment pour réchauffer les festivaliers lorsque la fraîcheur nocturne tombe sur le Fort), la majorité du public en redemande. En plus des groupes dont nous avons déjà parlé, on retrouvera ainsi six groupes ou artistes destinés à propulser tout le monde sur le Dance-Fort.

Daniel Avery - photo presse - RDR 2015 - copyright GullickDaniel Avery devrait sans peine faire danser tongs ou cirés dès les premières heures du matin le samedi (enfin on sera le dimanche, mais on va pas chipoter) avec son électro racée et efficace. Émission mensuelle sur Rinse FM, dj résident de la Fabric londonienne, producteur d’un premier album Drone Logic partout acclamé (Phantasy Sound, 2013, le label d’Erol Alkan), Daniel Avery s’impose comme un dj/producteur qui compte sur la scène techno. Marqué par Erol Alkan, Ivan Smagghe, James Holden, et bien sûr Andrew Weatherall qui l’adoube « dj à suivre en 2012 » Daniel Avery partage avec ses aînés la volonté de toujours établir des ponts, que ce soit entre le rock et la techno, les productions actuelles et un certain amour pour l’électronique classieuse, de l’acid à la techno. Passé maître dans l’art de diriger les foules à l’aide de simples galettes, Daniel Avery devrait sans peine retourner la foule malouine.

On attend encore davantage du formidable Rone, qui album après album, confirme que le futur de la musique électronique passe par ce bonhomme-là. On se souvient d’ailleurs d’un superbe live juste avant la sortie de Tohu Bohu à l’Antipode pour Cultures Electroni[k] en 2012, mené par le garçon avec un doigté de velours. Des montées sans déballer l’artillerie lourde, des vrais basses techno qui tabassent alliées à une electronica soyeuse en arrière plan, légère et aérienne pour un résultat aussi efficace que subtil.

Rone - photo Caro Alter1foLe producteur repéré par Agoria sur la compilation At the Controls (2007) avait logiquement signé sur Infiné pour un premier maxi, Bora (2008), mélange de techno minimale et d’electronica soyeuse (un peu de Border Community, un peu de Dial… et surtout beaucoup de Rone). Ce premier essai réussi avait débouché sur la sortie d’un premier album, Spanish Breakfast (avril 2009) résolument contrasté, tour à tour lunaire, jovial, mélancolique, calme ou dancefloor (« A l’image de la vie » , selon son auteur) qui a rencontré un vrai succès critique et public.

Un maxi plus tard, So So So, belle tuerie dancefloor précède Tohu Bohu qui s’attire à son tour les éloges d’un public de plus en plus nombreux et qui place le producteur comme l’une des têtes chercheuses les plus intéressantes de l’électro. Là encore la fluidité de Rone dans les enchaînements ainsi que sa faculté à toujours jouer sur les reliefs avec nuances font mouche. La sortie de Créatures en 2015 ne fera qu’enfoncer le clou. Le disque est une réussite de bout en bout. A la fois encore plus intime et personnel, tout en étant ouvert à de nombreuses collaborations (Bryce Dessner des National, Bachar Mar-Khalifé, Etienne Daho, François Marry sans ses Atlas Mountains ou l’essentiel violoncelliste Gaspar Claus pour un sublime Freaks), Creatures fait montre d’une maîtrise des reliefs, des climats et des climax tout bonnement impressionnant. Bref après l’avoir raté aux dernières Transmusicales, on se réjouit de la session de rattrapage que nous offre la Route du Rock.

Lindstrom - Photo presse RDR 2015 - copyright Lin StensrudLe Norvégien Hans-Peter Lindstrøm enchaînera ensuite pour emmener le public du Fort jusqu’aux plus noires heures du matin, mais en les transformant, on en est sûr en nuit polaire où le soleil semble encore briller de mille feux. Car l’électro hédoniste du producteur en a fait l’une des figures emblématiques du space disco (I feel space, vous vous souvenez ?), notamment aux côtés de son comparse Prins Thomas avec lequel il a maintes et maintes fois travaillé (on pense par exemple à l’album Lindstrøm & Prins Thomas sorti en 2005). Basses profondes, tempo ralenti et sexy, disco raclée jusqu’à l’os pour mieux la parer d’ambiances ouatées et lumineuses, la musique de Lindstrøm est d’une efficacité particulièrement redoutable et risque bien de filer la banane à un Fort ondulant les hanches.

Ratatat - photo presse RDR 2015 - copyright Asger CarlsenLe duo New Yorkais Ratatat est attendu par beaucoup. Il faut dire que Mike Stroud et Evan Mast ont mis cinq ans pour donner naissance au successeur de leur quatrième album LP4. Or depuis Ratatat en 2004 mais surtout Classics en 2006, la fan base du duo de Brooklyn n’a cessé d’épaissir. La sortie de Magnifique (2015, Because) était donc guettée par une tripotée d’aficionados du duo mêlant riffs de guitares tantôt funky, groovy ou seventies (entre prog et classic rock… on a failli écrire pénibles) et machines un poil boostées. On reste pour notre part totalement hermétique au génie et à l’inventivité partout mentionnées du duo, trouvant même le paquet bien plus rétro que futuriste, si ce n’est un tantinet boursoufflé. Bref, Ratatat ne fera pas notre bonheur, mais devrait (et on est ravi pour eux) sans peine faire lever les bras de l’immense majorité du Fort vendredi soir et c’est tant mieux.

