Diffusion de La Nuit Américaine #1 du festival Maintenant

Une petite idée pour contrecarrer un coup de blues pluvieux et confiné un tantinet tenace ? Ce mercredi 29 avril à 19h, l’OSB (Orchestre Symphonique de Bretagne) propose une diffusion live sur sa page facebook de la captation d’un concert de 2010 dont on garde un souvenir totalement émerveillé : La Nuit Américaine proposé par l’association Electroni[k].

En 2010, le festival Cultures Electroni-K (désormais Maintenant), avait proposé, avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne, une première Nuit américaine autour du compositeur Steve Reich. Au programme, on retrouvait plusieurs œuvres de l’Américain dont Different trains ou City Life, sous la baguette de Jean-Michaël Lavoie et des images époustouflantes d’Herman Kolgen, artiste canadien fascinant à la croisée des images et du son. Un concert capté par le CREA Rennes 2, que l’OSB vous invite à découvrir ou redécouvrir ce mercredi 29 avril à 19h ici.

Pour ceux qui ne le connaîtrait pas, ou peu, Steve Reich est un compositeur essentiel de la musique contemporaine. Quasi pionnier du courant minimaliste américain, il collabore très tôt avec Terry Riley (il paraîtrait même que c’est lui qui suggéra au compositeur d’utiliser ce motif rythmique régulier au piano servant de pulsation à la pièce fondatrice In C) et invente un nouveau procédé de composition. C’est ce qu’il appelle le phasing.

Pour dire vite, il s’agit de partir d’un motif musical très court mais que l’on répète indéfiniment. Chaque musicien ou magnétophone joue donc sensiblement toujours la même chose, mais ce motif est progressivement décalé entre les différents instrumentistes ou vocalistes (ou magnétophones). On part donc par exemple de deux motifs identiques, joués à deux tempi différents, mais réguliers. Petit à petit, on quitte l’unisson et une sorte d’impression d’écho se produit… L’oreille distingue progressivement de nouveaux sons.

La petite histoire raconte que c’est en voulant faire un « canon » avec un discours passé sur deux magnétophones différents que Steve Reich découvrit ce procédé. Les deux magnétophones étaient de mauvaise qualité et, si les deux pistes avaient bien démarré en même temps, l’une tournait sensiblement moins vite que l’autre… Le compositeur entendit un déphasage progressif qui l’inspira aussitôt et il décida de l’utiliser dans ses compositions futures.

Parmi celles-ci donc, Different Trains, par le thème qu’elle aborde, apparaît comme l’une des plus émouvantes. Parue en 1988, cette pièce pour quatuor à cordes et magnétophones se partage en 3 temps. Steve Reich explique sur le livret qui accompagne le disque que ses parents étaient divorcés : son père vivait à New York et sa mère à L.A. Tout jeune, il devait donc prendre le train pour un long voyage de deux jours pour se rendre chez l’un ou chez l’autre. On était entre 1939 et 1942. Et Steve Reich de suggérer que s’il avait été en Europe, jeune garçon juif à la même époque, il aurait sûrement pris des trains « différents » .

Pour cette pièce, Steve Reich enchevêtre donc les deux situations en se servant d’un matériau de composition enregistré pour l’occasion : des interviews de trois survivants de la Shoah, ainsi que celles d’un employé des trains américains et de sa propre gouvernante de l’époque. A celles-ci, coupées, phasées, déphasées, il ajoute des stridences de cordes qui rappellent des sirènes et des cris ou des motifs réguliers et rythmiques qui évoquent la marche des trains. Les témoignages familiaux et historiques se mêlent et l’émotion gagne.

On a encore l’œil et l’oreille frémissants de bonheur au souvenir de ce moment exceptionnel imaginé par la belle équipe d’Electroni[k]. On est donc ravi de pouvoir en grappiller quelques étincelles électriques par les voies numériques.


 

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