Rencontre avec le street-artiste ‘DeuxBen De Rennes’

Difficile d’y échapper…

A moins de se balader dans les rues de Rennes avec des œillères ou le regard vissé sur ses chaussures, il semble impossible d’être passé à côté d’ une œuvre du street-artiste connu sous le pseudo « DeuxBen De Rennes ». En moins de 3 ans, ce grand gaillard d’une trentaine d’années, Niçois d’origine, a réussi à marquer de son empreinte le paysage urbain rennais. Renommée et succès grandissant, beaucoup (comme nous) aiment être à l’affût de ses derniers exploits citadins.

Il était une fois…

C’est à travers le prisme de la culture Hip-Hop (musique, DJ et danse) que DB.D.R.(*) s’est découvert une passion pour le street-art. A l’aise en dessin, c’est tout naturellement vers le graffiti qu’il va débuter et exercer son art. En pleine adolescence, ivre de liberté et de sensations fortes, les nuits chaudes de Nice lui serviront de décors pour ses premiers faits d’ar(t)mes. Chemin faisant la vie et depuis sa récente installation dans notre bonne vieille capitale bretonne, DB.D.R a lâché les bombes de peinture pour s’adonner cette fois-ci à la technique du collage. Et c’est tant mieux pour nous !


Capture
DeuxBen de Rennes : « J’ai d’abord tenu un blog « les murs causent » que j’alimentais avec mes propres photos. J’ai ainsi pu découvrir beaucoup d’artistes (ndlr : son pseudo rappelle celui de l’artiste « Ben ») et cela m’a donné envie de m’y mettre à mon tour. J’ai commencé à coller des petites étiquettes, des stickers et puis maintenant je colle en grand format. »

Silhouette…

Aujourd’hui, ce sont ces bonshommes très colorés dépassant largement le mètre de hauteur aux bras ballants  et souvent affublés d’un chapeau qui embellissent les murs de Rennes. Des silhouettes anonymes qui observent  la vie passer devant eux mais toujours avec un certain style. Parfois dandy, parfois british ou BCBG. Dispersées un peu partout, le choix du « spot » ne répond pas à des critères précis selon DB.D.R sauf peut-être celui d’avoir assez de recul pour bien observer l’œuvre mais aussi de ne déranger personne… comme pour s’excuser de sa période « graffiti-vandale » d’antan. Le collage étant accepté par la grande majorité, y compris les forces de l’ordre (sans doute lié au côté éphémère), DB.D.R n’hésite pas à coller en plein jour facilitant ainsi la rencontre et les discussions avec qui veut.
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Quel message ?

En y regardant de plus près, on s’aperçoit vite que le support utilisé se compose en grande partie de pages politiques, d’actualités extraites de Ouest-France. Faut-il y lire un message sous-jacent, subliminal ? Les personnages tentent-ils de nous dire quelque chose malgré tout ?

CaptureDeuxBen de Rennes :  « Il ne faut pas y voir un message forcément. Mon premier choix est d’abord lié au graphisme des pages. Le journal a ce côté « cradingue » que j’apprécie et qui va bien avec le street-art. Laisser les mots, les titres et les photos des articles me font délirer car une fois mon dessin fini, cela les fait ressortir un peu plus. Presque involontairement, j’ai remarqué que certains de mes dessins n’étaient en effet composés que de pages politiques ou d’actu locales et je ne sais pas d’où cela vient mais cela fait réfléchir et questionne énormément les gens (rire)… ».

Et même s’il nous explique le coté pratique du Ouest-France qui reste disponible et gratuit dans certains lieux de restaurations rapides où l’on mange avec les doigts, il n’empêche qu’involontairement ou non, ses œuvres restent un point de départ à la réflexion.

Le cercle des initiés?

Amoureux de sa ville d’adoption qu’il aime parcourir, observer et photographier, DeuxBen apprécie le travail d’autres artistes rennais qu’il croise de temps en temps comme War (relire l’une de ses premières interview ici), Arrival, Caca et Blank.

CaptureDeuxBen de Rennes : « J’aime beaucoup le travail de WAR, je trouve le décalage intéressant entre ces grandes bestioles qu’il nous montre et le cadre  urbain. Le côté gigantesque est assez dingue… J’aime aussi le trait, la motivation et l’état d’esprit de Blank avec qui je vais coller régulièrement. Sinon, il y a des mecs qui me font bien délirer comme CACA qui fait actuellement des smiley géants. Son côté productif et funky me plait. »

