Mythos: Bertrand Belin : le juste équilibre trouvé entre profondeur et apesanteur

www-Bertrand-Belin_c_Philippe-Lebruman_Bertrand Belin sera en concert au Cabaret Botanique à 18 h dans le cadre du festival Mythos ce samedi 16 avril. Il est des concerts qu’on ne souhaite pas manquer. Celui-ci en fait partie. Explications.

Voilà. Des fois on se fait cueillir sans s’y attendre. On pourrait mentir, dire qu’on écoute Bertrand Belin depuis des années. Qu’on a suivi son parcours depuis ses premières sorties dans les bars bretons, encore ado, avec un batteur plâtrier de 50 ans et ses deux frères, ses collaborations avec Stompin’ Crawfish, Sons of  the desert, Néry, Bénabar, ou son groupe, Les enfants des autres. On n’ira même pas jusqu’à prétendre qu’on l’avait repéré avec ses premières sorties discographiques solos (un mini album 5 titres, en 2003, Bertrand Belin en 2005 ou La perdue en 2007). Pour nous, Bertrand Belin, jusque là, c’était juste le joli nom d’un chanteur qui nous rappelait les petits gâteaux au goûter dans la cuisine de notre enfance. Et puis. Au beau milieu de l’automne, un titre, entendu par hasard, a arrêté la course de la vie quotidienne et nous a forcé à l’écouter.

Ce titre, c’est bien sûr Hypernuit, qui donne son nom au dernier album de Bertrand Belin. On n’y peut rien, à chaque écoute de l’introduction, on a des frissons sur la peau. Cette note synthétique, tenue, qui résonne, ces arpèges qui tournent, les balais sur la caisse claire et la voix grave de Bertrand Belin qui raconte. Un chant profond qui caresse, où l’on pourrait se lover en cas de tempêtes maritimes, une voix-phare qui résiste aux embruns et aux marées et qui pourtant, ne renonce pas à la fragilité. Derrière, le rythme, qu’on irait presque qualifier de sautillant, rappelle ces trains qui traversent les longues plaines américaines, les immenses champs mordorés dans une lumière de fin d’été. On sait ce que Bertrand Belin dit devoir à ces musiques de cet autre ouest. Par delà les ports de pêche bretons : les Johnny Cash, Hank William ou Will Oldham.

Bertrand BelinLa chanson nous hante. On se laisse surprendre par un pont fragile et lacté sans artifice. On devine que cette histoire de vengeance est sombre, terrible, « tellurique » comme le souhaiterait Bertrand Belin. Pourtant la musique se fait, non pas légère, mais davantage aérienne, gagne les hauteurs, celle des nuages de beaux temps tout en restant, en même temps, profondément organique, minérale. Elle a la solidité du granit des côtes d’ici et la limpidité de l’eau qui y ruisselle.

Alors on plonge tête première dans l’album. A l’intérieur, rien de trop. Un juste équilibre trouvé entre la profondeur et l’apesanteur. Entre les vagues qui bouillonnent et le ciel, clair, dégagé. Bien sûr, on a aussi la gorge souvent serrée ( « Si tu t’en vas, ne sois plus mon frère » ). On imagine les remous sous la surface, et pourtant, on est aussi happé par l’atmosphère paisible qui se dégage de ces chansons en même temps solides et fragiles.

« En faisant ce disque clair, dégagé, c’est une façon d’émerger de quelque chose qui serait biographiquement visqueux, nocturne. Je suis né dans une famille de pécheurs, famille nombreuse. J’ai grandi dans un environnement extrêmement violent et alcoolisé. Comme beaucoup de familles autour, ça avait l’air d’être un petit peu la mode à cette époque. Petit, j’imaginais que j’allais rester vivre à Quiberon et devenir pêcheur » explique le musicien aux Inrocks en octobre dernier. « Grâce à la musique, je me suis senti capable de m’extraire de ce qui pouvait me déterminer. Je me suis retrouvé musicien parce que je me suis accroché à la musique comme à une bouée (…) Travailler la guitare, ça me mettait dans une sorte d’hypnose, c’était un endroit de paix.  » Rien d’étonnant, donc à ce que ce très bel album, devienne pour ses auditeurs, un havre de paix, une baie dans laquelle, il fait bon parfois mouiller et s’amarrer.

Bertrand_Belin_03Et puis, avec Bertrand Belin, on n’entend même pas que la voix est mixée en avant sur la musique, comme il est habituel dans la production de la chanson française (l’idée étant de mettre les paroles en avant). C’est pour nous signe d’équilibre. Entre la qualité des paroles et celle des arrangements. Car cette guitare, talentueuse, que tient le chanteur est bien évidemment folk avec une touche d’americana, mais flirte aussi avec le jazz et le classique, toute en humilité. Les arrangements, sans artifice, sont d’une limpidité et d’une simplicité qui touchent, à l’émotion, à la justesse. Là, un piano, là des claquements de mains, une voix féminine, ici des cordes, un orgue. Des petites touches. De celles qui sans bruit et sans tape à l’œil, font ces grands disques intemporels qu’on garde précieusement sous les saphirs de nos platines.

Bien sûr, on pense à Bashung et à ses Fantaisies Militaires, désespérément classes, qui nous font encore pleurer. La nuit je mens, je prends des trains à travers la plaine. L’un de ces trains, conduit par Bertrand Belin, traverse les longues étendues américaines, les campagnes immenses et, au mépris d’une géographie classique, surplombe et longe, en même temps, les côtes rocheuses bretonnes. Il embarquera de nouveaux voyageurs ce samedi au Cabaret Botanique. Tenez vous prêts.

Retrouvez tous nos articles sur Mythos ici.

Bannière Mythos

_____________________________________________

Bertrand Belin sera en concert au Cabaret Botanique (Jardins du Thabor, entrée  St Melaine) à 18 h dans le cadre du festival Mythos samedi 16 avril.

Site de Bertrand Belin : http://www.bertrandbelin.com/

Festival Mythos 2011
Du 12 au 17 avril
infos et programmation complète :
www.festival-mythos.com

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires