Retour sur les Jeunes Charrues @ L’Antipode

Les Jeunes Charrues en concert permettent de donner un coup de projecteur sur de jeunes groupes de la scène locale. La programmation des 5 groupes sélectionnés pour le pays de Rennes était plutôt alléchante, notamment pour la variété des genres musicaux proposés.

Fifty Miles From Vancouver

On arrive peu après le début du set de Fifty Miles From Vancouver, et on est tout d’abord surpris par la composition du combo. Sur le papier, le duo de guitaristes s’était enrichi d’un batteur et d’un organiste (comme on le découvrira plus tard dans une vidéo projetée dans une salle attenante) : mais là, seuls les deux membres d’origine sont présents sur scène, accompagnés d’une boîte à rythmes. Cette dernière sonne un peu cheap et cela ressemble fort à une solution de secours. Et c’est dommage car la rythmique n’est pas à la hauteur du duo de guitares. Les deux jeunes artistes nous proposent une pop shoegaze bien foutue, avec guitares qui fuzzent et réverbération des voix, qui n’est pas sans nous rappeler Crocodiles.

Le duo développe ses morceaux en créant les fondations (basse et ligne mélodique) en triturant frénétiquement les pédales, pour rajouter ensuite du « fuzz » avec des guitares noisy à souhait. Mais la boîte à rythmes les lâche vers la fin du set, pour un petit moment de panique qui s’ajoute au trac déjà palpable. Ils continuent malgré tout mais on lit une certaine déception lorsqu’ils quittent la scène en posant au sol les guitares qui grincent encore. Dommage, car on avait fait plus que tendre l’oreille à l’écoute de quelques titres sur la toile. Un groupe qui mérite probablement d’être revu avec le groupe au complet.

Une petite pause nous permet d’apprécier la qualité d’organisation de la soirée : au niveau du bar, un écran diffuse la présentation musicale des groupes, réalisée la semaine précédente à la MJC le Grand Cordel. Dans la salle, un espace permet d’écouter les différents groupes interviewés entre deux sets.

Unité Maü Maü

Le public se fait soudainement plus nombreux pour accueillir Unité Maü Maü. Le groupe ne nous avait pas franchement emballé à l’écoute de leur EP Salut à toi, et la prestation de ce soir, même si elle révèle une réelle présence scénique,  ne fait que confirmer cette première impression. Leur mélange reggae / hip-hop manque encore de maturité : et même si les incursions ragga sont plutôt réussies, l’ensemble ne décolle pas vraiment musicalement parlant. Le parti pris d’un message engagé (enragé comme ils le soulignent) sur une musique plutôt festive n’est pas en cause : mais les samples sont parfois répétitifs et de qualité inégale.

On peut toutefois reconnaitre le gros investissement scénique avec un jeu de scène déjà bien rodé et bondissant, doublé d’un réel enthousiasme. Ca fonctionne bien auprès du public qui, il faut le dire, est constitué par de nombreux jeunes fans aux premiers rangs. Le message véhiculé est sensé, intelligible et riche de références aux luttes d’Amérique Centrale mais aussi africaines. Ce discours militant est sincère et s’accompagne d’un militantisme de terrain (nombreux concerts de soutien, au DAL 35 notamment). Un message qui gagnera probablement en épaisseur avec un peu plus de maturité musicale.

Güz II

Les membres de Güz II arrivent sur scène masqués, et se saisissent d’instruments à l’association surprenante : un saxophone baryton, un violon et une guitare électrique. Ce trio orchestral de rock, comme ils aiment se définir, commence par un morceau qui pourrait être une musique de film. Le violoniste délaisse son instrument pour se saisir de mailloches, debout derrière une batterie surélevée. Le morceau prend alors une dimension symphonique, réhaussé par les petites touches jouées au clavier par le guitariste. On résume : un guitariste/claviériste, un saxophoniste/percussionniste et un violoniste/percussionniste (sans oublier le petit banjo à 8 cordes). La maitrise instrumentale est surprenante, et étonnement mature pour de si jeunes musiciens. Leur culture musicale semble aussi particulièrement étoffée, car le groupe nous propose un savant mélange de rock, de jazz, de musique celtique, de prog, etc… A cela s’ajoute un chant dépouillé, à base de « aaaa » et de « ouououou », qui donne aux morceau une richesse symphonique.

