Retour sur Mythos 2016 : Moi, Corinne Dadat par la Cie Zirlib

Corinne Dadat est une sacrée nana. Non seulement elle fait le ménage sur la scène de La Paillette pour Mythos 2016 mais en plus, elle fait voler en éclat un certain nombre de préjugés sur les « techniciens de surface ». Non sans un humour qui peut parfois rendre un peu mal à l’aise…

Mythos-2016-Moi-Corinne-Dadat-c-Philippe-Remond

Avec l’aimable autorisation de Philippe Rémond, photographe officiel du Festival (merci !)

Ni un spectacle, ni une performance, mais bien plutôt, d’après les mots de Mohamed El Khatib, metteur en scène, un état de sa rencontre avec Corinne Dadat, femme de ménage. A travers des affirmations projetées sur un écran, des vidéos tournées dans des toilettes, des photos de famille, des échanges – toujours complices – entre les deux protagonistes, se dévoile peu à peu le CV de Corinne Dadat. Il y est question de serpillère, de politesse, de revenus, de produits ménagers, de Schubert et de Sardou, de souplesse, de toilettes turques, de dadaïsme, de DSK, de burn out…

En écho, à cette femme de ménage, une danseuse au parcours personnel et professionnel à l’antipode de celui de Corinne : Elodie, 24 ans, 47 kilos, gluten free, souplesse XXL, et une longue liste à la Prévert d’absence d’éléments matériels dans sa vie.

Le fil conducteur entre elle deux ? elles exercent des métiers contraignants physiquement et sont ouvrières de leurs propres corps ; quand l’une est reconnue et applaudie, l’autre est utile et méprisée, et inversement. Et puis il y a la danse, qu’affectionne tout particulièrement Corinne Dadat. Et qui trace en filigrane un lien étonnant entre ces deux femmes que tout oppose.

Si ce travail aborde un certain nombre de thématiques plutôt centrales dans la société d’aujourd’hui (asservissement au travail, mépris pour certaines professions, avenirs incertains pour les corporations les plus précaires…), il me laisse toutefois assez indécise. Quand on apprend que Corinne Dadat écoute Schubert et non Sardou, est-il légitime de rire ? Quand la danseuse déballe son pédigree, le souffle coupé, dans une position contorsionnée qui fait froid dans le dos, peut-on réellement apprécier la performance alors qu’on a la la sensation d’être au zoo et d’observer un animal étrange ? Les réactions du public m’ont troublée et me laissent dubitative sur le message transmis et sur l’intention de ce travail, ou du moins son interprétation.

Néanmoins, cette production fait la part belle au visuel. Le duo chorégraphique entre Corinne et Elodie est étonnant d’oppositions ; la lessiveuse de sol qui tournoie avec Corinne rappelle un ballet de robots. Quant à l’esthétique de la danseuse évoluant dans cette flaque d’eau, si elle est absolument magnifique, n’en demeure pas moins qu’on peut aussi la lire comme une transformation de sa chevelure en serpillère… et c’est un tout petit peu dérangeant.

Beaucoup d’images, donc, de mots, de rires, qui laissent pensifs. Mais gros applaudimètre en fin de représentation. Pari réussi donc pour la Cie Zirlib à Mythos 2016 : peut-être que le public ne regardera plus les femmes de ménage de la même façon (ni les danseuses !).

Les photographies n’étant pas autorisées durant la représentation, vous trouverez toutefois une galerie prise par Philippe Rémond sur le site de Mythos durant la répétition.

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