Fidèles à ses bonnes habitudes, le festival Maintenant concluait sa superbe édition 2015 par un copieux assortiment de propositions ludiques et pétillantes s’adressant aux enfants de tous âges. La fête avait lieu cette année au Cadran dans le quartier Beauregard et se déroulait samedi 17 et dimanche 18 octobre. Du coup, de l’appellation Familles Electroni[k], elle passait fort logiquement à Super Week-end ! Nos alterzouzous s’y sont rendus sur la seconde journée afin de tester avec gourmandise cette joyeuse récréation bigarrée qui a fait la part belle à leur créativité débridée.
Le rendez-vous fait désormais intégralement partie de nos rituels familiaux et nos petiots ont grandi en sa compagnie. Depuis 2010, ils y ont joué de la musique avec de la gelée, des disques gribouillés ou des post-it, dessiné avec des robots ou sur des crêpes, créé des costumes de super héros, des films d’animation et des utopies colorées, expérimenté les jeux vidéos les plus étranges et poétiques, assisté à des spectacles qui sont restés dans nos petites mémoires familiales, dansé dans des boums bigarrées… C’est donc avec moults petits cris joyeux et surexcités que nous nous rendons au Cadran, la maison de quartier de Beauregard, découvrir ce que le festival Maintenant nous réserve cette année. Première bonne nouvelle, le lieu n’est pas très difficile à trouver. Situé juste à côté des soixante-douze monolithes gris de l’Alignement du XXIème siècle d’Aurélie de Nemours, le bâtiment est aisément repérable. Nous tournons un peu pour en trouver l’entrée, mais c’est surtout dû au fait que nous repérons rapidement à l’extérieur de familières pièces de puzzle rose fuschia.
Les 2 800 (?!) kaplas mutants couleur malabar de Bloom Games, imaginés par Alisa Andrasek et José Sanchez, ont en effet envahi la pelouse jouxtant le cadran. Sous ce chouette soleil automnal, difficile de résister à l’envie d’en tester les infinies possibilités. Nos loulous se bagarrent un peu avec un système d’attache demandant un peu de poigne mais le plaisir de la création, prend vite le dessus. Nos loulous ayant décidé de faire leurs gars à fond, un pistolet laser atomique teste rapidement la résistance d’une épée et d’un bouclier de ninja magique. Nous écourtons cependant assez vite la bataille pour profiter des animations avant l’arrivée de la foule.
Il est temps pour nous de partir à la découverte du Cadran. Nous explorons cette drôle de maison de quartier construite toute en hauteur. Même avec une foule pour l’instant encore disparate, la circulation dans les escaliers s’avère assez délicate dès que plus de deux personnes les empruntent. L’aspect plus sympathique du lieu c’est qu’il dispose de nombreux petits coins, dans un desquels nous retrouvons Hit the beat, la très élégante boîte à rythme boisée du designer graphique italien Lorenzo Bravi. Sur sept socles reliés à une minimaliste boîte de commandes, reposent sept cubes ouverts sur le haut. A l’intérieur est disposé un réjouissant bric-à-brac de graines, capsules, perles, boutons, nouilles ou glands… qui va recevoir sur un rythme défini par une simplissime série de potentiomètres (boutons pouvant glisser à différentes hauteurs) des impulsions qui les font vibrer et produire des sons à intervalles réguliers. Le tout produit une musique délicate (le volume sonore produit par l’engin est des plus doux) et au groove délicieusement singulier. Une file d’enfants enthousiastes vient tester ses talents de beatmaker. Les plus fonceurs s’essayent au breakcore feutré alors que les plus délicats tentent une électronisa épurée et organique. La grande variété des productions et l’ambiance intime qui se dégage de ces sonorités subtiles rendant l’expérience très agréable.
Pendant que nos bambins vont se bricoler d’imposants masques de super-héros multicolores, nous nous glissons dans la salle de danse pour assister au premier concert au casque de l’après-midi du Rennais Chambry. Nous retrouvons avec un plaisir intact les coussins rouges et les entrelacs de fils de casque jonchant le traditionnel parquet. Casque vissé sur les oreilles et bien calé dans un coin, nous profitons de notre petite bulle musicale, d’abord en observant les réactions des autres spectateurs, puis tout simplement en fermant les yeux histoire d’achever le caractère intime de l’histoire. Il faut dire que la musique du monsieur est propice à la rêverie. Ça démarre sur une étrange disco nu-jazz distordue et cotonneuse, qui nous envoie direct vers ce que pourrait diffuser FIP si elle était émise depuis la planète Mars. Ça enchaine sur les notes vaporeuses d’un piano hanté gisant au fond de l’océan avant de dériver vers les échos des messages perdus d’un singulier répondeur percutés par des rythmes passés à la moulinette. Tout en douceur, nous dérivons ensuite vers une langoureuse italo-pop emberlificotée dans d’étonnantes rythmiques hip-hop jusqu’à un final où la voix se ralentit jusqu’à extinction. Un très beau voyage onirique et spatial dont on sort à la fois encore un peu dans les nuages mais aussi totalement revigoré.
