Route du Rock 2013 : Le Cave se rebiffe

Cette édition 2013 de la Route du Rock s’est ouverte jeudi 15 août sur une première très belle soirée aux plaisirs variés, voire diamétralement opposés. De la classe folle de Nick Cave aux vertiges tribaux d’Electric Electric, il y en avait pour tous les goûts.

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Nous sommes un jour férié, un soleil radieux inonde le fort Saint-Père et il y a déjà bien de belles files d’attente aux jetons boissons dès l’ouverture des portes. Trois raisons d’aborder cette soirée sous les meilleures auspices. Nous découvrons rapidement la nouvelle scène des remparts. On se dit : « Chic, elle est vraiment plus grande et plus haute. » Mais aussi « Ouille, elle a le soleil dans le dos. » Et encore « Aïe, l’espace devant la scène n’est vraiment pas bien vaste et ça va être World War Z quand tout le Fort va s’y précipiter ! ». On en rajoute un peu, mais on n’est pas si loin de ce qui va se passer.

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On s’en veut un peu de ne pas avoir trouvé moyen d’aller se faufiler jusqu’à la plage du Bon-secours pour y voir nos chouchous d’Orval Carlos Sibélius. Pas longtemps, puisque Jacco Gardner va rapidement nous en consoler. La pop raffinée et gentiment psychédélique du jeune prodige Hollandais va s’avérer la friandise parfaite pour ouvrir le festin. Avec son petit look de Thurston Moore en marinière, le jeune homme timidement planqué derrière des lunettes de soleil et ses trois compagnons de jeu vont livrer une prestation enjouée et très charmeuse. Une musique aérienne et limpide, joliment brodée à partir d’harmonies vocales aériennes et d’arpèges gracieux de guitares ou de clavecin. Le genre de set qui file à tout le monde le sourire d’emblée.

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On nous avait promis du teigneux et du saignant, on se rapproche donc au plus près pour le quatuor danois Iceage. Premier constat : ils sont vraiment très très jeunes. Second constat : le chanteur Elias Bender Rønnenfelt est vraiment très très beau. Troisième constat : ils ont beau jouer très très fort, ça ne décollera jamais vraiment. On aurait vraiment aimé être balayé par leur punk volcanique mais cela reste très brouillon et répétitif malgré la brièveté du set. On aurait aimé tomber sous le charme ténébreux du chanteur mais ses gestuelles trop appliquées (un chouïa d’Iggy Pop, une grande louchée de David Bowie) nous gâchent le plaisir. Une déception donc.

Pour vous faire votre idée, retrouvez la captation vidéo du concert d’IceAge sur Arteliveweb.

Moon Duo

Pour cause de retrouvailles avec des gens qu’on aime, on arrive un poil tard pour les Californiens de Moon Duo. On est donc très mal placé, on bavasse beaucoup, mais ce qui passe sur la scène des remparts finit par nous attirer irrémédiablement. On constate avec beaucoup de plaisir que Moon Duo est sur scène un trio. Il y a bien Eric Johnson, échappé de Wooden Shjips, à la guitare et au chant, sa compagne Sanae Yamada aux claviers mais la boîte à rythme des albums est remplacée par un monstrueux batteur à la frappe surpuissante et infaillible. Ce judicieux ajout propulse leur rock hypnotique vers des sommets hallucinés. Leurs longs morceaux têtus comme un troupeau de mules se révèlent d’une efficacité redoutable et le public se laisse emporter avec délice dans les tourbillons de la répétition mâtinés de soli de guitares vaporeux. Un très bon moment de vertiges psychédéliques idéalement placé dans la soirée.

Local Natives

Local Natives par Isa :

Les Local Natives entament leur set avec un titre de leur premier album World News (Gorilla Manor 2009) qui donne très vite la couleur: guitares claires et sautillantes, rythmiques bondissantes, morceaux construits sur une alternance d’accalmies et d’emballements successifs et surtout des voix qui harmonisent. Car sur les cinq Local Natives sur scène, quatre chantent. Placés tous sur la même ligne, avec seulement le batteur en retrait, guitariste rythmique (tout à gauche), guitariste et chanteur lead (Taylor Rice avec la moustache), bassiste (qui prendra occasionnellement les claviers) tout à droite et claviériste-chanteur qui à l’aide d’un tom de batterie et d’une cymbale complexifie avec brio les structures rythmiques de son batteur, les quatre harmonisent avec un talent certain (jouer d’un instrument en chantant c’est une chose, jouer d’un instrument en harmonisant avec quatre autres voix, c’en est une autre !). Notamment sur une intro de Warning Sign (la cover des Talking Heads) a cappella qui résonne dans le Fort dans un silence palpable avant une explosion rythmée et bondissante. Alors bien sûr, le groupe perd en live la perfection de sa production millimétrée sur albums, mais gagne en fragilité. Une dédicace à la Blogothèque et à leur « famille française » plus tard, les tubes You & I ou Airplanes enchaînés font bondir et frémir le public du Fort, conquis. Rythmiquement intéressants, vocalement émouvants, les Local Natives auront au final livré une chouette prestation.

Tombez vous aussi sous le charme avec la vidéo du concert de Local natives sur Arteliveweb.

