Romans en juin : Herbjørg Wassmo et Sefi Atta

Sara Susanne Krog est née en 1842 à Kjøpsvik dans le Nordland, Norvège. Elle a été le modèle d’un peintre pour un retable. Il l’a utilisée pour représenter un ange qui tend un calice au Christ. Le peintre était le pasteur Fredrik Jensen.
Sara Susanne, née Bing Lind, était marié à Johannes Krog. Un homme qui bégayait et utilisait le plus souvent un petit carnet pour communiquer. Ils eurent 12 enfants. Dont Elida.

Dans les années 20, celle-ci dut déménager à Kristiana, qui deviendra plus tard Oslo, pour que son mari, Fredrik (un autre), se fasse soigner le coeur, en vain. Ils eurent le temps d’avoir 10 enfants. La petite dernière s’appelait Hjørdis.
Elle, elle s’est mariée à Hans, à cause de ses lettres, envoyées pendant que les Allemands occupaient le pays. Ainsi naquit Herbjørg, en 1942. Cent ans après son arrière grand-mère.

Hans, c’est lui. Celui qui terrifie l’enfant qu’est l’auteure.

Elle raconte ces 3 femmes qui l’ont précédée. S’attardant surtout sur la plus éloignée. Comme si cela permettait de mettre à distance son vécu à elle. Ou de l’entourer d’une histoire familiale qui a connu d’autres tragédies. Peut-être pas des pires. Un frère qui meurt, un mari, un enfant. Un homme qui s’avère être violent.
Une gifle, donnée par la femme du pasteur.
Surannée est cette histoire d’amour, entre l’artiste et son modèle. Est-ce ce qui permet à Herbjørg Wassmo d’écrire ce roman ? Pour y glisser cette femme qu’elle n’appelle pas maman, et cet homme à qui la plupart du temps elle ne donne même pas de nom ?

Ce livre est beau, tout de même, comme doit l’être ce pays, on imagine. Pour qui ne l’a jamais vu sur une carte, « Cent ans » permettra de comprendre la place qu’y revêt la mer. De saisir aussi que dans ces contrés, c’est ceux qui viennent du nord qui sont les sauvages ou les ploucs, Lapon est un gros mot. De rencontrer les noms d’artistes norvégiens, beaucoup pour une nation pas si grande.

Votre arrière grand-mère, votre grand-mère, votre mère, avant d’être des femmes vieilles, ont été des jeunes filles. Pour se demander ce qu’elles ont ressenti en épousant un homme et en éprouvant son contact, en mettant au monde un enfant, en le laissant à d’autres, en retrouvant ses parents. Dans le désordre.

Herbjørg Wassmo
Cent ans
traduit du norvégien par Luce Hinsch
Gaïa Editions
558 p, 24 €

Herbjorg-Wassmo

Autre histoire avec mère et fille : Avale.

« Il y avait un mur invisible au fond de ma gorge. Je commençais à compter à l’envers, le mur tenait bon. Je me remis à compter, à l’endroit cette fois, je me pinçais le nez. Le mur au fond de ma gorge s’effondra. Je vomis. L’odeur de l’huile de palme et la vision de ce préservatif roulé en boule me donnèrent la nausée. Je me penchai sur la cuvette des toilettes. »

C’est Rose qui a refilé à Tolani l’idée de son nouveau mec, OC : passer de la drogue. Elles vivent à Lagos, Nigeria. Elles viennent de l’intérieur du pays. Elles sont colocataires, travaillent dans la même banque jusqu’à ce que la première se fasse virer. Tolani va être obligé de prendre sa place de secrétaire. Elle va savoir repousser son patron. Ça ne l’empêche pas d’en avoir la trouille, de craindre de perdre son emploi, ce qui voudrait dire la rue.
C’est l’Afrique. Mais dans sa partie anglophone. Où chez les urbains, on peut se foutre de quelqu’un qui écoute de la country.

Tolani va faire confiance à son mec. A tort. Elle va en suivre un autre dans une église, et constater l’arnaque. Elle va subir la vie de ce pays dirigé par des militaires, pour longtemps ex-colonie, ayant traversé une guerre civile (Biaffra). Le gouvernement prône la « guerre à l’indiscipline ».

Tolani va surtout se demander qui est son père. Normalement c’est le musicien qui a épousé sa mère. Mais le doute lui a été balancé à la figure.
La voix de sa courageuse génitrice pour raconter son propre parcours coupe le récit de la jeune femme, qui y mène. Elle va retourner dans son compound pour savoir et peut-être plus.

Doux et fort. Douce et forte. Pour voir un morceau du continent noir, dans une de ses trois plus grandes villes. Sefi Atta vit dans le Mississippi mais elle a de quoi dire sur son ancien pays. On peut garder dans un coin de la tête qu’elle est expatriée. Ça peut faire résonner ce passage où un personnage exprime son admiration devant cet autre qui est revenu d’où il venait. Difficilement.

Sefi Atta
Avale
traduit de l’anglais (Nigéria) par Charlotte Woillez
Actes Sud
collection Lettres Africaines
283 p, 21,80 €

2 commentaires sur “Romans en juin : Herbjørg Wassmo et Sefi Atta

  1. Isa

    Bonne idée de faire unlien nord sud avec deux façons de traiter les histoires..
    La descriptin du premier me fait penser à Lignes de faille de Nancy Huston… avec des histoires aussi de filiation… Alire aussi, je crois.

  2. Fix

    Ah Nancy …autant d’intelligence et de charme dans une seule personne.

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