De l’extérieur vers l’intérieur…

Après plus de 500 stickers, 25 grands formats posés et une participation au festival « Banc Public » de Saint Brieuc, la suite « logique et conventionnelle » dans l’ère du temps serait d’exposer ses œuvres in-situ pour « contrer » le côté éphémère de la rue, le ravage du temps et l’indélicatesse de certains affichistes. Il faut dire que le street-art n’a jamais eu autant la cote auprès des galeries et autres marchands d’arts qu’actuellement (ndlr : découvrez le travail d’Ernest Pignon Ernest, un des fondateurs de l’art urbain, jusqu’au 12 Décembre aux Urbanistes à Fougères)

Même s’il n’est pas contre l’idée, DB.D.R n’y est pas forcement attaché à moins d’avoir cette étincelle qui le motiverait comme une idée originale ou une thématique forte. D’ailleurs, DeuxBen ne court pas après la reconnaissance. Il reste toujours étonné que certaines personnes puissent s’intéresser à son travail. L’étonnement fut d’ailleurs sa première réaction face à notre demande d’interview. Vivre de son art n’est pas un but pour lui, la rue n’est pas ici une vitrine à une éventuelle ambition personnelle. On le croit donc intègre.

CaptureDeuxBen de Rennes : « Qu’un artiste arrive à vendre et à se faire du pognon sans trafiquer son art, sans tricher, je ne peux que lui dire ‘Bravo, tu as de la chance, tant mieux pour toi’. Ce que je regrette, c’est de voir parfois les sommes hallucinantes autour de ce marché et que cela devienne inaccessible au plus grand nombre. Pour ma part, j’ai un métier qui me plait énormément. Je travaille en lien avec des personnes handicapées qui m’apportent  beaucoup. Un artiste est une globalité et je ne me vois pas être artiste en dehors de mon travail actuel. Je pense avoir besoin de cette accroche à la réalité… c’est important. »

On se plait à l’écouter parler de ce besoin de dessiner et de coller comme un musicien incapable de rester sans grattouiller son instrument ou le danseur à répéter ses pas. Son discours posé, réfléchi et assuré tranche avec ses personnages qu’il dessine. Au contraire de ses silhouettes qui observent, lui agit. Duplicité intéressante.

C’est en tout cas ravi et presque impatient de pouvoir le suivre un jour de sortie « collage » que nous le quittons. Pas de projet pour DeuxBen en vue pour l’instant mais des envies assurément… comme des collaborations ou de coller toujours plus grand, plus haut en format XXXL. Allez savoir, un de ces derniers collage en bas de la place des Lices juste en dessous de la fresque de VELVET et ZOER de Teenage Kicks est peut-être un appel du pied ? Ou pas.

A nous de rester curieux et observateurs de nos murs(**).

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deux_ben_de_rennes

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(*) DeuxBen De Rennes

(**) le blog Polis Art : politique et street art. en parle aussi [ici].


Deux_ben_de_rennes, son facebook  

Deux_ben_de_rennes, son Instagram  

Deux_ben_de_rennes, son Tumblr  

Les murs causent : Tumblr 

 

Crédits photos : DeuxBen_de_rennes + Politistution (pour la dernière et l’image à la une)

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6 commentaires sur “Rencontre avec le street-artiste ‘DeuxBen De Rennes’

  1. plessis

    Les gouts sont vraiment dans la nature , mais il faut pouvoir exprimer son sentiment face à certaines œuvres ! et je n’aime vraiment pas cet « artiste » de rue ; »deux ben de rennes » , c’est pour moi aussi peu attractif que : « le radis » -récent sur le mail. Qu’en restera t-il dans 20,30…ou 60 ans? ; par exemple face à ces magnifiques « odoricco » : tels piscine st georges etc…! ce n’est pas avec de telles « œuvres  » modernes que RENNES passera dans des émissions comme  » des racines et des ailes  » ou « passion patrimoine » Et pourtant RENNES avait par le passé une renommée architecturale qui est loin d’etre le cas de nos jours! et pourtant j’aime rennes ( bien que natif de la région nantaise) Et sans rancune !

  2. anonyle

    Difficile de comparer le radis et les collages de Deux Ben sachant que l’auteur du Radis est allègrement subventionné… (j’dis ça…)

  3. Themaster

    Perso, j’adore cet artiste.. Deuxben de Rennes c’est quelqu’un qui te pose et qui ce pose beaucoup de questions avec ses collages de grands bonhommes colorés (ou pas) … Et puis rien ne vaut les démarches artistiques non subventionné … Juste du plaisir et une surprise au coin de la rue …

  4. Un Blinois

    Profond respect pour Deuxben et les streetartists en général. Très bon article, merci alter1fo.

  5. Politistution

    Merci @UnBlinois et tous les autres qui nous suivent!)…

  6. Louyer marie

    J’adore je vous suis au détour des rues de Rennes, personnages en collage très posés et qui interpelle.Merci et bon vent

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