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Nick Cave & The Bad Seeds par Yann :

Le dernier album de Nick Cave & The Bad Seeds, Push The Sky Away, est étonnamment calme, beaucoup plus lent que les précédents, et largement nourri de cordes et de chœurs aériens. Le fougueux Australien se serait-il assagi ? Ce dernier et ses Mauvaises Graines déboulent sur scène, le pas décidé, dans de classieux costards ajustés. Il débutent par We No Who U R, qui ouvre l’album, mais enchainent rapidement avec le formidable Jubilee Street. A l’image de l’album, le titre monte en puissance, les guitares remplaçant l’orchestre à cordes : mais sur scène le groupe accélère subitement le morceau. Nick Cave passe du chant au piano, balance son micro, le récupère, le balance à nouveau ; Warren Ellis s’empare de son violon, et les sept musiciens finissent dans un déluge sonore jouissif, confirmant la tension sous-jacente des compos de Push The Sky Away. Nick Cave nous gratifie aussi de quelques classiques, du tribal Tupelo au rock classique Deanna, sans oublier l’incontournable The Mercy Seat, que le prêcheur-crooner étire à l’envie. Durant l’ensemble du set, Nick Cave fera l’aller-retour auprès des inconditionnels des premiers rangs, les deux pieds posés sur la barrière de la fosse, s’agrippant aux mains des spectateurs. Un set puissant, rythmé, à peine ralenti par quelques passages légèrement en deçà (la ballade Love Letter, piano-voix-batterie, un peu trop sucrée à notre goût). Mais le groupe enchaine avec le petit bijou du dernier album, Higgs Boson Blues, qui prend une dimension supplémentaire sur scène avec le talent de narration de Cave. Le septuor ralentit le tempo pour conclure le concert sur Push The Sky Away (qui marque aussi la fin de l’album). Nick Cave n’a rien perdu de sa fougue scénique et les Bad Seeds sont définitivement talentueux.

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On n’attendait pas grand chose de !!!, comme ça on n’a pas été déçu. Que ce soit sur scène ou sur disque, la bande de New Yorkais ne nous a jamais vraiment convaincus. Ce n’est pas ce soir que nous changerons d’opinion. Il faut reconnaître que passer derrière Nick Cave n’est pas la meilleure des positions. Le contraste aurait pu fonctionner, mais non. Le caleçon et les déhanchements déconnants de Nic Hoffer nous laissent toujours de marbre et leur punk-funk manque toujours aussi désespérément de groove. Ça nous aura au moins fait un temps de pause dans une soirée très dense.

On vous aura prévenu, mais vous pouvez toujours voir le caleçon de !!! sur Arteliveweb.

Electric Electric

Ça nous permet aussi d’être suffisamment tôt pour se placer correctement devant la scène des remparts pour le concert d’Electric Electric. Bien nous en a pris, car comme nous l’avions subodoré, ce sera rapidement un peu le chaos pour s’approcher quand tout le fort déboule sur la petite place. Vu l’ouragan aller-retour dans nos tronches que le trio strasbourgeois nous avait collé à Rennes en avril dernier, on sait ce qui nous attend. Quand ils s’installent sur scène, on lève le nez le sourire au coin des lèvres et on attend que la vague nous arrive en pleine face. Ça ne manque pas et leur ébouriffant et foisonnant festival rythmique balaie tout sur son passage. Le groupe est visiblement en mode festival et le rythme est encore plus soutenu que lors de leur concert précédent. Ils ne laisseront donc aucun répit ni temps-mort sur leur petite heure d’une prestation totalement survoltée qui comble les spectateurs. Bien calé derrière ses machines sur la droite de la scène, Vincent Robert assène de redoutables nappes synthétiques avec une précision et une richesse redoutable.
La guitare à la fois massive, tranchante et légère d’Eric Bentz sur la gauche nous saisit avec un plaisir ineffable. Quand à la colonne vertébrale Vincent Redel et sa batterie tour à tour cajoleuse, intrigante ou dévastatrice, c’est à nouveau un déluge jouissif.
On le savait déjà mais quel bonheur de leur voir confirmer si haut et fort : Electric Electric est un groupe immense.

Fuck Buttons

On a encore un peu la tête qui tourne et les jambes flageolantes quand les Fuck Buttons enchaînent à peine cinq minutes derrière le set ébouriffant d’Electric Electric. Le duo anglais est bien calé sur la grande scène face à face avec leur magnifique collection de jouets entre eux. Ça attaque très fort avec une monstrueuse version surgonflée du Brainfreeze de leur excellent troisième album Slow Focus. Ça enchaîne avec le non moins excellent Surf Solar et son diabolique synthé hoquetant. On retrouve tout ce qu’on aime chez le duo : le goût pour la répétition et les rythmiques tribales, le foisonnement sonore, les sublimes dissonances. Le set est peut être un peu plus policé et moins barbare sur les drones assourdissants qu’ils nous avaient balancés lors de leur concert au Palais du Grand Large, mais le plaisir est toujours là malgré l’heure tardive, et les jeux de lumière habillent ça avec une belle classe.
Merci mille fois aux programmateurs du festival pour ce magnifique enchaînement final.

Partez en vrille vous aussi avec les Fuck Buttons sur Arteliveweb.

Il est 4h et largement temps de rentrer récupérer un peu pour les deux jours qui nous restent. Du soleil, du monde, des claques, des coups de cœur et le minimum syndical de déception, on ne pouvait rêver mieux comme entrée en matière pour cette édition 2013.

Photos : Solène, Mr. B

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Le site de la Route du Rock : http://www.laroutedurock.com/

Retrouvez tous nos articles sur la Route du Rock 2013 dans notre dossier.

1 commentaire sur “Route du Rock 2013 : Le Cave se rebiffe

  1. Fix

    Ma montre s’est arrêtée à la fin du set de Nick Cave.
    Pourquoi continuer ?

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