2011-08-RROCK-ITW-DAN_DEACON-alter1foPour tout vous dire, on risque d’être beaucoup plus touché par l’essentiel Dan Deacon le lendemain. Tout un chacun se souvient de la prestation du trublion de Baltimore pendant laquelle il avait mis une pagaille bigarrée et furieuse dans le Fort Saint-Père pour l’édition 2011. On s’était retrouvé à poser les mains sur les têtes de nos voisins, à partager des moments étonnants le sourire aux lèvres au son des facéties de ce généreux diable. Bien campé à sa table couverte des engins les plus improbables, Dan Deacon délivre des décharges soniques acidulées et cartoonesques transformant instantanément la foule en zébulons sous gurozan. Sa dernière livraison en date (Gliss Riffer, Domino -2015) se révèle tout autant bigarrée et jubilatoire. Et puis un garçon qui met dans l’onglet « news » de son website le mail d’un détracteur nous le rend foncièrement sympathique. Bref, Dan Deacon est un garçon aussi adorable que sa musique est frénétique et vrillée de toute part et on est ravi de le retrouver.

Dan deacon email - capture website Dan Deacon

Pour conclure le festival le dimanche, le dancefloor deviendra moite et funky avec le concert de Jungle. Duo de jeunes producteurs en studio, transformé en collectif de 7 membres pour les prestations live, Jungle mêle ensemble rythmiques funky, groove des machines, soul et électronique. Auteurs d’un premier album sorti en 2014 sur Xl Recordings (Jungle), les Londoniens devraient eux aussi sans peine faire grimper la température du Fort de plusieurs degrés.

Magnetic friends 3Eux aussi au Fort, les djs des Magnetic Friends auront également une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance entre les concerts. Et comme à leur habitude, ils devraient sortir de leurs besaces une tripotée de titres pour danser dans la boue, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son voisin (parfois inconnu quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Comment ? Vous avez dit « chenille  » ?

Conférence, expo et cinéma

Christophe Brault - photo Caro alter1foSi vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils, vous aurez tout de même une belle alternative dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le samedi 15 août dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur RCR) qui se chargera de retracer en deux heures (avec la fougue qu’on lui connaît) le parcours de l’Islandaise qui a mis l’île nordique sur le globe des musiques actuelles pour un paquet de mélomanes (oui, Björk), mais qui en profitera également pour nous mettre au parfum sur les différentes saveurs givrées du rock islandais. Bon enfin, peut-être qu’après l’annulation inattendue de l’Islandaise, le programme sera redéfini. EDIT : LE SUJET DE LA CONFÉRENCE DE CHRISTOPHE BRAULT NE SERA PLUS LE ROCK ISLANDAIS MAIS LES FILLES DANS LE ROCK. 

Route du Rock 2011 - photo Caro Alter1foC’est également Björk (décidément) qui sera à l’honneur au cinéma quelques jours avant le début du festival puisque le Vauban se proposera de diffuser le (mélo)drame (larmoyant) de Lars Von Trier Dancer in the Dark, sorti en 2000 le mercedi 12 août à 21h30. Le rôle valut à l’artiste islandaise le prix d’interprétation à Cannes pour son incarnation déchirante d’une mère célibataire immigrée atteinte de cécité dans une Amérique sixties misérable. Son amour des comédies musicales ne servant aucunement d’échappatoire à une fin des plus tragiques. Les plus sensibles d’entre nous ont pleuré du début à la fin de la projection en se promettant de ne jamais le revoir. Sous aucun prétexte. Avis aux amateurs de kleenex, donc. Et là encore, tout ça, c’est si l’équipe du festival souhaite conserver cette programmation. EDIT : SUITE A L’ANNULATION DU CONCERT DE BJORK, LA PROJECTION AU VAUBAN EST ANNULÉE.

Pour finir, une expo (rien à voir avec Björk cette fois-ci, ouf) du photographe Richard Bellia sera visible sur le chemin menant de l’accueil du festival jusqu’à l’entrée du Fort. D’Henri Rollins (avec des cheveux !) à Patti Smith en passant par Blur, Shellac, The Clash, My Bloody Valentine, Nirvana, Sexy Sushi, James Brown, Bashung, Nick Cave, X, Bowie, Nirvana, Christophe Brault (avec des cheveux aussi), Ride, Fela, Laetitia Shériff, Ty Segall (et on en passe des centaines) : Richard Bellia les a tous photographiés. Et pour cause, ce gentilhomme de l’argentique est l’un des grands du métier et arpente, depuis les années 80, les salles de concert, les festivals ou autres pubs londoniens pour prendre ses clichés, le plus souvent en noir et blanc. Grand habitué du plus malouin des festivals, Richard Bellia proposera donc une vingtaine d’images prises à la Route du Rock pour une expo qui devrait nous rappeler pas mal de chouettes souvenirs. A voir absolument.

Pour les sportifs (pas nous)

Copyright @faulkner3 • Instagram - Plage de St MaloCopacabana, le Maracana, c’est un peu ce que deviendra la plage de l’éventail le dimanche de 13h à 17h pour la neuvième édition de Foot / Sport is not dead sur le sable malouin.

Mais pas que puisque vous pourrez également participer à à des rencontres de Beach Rugby ou à un tournoi de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?).

Et le tout bien évidemment aux sons des artistes du festival !


1/ Malheureusement pas que… si l’on en croit d’effarants commentaires sur la page facebook du festival.

La Route du Rock Collection Eté 2015 aura lieu du jeudi 13 août au dimanche 16 août.

Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/


Laisser un commentaire

* Champs obligatoires