Mermonte en interview : plateau solaire au Oan’s Pub, samedi 21 juin

Mermonte

Si vous vous arrêtez au Oan’s Pub lors de la Fête de la Musique, vous risquez fort de ne plus bouger de la soirée : sept groupes rennais exceptionnels s’y produiront, avec Furie, Fago Sepia, Totorro, Bumpkin Island, Lady Jane, Mha et Mermonte, excusez du peu. Un plateau de rêve qui jouera, fort heureusement, sur la terrasse du Oan’s. L’occasion de (re)découvrir les talentueux Mermonte, après une soirée inoubliable à l’Antipode pour fêter la sortie de l’incontournable Audiorama.

Mermonte a en effet réussi là où de nombreux groupes se sont cassés les dents : un second album à la hauteur du premier, et même au-delà. Ils avaient pourtant placé la barre à des hauteurs stratosphériques avec la pop orchestrale solaire de leur premier opus mais on ressent les vertiges de l’altitude avec Audiorama, sorti le 27 mai sur Clapping Music. Leur pop orchestrale solaire fait d’astucieux détours vers d’autres styles musicaux : cet album est un écrin remarquable, qui renferme autant de pépites que de titres. Des arrangements somptueux, des compositions qui fourmillent d’idées, une palette instrumentale élargie, avec, entre autres, la présence de cuivres, et des choeurs toujours aussi réjouissants. Et le tracklisting de l’album est un modèle du genre, parfaitement équilibré : un soin particulier a été apporté aux transitions entre les titres, ce qui donne au final un album au sens propre du terme. Une histoire que l’on écoute d’une traite et que l’on réécoute avec jubilation.

Et leur tout nouveau set nous a collé une dérouillée monumentale, alternant judicieusement les titres des deux albums avec une belle cohérence. Un set péchu, une nouvelle disposition scénique permettant d’admirer le ballet permanent des multi-instrumentistes, des invités réjouissants, bref, une capacité à se réinventer qui nous a une fois de plus surpris. On a eu le plaisir de poser quelques questions à Ghislain, Astrid et Pierre, quelques minutes après leur concert. Rencontre.

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Alter1fo : Vous avez perdu le plan de scène depuis la dernière tournée ?

(rires)

Astrid : Un mec m’a dit : « je me suis mis côté jardin pour te voir et je me suis fait avoir !»

Ghislain : La principale raison, c’est le son.

Pierre : Visuellement, c’était cool d’avoir les deux batteries en face. Mais quand les batteries sont au milieu, c’est dur pour les autres instruments, notamment pour les cordes, le glokenspiel…. Il y a un niveau sonore tellement élevé que toute la partie acoustique du set se complique : même pour l’ingé son, c’est difficile à reprendre. Pour nous autres, quand le batteur joue, tu l’entends, quoiqu’il arrive : plus il est loin et moins on galère. Donc il y a un côté pratique au départ, mais ça permet aussi de changer un petit peu pour la deuxième saison.

Astrid : C’est plus confortable aussi pour les voix. Les nouveaux morceaux étant plus axés sur les voix, c’était important de faire attention à ça aussi.

Pour le premier album il y avait 6 musiciens en studio et 10 sur scène. Pour Audiorama, il y a 11 musiciens sur scène mais plus de 20 en studio. Pourquoi ?

Ghislain : Pour le premier album, on pouvait avoir de la guitare, de la basse, du violon… Pour le deuxième, ça me faisait plaisir de pouvoir composer pour une flûte, pour une trompette, ou pour une clarinette. Donc on a demandé à tous nos copains de venir.

Le tracklisting est plus équilibré que sur le premier album. Il y a une courbe sinusoïdale.

Ghislain : On a beaucoup travaillé sur le tracklisting, je voulais que ça fasse une petite histoire. Sur un album, je n’aime pas trop les morceaux par morceaux : j’aime beaucoup cette idée de faire d’un album un seul morceau.

Pierre : Ecrire un disque, plus qu’une compilation de morceaux. Un album avec un début et une fin.

On l’a senti notamment sur les transitions, où vous avez fait un gros boulot. C’est un album qui s’écoute vraiment d’une traite.

Ghislain : Ca peut aussi poser un problème : on a voulu faire une histoire avec tout ça mais il n’y a pas de titres porteurs. Je n’ai pas voulu faire un tube, mais vraiment un album en entier.

Vous avez déjà joué une bonne moitié des titres d’Audiorama sur scène, notamment aux Vieilles Charrues. Est-ce que l’enregistrement d’Audiorama a été influencé par le live ?

Ghislain : Sur certains morceaux, oui. Comme Karel Fracapane par exemple: on l’a fait parce qu’on avait envie d’un titre pêchu. Sans réfléchir, un peu comme quand tu es bourré dans un festoch’ et que tu sautes. Et on aime bien voir ça aussi ! (rires)

Mermonte

Et il a été enregistré après, comme pas mal de morceaux ?