Nos ouailles ayant terminé leurs parures de super-zozos cosmiques et étant repassés jouer avec les rythmes bricolos mais subtiles d’Hit the beat, il est temps de nous diriger vers la salle de spectacle où nous allons participer au périple du Barnabé de Joséphine Herbelin. A cette heure le public s’est nettement étoffé et une belle brochette de bambins entoure la table sur laquelle sont installés les décors de l’aventure imprimés sur de grandes feuilles. La demoiselle les invite gentiment à ne pas trop se gâcher les surprises et démarre devant une salle bien bondée. Le dispositif est à la fois high-tech et délicieusement bricolo. Joséphine Herbelin met en place rapidement et avec malice la problématique simple mais efficace de son histoire : Barnabé (un sympathique et étrange poisson rouge vif à pattes) doit faire face à la fureur de Sissi son paresseux affamé et part à la recherche de quoi le contenter. Les décors imprimés sur de grandes feuilles sont projetés sur le mur. Les personnages viennent s’incruster par dessus à l’aide d’un épatant clavier permettant de choisir parmi une palette de petites animations tout à fait choupinettes ou sont tout simplement dessinés en direct par la demoiselle. L’aspect interactif du spectacle est lui aussi assez cocasse. Joséphine Herbelin invite ses spectateurs à choisir « sans lever la main. On n’est pas à l’école » les étapes de la quête, les différentes rencontres ou les découvertes de son drôle de héros. Ça tourne assez vite au joyeux concours de gueuloir enfantin d’où fuseront un loup-garou fantôme zombi, une voisine sur un météore ou des recettes hautes en couleur. Ça pourrait totalement partir en vrille mais la demoiselle gère avec calme ce sympathique chaos et sait faire doucement redescendre le ton quand cela s’avère nécessaire. A la fin d’un périple aussi surréaliste que délirant et malgré quelques ratés culinaires gastriquement problématiques, Barnabé réussira à rassasier son paresseux goulu et les zouzous pourront venir contrôler l’écarlate bestiole et découvrir d’épatantes petites animations inédites. Une expérience facétieuse et joliment bordélique dont nos alter-pitchounes sortent le sourire jusqu’aux oreilles.
A peine le temps d’aller goûter aux savoureux electronica[k]e et il est déjà temps de retourner à la salle de spectacle pour le très attendu Soft Revolvers de Myriam Bleau. Les impressionnantes vidéos des toupies lumineuses de la canadienne avaient laissé bouche bée nos petiots et ils étaient donc très impatients de découvrir en live ces vertigineuses machines. Ils ne vont pas être déçus. Même si on sent que la demoiselle met un poil la pédale douce pour le jeune public, le volume et surtout les flashs puissants délivrés par les engins impressionnent fortement les plus petits. Le ballet des quatre toupies translucides est un spectacle assez fascinant. A chaque engin est associée une gamme de sons (rythme, voix, synthés…) qui accélère, décélère, se déforme au gré des gestes de la demoiselle ou des collisions. La gamme sonore est riche et portée par des rythmiques puissantes mais elle n’hésite pas à partir aussi vers des sonorités plus abrasives ou distordues qui ne heurteront pourtant pas plus que ça les petites oreilles. Visuellement c’est tout autant un régal. Les lumières tranchées et les trajectoires vertigineuses des toupies retransmises au mur par une caméra filmant du dessus captivent l’auditoire. D’autant plus que la demoiselle nous offre une prestation très physique. On sent que le maniement des quatre toupies demandent une énergie et une attention folle. On la sent prête à bondir pour relancer la machine ou saisir au vol un des imprévisibles accidents de parcours produits par les rotations effrénées de ces derviches de plexiglas. Au grand bonheur des enfants, les toupies terminent leur course dans le public et ils peuvent longuement en expérimenter l’étrange grâce qui se dégage de ces improbables engins.
Nous prenons ensuite le temps d’aller observer l’outil Pas à Pas qui permet en toute simplicité de créer de courts films d’animation où s’ébattent des pièces de bois colorés tout droit échappées du Tétris. Pas facile pour nos loulous d’avoir un peu de la patience infinie des vrais animateurs, le résultat est donc souvent un peu confus mais le plaisir du « c’est moi qui l’ai fait » reste un petit bonheur à savourer. Un petit détour par les jeux vidéo créés avec l’aide de Cyril Diagne et deux groupes de jeunes du Grand Cordel MJC et du Cadran lors d’ateliers en juillet 2015 et il est temps pour nous de regagner nos pénates. Nous prenons tout de même le temps de revenir sur la pelouse où les kaplas roses de Bloom Games ont joyeusement envahi l’espace. On y croise des cabanes extraterrestres, des montures fantastiques et même une plante grimpante martienne partie à l’assaut d’un des blocs de l’Alignement du XXIème siècle.
Pari une fois de plus réussi pour l’association Electroni[k], son édition 2015 du festival Maintenant aura à nouveau trouvé une conclusion riche en souvenirs bigarrés et savoureux. Une expérience joyeusement foutraque dont nos minis-afficionados sortent une fois de plus ravis et totalement prêts à signer pour l’année prochaine et les suivantes.
Retrouvez ici tous nos articles sur Maintenant avant, pendant et après le festival.
Plus d’1fos : http://www.maintenant-festival.fr/
Maintenant avait lieu du 13 au 18 octobre 2015.