Pudique Acide et Extasis au Triangle @ Retour vers le futur…

Les années 80 marquèrent l’éclosion de la danse contemporaine française : période intense et exaltante où émergèrent une nouvelle forme d’écriture et  l’émancipation au classicisme, à l’élitisme. La danse devient alors un art majeur au même titre que le théâtre ou la musique (a)

A peine 20 ans et encore jeunes danseurs, Mathilde Monnier et Jean François Duroure, issus du CNDC d’Angers, partirent à New York étudier à la prestigieuse école de Merce Cunningham, père fondateur de la danse abstraite. Comme une réaction épidermique à cet enseignement, comme une envie folle de s’affranchir de  leur «bagage artistique»(b), ils vont créer en 1984 «Pudique Acide» et l’année suivante «Extasis», au Danemark(c). Explosion des codes, explosion de l’écriture. Ils viennent alors de contribuer à la naissance d’un courant décomplexé et ambitieux de la jeune danse française contemporaine. «Médiocre est l’élève qui ne dépasse pas son maître …»

30 ans plus tard, la recréation de ces deux pièces s’inscrit dans un désir de transmission, de générosité mais aussi de confrontation temporelle. «Les pièces de répertoire se bonifient souvent avec le temps» explique Jean François Duroure. Mathilde Monnier confie  même : «Chaque fois qu’une pièce est remontée, il y a généralement des polémiques pour savoir s’il faut ou non multiplier les reprises. Au fond, je pense que cela devrait être aussi naturel que de pouvoir visionner un bon film ou revoir une œuvre d’art au musée (d)».

Aujourd’hui, Sonia Darbois  et Jonathan Pranlas se glissent dans les pas de danse de nos deux jeunes exilés de l’époque. Et même si ces deux pièces de répertoire sont écrites comme une partition de musique, il existe une réelle appropriation par ce nouveau duo, asexué et androgyne, qui éclate de beauté et de fougue : dans Pudique acide, l’abstrait, la retenue et la frustration, dans Extasis, la narration et le lyrisme. La danse des années 80 se révèle finalement intemporelle grâce à sa poésie et l’émotion qui s’en dégage, référence à une  jeunesse exubérante, ivre de liberté n’ayant qu’un seul mot d’ordre , celui de danser.

Rencontre avec les deux jeunes danseurs avant leur première représentation au Triangle, en ce jeudi 27 Février …

PUDIQUE_ACIDE2_-®Marc Coudrais

 INTERVIEW

► Alter1fo : Bonjour, pouvez vous nous expliquer comment se sont déroulées vos répétitions avec les deux chorégraphes/créateurs Mathilde Monnier et Jean Francois Duroure ?

Sonia : Nous avons travaillé pendant deux semaines avec Jean Francois puis deux semaines avec Mathilde. Ils avaient deux approches différentes dans la recréation de ces deux pièces. Si celles-ci sont très écrites, Mathilde n’était pas contre une liberté de notre part. Au contraire, Jean Francois souhaitait plus une recréation au millimètre : chaque mouvement ayant pour lui une signification, une histoire. Il souhait réellement nous transmettre l’intention et l’interprétation, en plus de la chorégraphie.

Jonathan : Nous avons pu utiliser les  vidéos tournées de l’époque mais certaines parties de «Pudique Acide» n’ont pas pu être visionnées, nous faisions alors appel aux souvenirs de Mathilde et Jean François.

Les deux pièces représentent également une écriture différente : nous avons mis plus de temps à «appréhender»  la pièce «Pudique Acide» car cette dernière est très épurée. Les regards, les mouvements  sont très écrits : il n’y a pas de surplus d’interprétation. La deuxième, grâce aux costumes notamment, permet une prise d’espace plus grande.

Danser une pièce des années 80 est-il naturel pour vous et par rapport aux formations de danse enseignées aujourd’hui ?

Jonathan : Nous avons été pris lors de l’audition pour notre capacité technique à remplir ce travail de transmission mais aussi parce nous n’étions pas formés aux techniques « Cunningham ». Je n’en ai jamais fait dans mon parcours.

Sonia : J’ai commencé la danse avec une personne ayant une base Cunningham mais entre-temps, j’ai fait autre chose. Le fait d’y revenir me rappelait finalement mes débuts.

Jonathan : Même si nous retrouvons certains symboles de l’époque comme le fait de chorégraphier les regards, des positions comme les fentes typiques des années 80, le fait que chaque mouvement tombe sur un temps de la musique et que celle ci soit hyper rythmée, ces pièces restent malgré tout actuelles car elles sont  très dansées et très ouvertes sur le public. Nous sommes rarement tournés vers nous-mêmes et la danse a un côté très ironique.

PUDIQUE_ACIDE3_-®Marc Coudrais

► Qu’est-ce qui vous plait dans cette danse ?

Jonathan : Cette pièce est très endurante et c’est toujours un challenge de la finir sans être en train de «tourner de l’œil».

Sonia : Au début, nos corps n’avaient pas intégré les moments où ils pouvaient se  reposer et nous sortions de nos représentations littéralement épuisés. J’avais même demandé à Mathilde si cette fatigue disparaissait au fil du temps. Elle m’a répondu le contraire « jusqu’à la fin, on ne sait pas si on pourra la finir ». Cette pièce est construite comme cela.

J’aime aussi le fait qu’il y ait beaucoup de jeu, un jeu presque hautain dans cette performance du geste parfait, comme une surenchère entre les deux corps ou une autodérision. Même si nous l’avons jouée 80 fois, même s’il y a peu de place à l’interprétation, nous arrivons toujours à découvrir de nouvelles choses. Cela est très agréable.

Vous avez déjà effectué près de 80 représentations, avez-vous un souvenir particulier ?

Jonathan : Nous avons eu la chance de pouvoir jouer cette pièce lors d’une tournée en Afrique. Ce fut une expérience incroyable.

Sonia : En Éthiopie, les gens riaient et applaudissaient souvent. Le public fut très réactif.

► Merci beaucoup.

Crédit Photos : © Marc Courdrais

Présentation « Pudique Acide/Extasis @ le triangle [√]

Présentation « pudique Acide/Extasis @ UEB podcast [√]

Site officiel de Mathilde Monnier [√]

Article Les Inrocks : Mathilde Monnier à la tête du Centre national de la danse [√]

[Vidéo] Rencontre du lendemain n°1 autour du spectacle Pudique acide / Extasis et la transmission en danse []

(a) : http://socio.univ-lyon2.fr/IMG/pdf/doc-592.pdf

(b) http://www.paris-art.com/marche-art/pudique-acide-extasis/duroure-jean-francois-monnier-mathilde/7553.html

(c) http://www.dna.fr/dossiers/2011/11/17/jean-francois-duroure-l-interview

(d) http://www.paris-art.com/marche-art/pudique-acide-extasis/duroure-jean-francois-monnier-mathilde/7553.html

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