Pendant quelques minutes, on essaie désespérément de définir le genre musical : on se laisse finalement embarquer sans se poser de question. De temps en temps, le trio nous propose des passages plus ouverts, en prenant des libertés avec la ligne mélodique de départ, sous une forme parfois atonale. Mais ils réussissent toujours à nous ramener sur le chemin de départ avec une aisance sidérante. Les morceaux sont parfois plus percussifs (avec un saxophone qui souligne la ligne de basse), parfois plus aériens, voire dansants, mais ils sont toujours d’une efficacité redoutable. Si vous rajoutez à cela une complicité non dénuée d’humour (notamment lors de l’interview complètement décalée du groupe), et vous avez tous les ingrédients pour un set réussi. La grosse découverte musicale de la soirée.

Simba

Vient le tour de Simba, artiste underground de la scène hip-hop rennaise, accompagné de son complice du Panel Large Doc Brown et de DJ Fresh. Dès les premières notes distillées par les platines, on sait qu’on va avoir un son bien oldschool. Et les premiers mots posés par le duo confirment cette impression. Les samples sont variés, témoins d’une recherche musicale large et fouillée : DJ Fresh est de plus très habile aux platines, comme lors du petit moment en solo avec scratchs dans tous les sens. Et le duo pose ses mots de manière très synchro, tant sur la musique qu’entre eux. Le flow est précis et carré, dans les basses pour Doc Brown, et plus aérien pour Simba. Le flow s’accélère de temps en temps, et cet exercice complexe de haut débit se révèle virtuose.

Seul petit bémol, malheureusement bien indépendant de la volonté des membres du Panel Large : la salle s’est en partie vidée, étant donnée l’heure avancée. Le trio se démène pour embraser le public, mais les effets retombent parfois un peu à plat faute d’ambiance. On peut souligner leur persévérance jusqu’au bout du set, avec quelques réussites, comme cette petite chorégraphie improvisée avec le public (qu’ils font déplacer d’avant en arrière puis latéralement). Comme il le confiait peu avant en interview, le fondateur de Fonkick Musik a voulu créer ce label pour permettre à la scène hip-hop rennaise de se frayer un chemin dans l’hégémonique rap Paris/Marseille. La qualité de la prestation de ce soir nous confirme qu’il y a effectivement un potentiel rennais (Doc Brown devrait d’ailleurs sortir un opus prochainement). Le talent de Simba aurait mérité un public plus large pour donner au set toute sa dimension.

Monkey & Bear

Au retour d’une petite pause, on découvre un décor soigné, fait de peau de bête, d’un petit écureuil et de 4 abats-jour disposés auprès de chacun des musiciens de Monkey & Bear. Il y a Bear (chant/Bontempi) et Monkey (batterie), rejoints récemment par Cat (basse) et Owl (machines et percussions). Lors de la discussion d’entre-deux sets, ils définissaient leur musique sous l’appellation Cheap n’roll, référence aux touches électro qu’ils introduisent. Ca sonne effectivement très dance-rock teinté d’électro. Le chant de Bear est très timide au départ, ce qui nous fait craindre le pire. Mais ce chant s’étoffe dès le deuxième morceau, avec cette manière de laisser trainer la voix en fin de phrase, pour un effet de style plutôt réussi et en phase avec la mélodie.

Une grosse basse, une batterie discoïde, de petites touches électro, tout ça forme un mariage réussi et efficace. Même s’ils n’ont pas encore le petit grain de folie d’une de leur source d’inspiration (Dan Deacon), ils possèdent déjà les bases d’un univers singulier. Le titre Magical Tambourin a notamment retenu notre attention avec un indéniable côté tubesque. Un groupe qu’il faudra suivre dans les mois qui viennent.

Une petite demi-heure d’attente et le lauréat est dévoilé par le jury : Güz II.

Güz II

Formé en 2008, le trio présente d’abord son projet sous une forme acoustique lors des festivals de rue. En septembre 2010, ils étoffent leur palette instrumentale et s’électrifient pour un passage remarqué aux Transmusicales 2010 sur la scène de l’Etage. Si vous souhaitez les (re)découvrir, sachez qu’ils se produiront aux Tombées de la Nuit les 6, 7, et 8 juillet, à la fois dans les rues (en acoustique), mais aussi au Thabor (version électrique).

Ils fouleront ensuite la scène Xavier Grall à Carhaix avec les 9 autres lauréats des différents pays bretons. Ils bénéficieront en amont d’un accompagnement artistique. Une initiative qui dure depuis 15 ans déjà et qui, en plus de mettre l’accent sur quelques groupes le temps du festival carhaisien, permet aussi de donner un coup de pouce à l’ensemble des groupes (une cinquantaine) participant à ce tremplin régional.

Une belle initiative, particulièrement bien organisée, et gratuite de surcroît. Quand on voit la qualité de la sélection proposée, ça donne clairement envie d’aller découvrir les autres lauréats aux Vieilles Charrues à la mi-juillet.

Photos : Solène


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