Pierre : Oui, il y a pas mal de morceaux sur l’album que l’on jouait depuis un moment en live.

Ghislain : Exact. Il y avait Karel Fracapane, Gaëtan Heuzé, Fanny Giroud, Cédric Achenza.

Pierre : Des morceaux qu’on a eu le temps d’expérimenter en live, et ça doit se ressentir sur le disque. Pendant l’enregistrement, on a vu qu’il y avait des morceaux qu’on avait déjà dans les mains. Les titres que tu joues trente fois en live et dix mille fois en répet, tu les enregistres plus naturellement.

Ghislain : On a un peu plus expérimenté le son en studio. Ca a beaucoup changé le live, parce qu’on essaie de mettre plus de disto, de réverb : c’est moins linéaire.

Dans le processus d’enregistrement, les arrangements ont été faits pour le live, donc quand vous enregistrez, le boulot est déjà fait ?

Astrid : Pas seulement.

Ghislain : C’est aussi en enregistrant les morceaux, en les écoutant en studio. Pour Karel Fracapane, on avait fait juste des sons clairs en enregistrement et ça ne me plaisait pas trop parce qu’il n’y avait pas assez d’énergie. Donc on a mis à donf’ les disto et les réverb et ça a commencé à sonner (rires).

Astrid, tu as participé à la composition de trois titres ?

Astrid : Oui, sur les paroles plus exactement. On nous a d’ailleurs posé pas mal de questions sur ces paroles, et notamment pourquoi ne sont elles pas plus audibles ? C’est une volonté de Ghislain au départ, mais on s’y retrouve tous : le texte fait partie de la mélodie, les voix sont des instruments.

Ghislain, tu as poussé beaucoup plus loin les compos : il y a souvent plusieurs idées par titre, comme sur Cédric Achenza et surtout Cécile Arendarsky. C’était un besoin de se renouveler ou une envie de se lâcher ?

Ghislain : Un peu des deux. L’envie d’expérimenter au maximum mais c’est surtout lié aux influences que tu écoutes à un moment donné. On avait fait une reprise des Cure : sur le titre Cécile Arendarsky, j’ai essayé de faire quelque chose comme Plainsong sur Disintegration, avec des grosses nappes de synthé. Pour Cédric Achenza, j’écoutais à l’époque Neurosis : les influences viennent des écoutes du moment.

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Astrid : Et tous les titres font référence à des potes de Ghislain, donc il a composé des morceaux qui leur correspondent.

Ghislain : Cédric Achenza n’écoute que du stoner, donc je ne peux pas faire quelque chose de tout mimi, il faut une bonne grosse gratte (rires).

On ne va pas reprendre les morceaux les uns après les autres, tu l’as très bien fait sur le site des Inrocks (lire ici). Juste deux ou trois petites questions qui nous trottent dans la tête. Sur André Ludd, tu parles d’empilement de réverb de guitares dans un couloir, mais on n’est pas sûr d’avoir tout compris ! C’est une idée de Pierre et Julien ?

Pierre : On est parti sur une histoire de déformation du son : tu enregistres une guitare, tu la projettes par une enceinte, et tu la réenregistres plus loin. Ce dernier enregistrement, tu le renvoies et tu le réenregistres, etc, on a dû le faire vingt fois comme ça. Au fur et à mesure, le son se distord complètement. C’est la déstructuration du son par un phénomène de réenregistrement. Ce n’est pas une déformation que tu obtient avec un effet. Ca vient de la propagation du son et de sa déformation dans l’espace. On avait installé ça en haut d’un escalier dans un vieux presbytère, et on avait enregistré en bas de l’escalier. Et encore, on n’a pas mélangé toutes les prises ! Tu te retrouves avec 80 pistes, et tu pioches parmi les prises.

Sur Mathieu Rouet, quel est ce bruit de fond qui fait penser à de vieux enregistrements, un son « à l’ancienne » ?

Ghislain : C’est Matthieu Fisson qui nous a enregistré avec un magnétophone à cassettes, tout simplement. On aime bien les guitares acoustiques avec un son particulier.

Pierre : On avait fait ça sur le premier album : on avait enregistré Jamie dans mes toilettes (rires). On avait surcompressé le titre, donc tu récupères vraiment une ambiance confinée.

Sur Florian Jamelot, tu parles d’une introduction pour un futur travail de musique de film, tu peux nous en dire plus ?

Ghislain : (silence)… je ne sais pas si je peux vraiment…

Tu peux aussi ne pas nous en dire plus ! (rires)

Astrid : Rien n’est fait, mais c’est en projet.

Comment s’est faite la rencontre avec le label Clapping Music ?

