Mythos : Rencontre avec Sergio Grondin

Sergio Grondin - mythosAlter1fo a rencontré le Réunionais Sergio Grondin pour en savoir plus sur Terre Transit qui sera présenté lors du festival Mythos au Théâtre de la Parcheminerie le mercredi 13 avril à 16 heures.

Alter1fo : Peux-tu nous en dire plus sur Terre Transit ?

Sergio Grondin : En fait, il parle de l’exil des Réunionnais en métropole, et principalement de l’exil de la communauté réunionnaise sur le territoire breton. Si tu veux, l’idée démarre au moment où mon dernier pote, un mec de ma génération, part, un mec dont je pensais qu’il partirait jamais, et puis en fait je me retrouve un peu seul dans le quartier, le seul de ma génération à être encore là, parmi mes amis d’enfance. Du coup, je m’aperçois aussi que ces gens qui sont venus s’installer en Bretagne et partout en France, on ne les connait pas. Quand ils rentrent, ils viennent revoir la famille. Nous, quand on va en métropole, on fait le tour des potes aussi, mais on ne sait pas comment ils vivent… Et donc, à partir de là, moi, j’ai envie d’aller voir ce que fait Stéphane, d’aller me rendre compte des réalités. On a un rapport super compliqué, nous, à l’exil, à la France, à l’Histoire… L’Histoire de l’île c’est un peu un exil permanent.

Il y a énormément de liens entre la Bretagne et la Réunion ; toi-même, tu a des origines bretonnes ?

On est tous bretons! l’Histoire démarre de là. En fait, pour l’Histoire française, on est tous censés être bretons, d’après les manuels, c’est ce qu’on nous dit. En fait, c’est la politique française qui tend à tout unifier, et qu’à douze mille kilomètres, on soit encore sous emprise française, mais la réalité est un peu plus compliquée. Les gens venaient de Brest, effectivement, et des autres ports bretons, mais parmi ces gens-là, il y avait aussi des gens qui venaient de Vendée, des gens qui venaient du Nord, du Sud, mais principalement de la Bretagne, c’est vrai, et aujourd’hui encore. Quand tu écoutes du Maloya comme celui de Danyel Waro et des chants de fest noz par ici… Moi quand je suis venu j’ai pris une claque… Pas musicalement, mais dans le chant, ces longues plaintes, c’est la même chose… Donc oui, des racines bretonnes, forcément.

Sergio_GrondinAu sujet de Danyel Waro, il y a un de ses albums qui s’appelle Foutan Fonnkér, il me semble que toi aussi tu crées des Fonnkér, tu peux nous en parler ?

Chez nous, c’est littéralement le « fond du coeur ». C’est la poésie qui vient de là. C’est de la poésie en créole, mais aujourd’hui on assimile ça a du slam. Moi j’en fais depuis que j’ai quinze ans, sur scène: tu viens, avec, ou sans musiciens, souvent sans, et puis tu dis du texte, sans volonté de narration, ou du conte, de la poésie quoi. C’est une tradition qui vient des premiers esclaves, une joute orale, qui est proche du hip-hop, aussi. Ça s’est séparé de l’esprit de compétition, au fil des années, mais c’est resté, et puis aujourd’hui, c’est proche du slam, de la poésie en créole…

Et ici, en spectacle, tu parles en créole?

Là, il y a quelque chose qui est difficile, tu sais, ma langue première c’est le créole. Après, en français c’est un gros boulot, je réadapte quelques contes, c’est laborieux. Je cherche mes mots, c’est pas aussi naturel que ça devrait l’être. Si je commence par un fonnkér, justement, les histoires sont forcément matinées de créole, puisqu’elles parlent de l’endroit où je vis. Le créole revient, donc, et à un moment donné, la vraie peur, c’est que je me mette à parler créole. C’est un peu ce que je crains, parce que parfois, c’est ce qui arrive.

Sergio_GrondinLe Maloya a longtemps été un peu enfoui, en tous cas en Métropole, est-ce le cas aussi pour le fonnkér ?

La culture, chez nous, elle a été étouffée pendant de longues années. On faisait des kabar (fêtes), des regroupements dans les champs de canne, mais alors était envoyée l’armée ou les CRS parce que c’était la grande époque où il fallait réprimer la langue créole; on parlait aussi d’autonomie à cette époque là. Et puis le premier disque de Maloya a été enregistré, notamment grâce à l’aide du parti communiste de Vergès, tout ça, et le fonnkér a suivi le chemin avec, mais c’est un combat qui est loin d’être gagné. C’est une culture qui est très vivace, elle a jamais totalement disparu. Tout le monde écrit, tout le monde parle, il y a des kabar, des concerts, des soirées fonnkér partout. Maintenant, il faut arriver à faire en sorte que ça tienne. Mais on se pose pas trop ces questions là… Moi j’ai grandi en écoutant NTM ou IAM, avant d’écouter Danyel Waro. Je suis venu au fonnkér par le hip-hop, après une dizaine d’années dans un groupe de rap. C’était du hip-hop en créole, inspiré par le hip-hop africain… Et c’est une culture qui est vivace, le fonnkér tout autant.

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Retrouvez Sergio Grondin dans Terre Transit, dans le cadre du festival Mythos au théâtre de la Parcheminerie, mercredi 13 avril à 16h.

Tarif : 8 euros/5 euros. Tarif VIF : 5 euros.

Festival Mythos 2011
Du 12 au 17 avril
infos et programmation complète :
www.festival-mythos.com

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