« Fermez des prisons, vous ouvrirez des écoles, des bibliothèques, des musées… »

Porte prison Jacques Cartier

Seul le gémissement du vent trouble le silence qui règne dans les méandres des couloirs humides et froids. L’ancienne prison Jacques-Cartier dans le quartier Villeneuve-Sacrés-Cœurs est laissée à l’abandon et livrée à elle-même face aux assauts du temps depuis le départ des détenus, en 2010, partis purger leur peine à la prison de Vezin-le-Coquet. Cela avait d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire intitulé « Le Déménagement » de Catherine Rechard(1) et d’une visite ministérielle de Rachida Dati quelques mois plus tôt +d1fos.

Une fois vide de toute âme humaine, l’établissement pénitentiaire a alors accueilli quelques tournages de films ou de TV+d1fos, des exercices de sécurité civile et s’est transformé en camp d’entraînement pour le GIGN. Mais hormis ces rares occasions, il s’est endormi sur sa vétusté renfermant à double tour un pan entier de l’histoire carcérale bretonne et française. Et depuis, plus rien. Ah si, une fois, des milliers de personnes ont pu découvrir les cellules et le quartier disciplinaire sans passer par la case « comparution immédiate » au cours d’une soirée DAZIBAO.

Pendant la dernière campagne municipale, poussée par la demande pressante de quelques associations et la crainte de voir cet emplacement si précieux raflé par des promoteurs impatients d’y faire construire un complexe hôtelier de luxe avec terrasse rooftop et SPA, Nathalie Appéré affichait sa volonté de racheter le bâtiment. Comme quoi, l’échéance d’une élection permet de faire avancer des projets à l’arrêt, oubliés au fond d’un tiroir d’un bureau des services de la ville.

Faisant valoir son droit de priorité et signant sans trembler un chèque de 550 000 €, la métropole est ainsi devenue la nouvelle et heureuse propriétaire d’un ensemble immobilier de presque 14 000 m2 en plein centre-ville. L’idée est donc de le transformer, dans un futur indéterminé, en un « lieu culturel ouvert à tous et toutes +d1fos ». Un terme fourre-tout qui ne veut rien dire. On espère juste ne pas devoir subir d’interminables années de réflexions et de travaux pour se retrouver le jour de l’inauguration avec une énième guinguette gérée par le Centre de production des paroles contemporaines (qui regroupe le festival Mythos, L’Aire libre, le MeM) ou bien par CITEDIA (comme avec le chantier de l’ex-brasserie Saint-Hélier), deux ou trois transats pour « chiller » et une brasserie locale. Même si on n’a rien contre les transats. Et encore moins la bière ! Sur le site de la fabrique Citoyenne, un·e anonyme (RB) proposait de « garder l’aspect extérieur du bâtiment et à améliorer le confort intérieur, pour combiner un lieu culturel comme un Musée de la photographie et un lieu d’hébergement de type auberge de jeunesse. » En tout cas, les moyens sont là puisque la Métropole a déjà prévu une enveloppe de 21 millions d’euros répartis sur 5 ans pour sa réhabilitation. +d1fos

Mur et de la prison Jacques Cartier

Un tel projet n’est pas unique en France, au contraire. La requalification d’anciens bâtiments publics est de plus en plus fréquente car elle permet de lutter contre la boulimie foncière immobilière de notre époque. Rien ne se perd, tout se transforme ! On vous liste ici quelques exemples venus des villes voisines. Cela peut éventuellement donner quelques idées aux élu·e·s.