Ghislain : C’était lors d’une journée de balances de la première Blogothèque (ndlr : à Saint-Malo, à découvrir ici). Avec l’ancien manager Jeff, on était très intéressé par ce label. Il a envoyé un mail par hasard, et ce mail s’est croisé avec celui de Clapping Music qui nous demandait si on était intéressé pour figurer sur le label.

L’album a été enregistré par l’un des guitaristes de Mermonte, Julien Lemonnier. L’enregistrement s’est passé en plusieurs étapes ? Lorsqu’on vous avait interviewé aux Vieilles Charrues, les trois quarts étaient enregistrés…

Les trois : on va plutôt dire la moitié !

Donc vous avez eu des sessions d’enregistrement pendant la tournée ?

Pierre : Music non stop !

Et vous avez finalisé l’enregistrement cet hiver ?

Pierre : Oui, en décembre-janvier. Mastering en février. Puis réécoute avec tous les membres du groupe pour savoir si ça convenait à tout le monde, et pressage, etc…

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Snaevar est beaucoup plus que le producteur de l’album : il a notamment chanté sur Fanny Giroud. Comment s’est passée la rencontre ?

Ghislain : J’avais organisé un concert il y a cinq ou six ans au Sambre : il y avait Botibol, Fago Sepia, et Mimas, son premier groupe. On était fan d’un label, Big Scary Monster, un label anglais qui les avait signés. On a appris ensuite qu’il avait un projet solo qui s’appelait Dad Rocks! J’avais adoré le clip : je lui avait envoyé un message en lui proposant de venir jouer au Oan’s Pub. Lors d’une tournée, on a joué deux fois au Danemark avec lui. Et il a également produit le premier album au Danemark.

La soirée est passée tellement vite qu’on a honteusement raté Onamission… Qu’est ce qui se cache derrière ce titre mystérieux ?

Astrid : On ne peut pas le dire, ça se dévoile dans le clip !

D’accord ! Et d’où est venue cette idée ? De vous ou de la Blogothèque ?

Ghislain : Ca c’était très bien passé la première fois (ndlr : à St Malo en décembre 2012), on s’est parfaitement entendu avec eux. Ils ont assisté à plusieurs concerts ensuite. Et c’est Hugo qui nous a proposé de faire un film.

Ce film était diffusé en avant-première à l’Antipode : est ce qu’il y aura des séances de rattrapage ?

Ghislain : Oui, on est en train d’y réfléchir. On va essayer de le diffuser pendant les festivals, mais on le garde sous le coude pour le moment !

On a trouvé cette Carte Blanche passionnante, parce que très originale : un quatuor à cordes qui joue une musique minimaliste pour ouvrir cette soirée, ça paraissait improbable ! (rires) Ca vous a semblé évident de choisir The Whalestoe Attic ?

Ghislain : C’est Matthieu Fisson qui avait proposé un quatuor à cordes : il se trouve que Morgane Houdemont, la nouvelle violoniste, composait au sein d’un nouveau quatuor.

Astrid : C’était le premier concert avec The Whalestoe Attic pour Morgane et Juliette, mais aussi le premier concert avec Mermonte !

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Alors justement le line-up est quasiment le même depuis deux ans, donc chapeau ! Il y a seulement deux petits changements au niveau des cordes. Pourquoi, si ce n’est pas trop indiscret ?

Astrid : Charlotte et Benjamin sont sur Nantes, ont des familles, des enfants, donc ce n’était pas évident à gérer, notamment pour les tournées. Ca leur demandait une sacrée organisation !

Sur le choix de Morgane Houdemont et Juliette Divry : elles sont sur des univers pop-rock à l’origine. C’est ce qui a motivé votre choix ?

Astrid : En fait, ce sont Charlotte et Benjamin qui nous les ont présentés ! Ca s’est fait assez naturellement. Et la Blogothèque a permis justement de faire cette transmission entre les deux duos de cordes puisque Charlotte et Benjamin étaient présents avec Morgane et Juliette sur Onamission.

Vous avez une date le 24 Juin au Point Ephémère avec Jesus Christ Fashion Barbe, quelques jours après la grosse soirée au Oan’s Pub pour la Fête de la Musique. Vous avez d’autres dates ?

Ghislain : On a plein d’options mais rien n’est vraiment confirmé pour le moment. En Allemagne et en Suisse probablement. Et des projets de dates à partir de septembre.

Merci beaucoup !

Merci à vous !

Un grand merci à Ghislain, Pierre et Astrid de nous avoir consacré ce moment, quelques minutes après leur concert. Et un grand merci à Angèle pour avoir organisé cette interview.

Mermonte, Furie, Mha, Bumpkin Island, Fago Sepia, Lady Jane, Totorro @ Oan’s Pub, samedi 21 juin à partir de 17h30 !

Vous pouvez écouter ces groupes via l’excellente carte interactive de Rennes Musique :

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