  • L’ancienne prison de Coulommiers, dans le département de Seine-et-Marne, est transformée dès 1989, en un Foyer d’Accueil de Nuit pour recevoir les sans-abris en période hivernale. Depuis 2003, elle a été aménagée en bibliothèque municipale. +d1fos
  • L’ancienne prison Saint-Jude de Vitry, située dans la rue du même nom et abandonnée depuis de nombreuses années, a été reconvertie en un lieu proposant de multiples activités culturelles et associatives. +d1fos
  • L’ancienne prison de Guingamp accueille aujourd’hui l’Inseac (Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle) chargé de produire du contenu pour les enseignants dans le domaine de l’art et de la culture. En 2019, la restauration de ce bâtiment était estimée à 7,5 M€. +d1fos
  • En plein cœur historique de Nantes, l’ancien site pénitentiaire a laissé place a laissé place à un mini-quartier composé de 158 logements, d’une crèche et d’un parking, bientôt rejoints par une salle polyvalente et une offre de restauration. +d1fos
  • A Mont-de-Marsan, des logements vont remplacer les cellules de l’ancienne prison construite en 1806, et fermée depuis 2008. Tout…. ou presque va être rasé. Une chose ne va pas changer, c’est la façade. +d1fos
  • L’ancienne prison Saint-Anne à Avignon va être réhabilitée en lieu de vie mêlant logements, centre médical, friche d’artistes et auberge de jeunesse. La municipalité a souhaité un lieu ouvert afin de redynamiser le quartier de la Banasterie, tout en poursuivant leur positionnement stratégique sur l’art et la culture. +d1fos
  • A Fontainebleau, l’ancienne prison a été transformée en logements. +d1fos
  • Au Mans, l’ancienne prison abrite désormais un nouvel espace composé d’une dizaine de commerces et désormais des appartements, dont un loft toujours en vente. Ce lieu laisse une place importante accordée à la culture puisque l’imposant bâtiment accueille le siège d’Europajazz et bientôt une salle de spectacle et un centre d’art contemporain (FIAA ou Fonds International d’Art Actuel). +d1fos
  • Après trois années de travaux, l’ancienne prison Saint-Paul à Lyon est transformée en un lieu de savoir puisqu’elle accueille désormais quelques 6 000 étudiants de l’Université Catholique de Lyon (UCLy) +d1fos
  • La Maison centrale de Nîmes ferme ses portes en juin 1991 : elle est alors transformée en site universitaire. L’Université de Nîmes (faculté des lettres) est inaugurée le 11 octobre 1995. +d1fos
  • Ouverte en août 1814 par Napoléon, l’ancienne maison centrale de Fontevraud était considérée comme l’une des plus dures de France, jusqu’à sa fermeture en 1963. Le domaine est ensuite rétrocédé au Ministère de la culture, à l’exception du domaine de la « Madeleine » qui restera centre de détention jusqu’en 1985. Aujourd’hui, le site de Fontevraud accueille le Centre culturel de l’Ouest où quelques traces du passé pénitentiaire (des cages à poules notamment) ont été préservées. +d1fos
  • Ouverte en 1822 dans les murs d’un ancien hôpital, la Maison centrale d’Haguenau a accueilli une population pénale strictement féminine (condamnées criminelles et correctionnelles) qui pouvait atteindre 800 détenues surveillées par des religieuses, les sœurs de la charité. En 1986, l’établissement est définitivement fermé et partiellement démoli. Réhabilité, le bâtiment accueille depuis 1996, l’Institut universitaire de technologie d’Haguenau et depuis 2001, les services de la Médiathèque de la Vieille-Ile.
  • Bâtie entre 1740 et 1747 sur l’emplacement d’une ancienne commanderie du 14ème siècle dans le quartier de Strasbourg du même nom, la Prison Sainte-Marguerite a fonctionné jusqu’en 1988 après le transfert des détenus à la nouvelle prison de l’Elsau. En 2005, elle est devenue le siège de la prestigieuse École nationale d’administration (ENA). +d1fos
  • Dix ans après le départ des derniers détenus, Toulouse envisage d’acquérir l’ancienne prison Saint-Michel pour 5.5 millions d’euros. Une cité de la musique mais aussi des commerces, un hôtel et des logements devraient bientôt y être construits. +d1fos

L’info pour se la péter lors d’un dîner en ville : Au détour des allées du parc du Bois-Cornillé (près de Vitré), on peut observer au loin une ancienne porte de la maison d’arrêt départementale de Rennes démolie en 1905. +d1fos

(1) A partir du 7 octobre, ces murs accueilleront d’ailleurs une grande exposition sur l’abolition de la peine de mort. Le film « Le déménagement » de Catherine Rechard sera projeté dans la cour de l’ ancienne prison Jacques Cartier dans le cadre de « champs de justice » le 9 octobre à 20h et le 10 octobre à 14h

À la mémoire de toutes les victimes du nazisme… sur le mur de la prison Jacques Cartier.

 

 

[Histoire] : Portes ouvertes à la Maison Centrale de Rennes

 

[Histoire] : A Rennes, il s’évade de prison travesti en femme…

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires