Maintenant 2015 – Nuit Arts et Sciences : Et la lumière fut…

Depuis plusieurs années, le festival Maintenant réserve sa soirée du jeudi aux expérimentations mêlant Arts et Sciences au Diapason sur le Campus de Beaulieu. Cette année encore, l’équipe d’Electroni[k] proposait ainsi de découvrir comment la science se met au service de la « créativité débridée d’artistes, d’étudiants et de chercheurs » lors d’une soirée placée sous le signe de la lumière autour d’un épatant programme ce jeudi 15 octobre au Diapason. Toupies lumineuses qui jouent de la musique, groove des cure-dents, peinture à la lumière ou performances dansées à couper le souffle : on en a pris plein les yeux et les oreilles écarquillés.

2015-10-MAINTENANT_alter1fo 19Une fois n’est pas coutume, on ne verra pas toutes les installations présentées, histoire pour une fois de prendre le temps de voir un peu les copains. On s’arrêtera cependant comme beaucoup devant Hit the beat du designer graphique italien Lorenzo Bravi permettant de faire breaker les objets les plus anodins. Cette élégante boîte à rythme boisée vous propose, par de judicieuses programmations de petites impulsions délivrées par des supports carrés, de faire vibrer à volonté les objets les plus divers dans une joyeuse symphonie électro. Autant dire que la boîte a du succès et que tour à tour, chacun se presse pour jouer du crossfader faisant s’entrechoquer avec bonheur petites graines et autres boutons de chemise pour un rendu épatant.

Dans le grand hall du Diapason également, d’autres colorient avec (plus ou moins) d’application de grandes fresques reprenant le visuel créé par Ori Toor pour Maintenant. Plus loin, on s’affale dans des fauteuils sous un énorme nuage ou on s’instruit consciencieusement à l’aide d’expériences autour de la lumière avec des enseignants-chercheurs et des étudiants de l’Insa de Rennes (notamment autour de la propagation du son par la lumière). Dans une petite salle, juste à côté, ça soude et découpe à l’atelier Dépliez : connectez sous la direction de Lucie Le Guen pour que chacun puisse repartir avec une source lumineuse personnelle, le tout en profitant de la sélection musicale d’Ymothep derrière les platines.

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On retrouve également notre ami Gwendal Le Flem (qu’on connaît ici comme formidable photographe) derrière des rideaux épais pour un atelier Light-painting qui ne désemplit pas une seconde. Chacun crée son scénario et son image à l’aide de sources lumineuses et de pochoirs (bombe, smileys, space invaders…) pour un résultat tour à tour étonnant, rigolo ou féérique.

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En plus de ces installations et ateliers, l’équipe de Maintenant nous propose également de découvrir trois propositions particulièrement époustouflantes dans la grande salle du Diapason : deux performances audiovisuelles dansées par Hiroaki Umeda : Split Flow et Accumalated Layout qui encadreront une autre expérience visuelle et sonore bluffante : Soft Revolvers de Myriam Bleau. Commençons par la Canadienne qui va nous délivrer ce soir une performance aussi spectaculaire pour les yeux que pour les oreilles.

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Pour créer ses boucles sonores, Myriam Bleau se sert en effet de quatre étranges toupies lumineuses, translucides et bardées de senseurs. Dans la salle plongée dans un noir complet, elle commence par faire tourner une première toupie au sol, afin que chacun comprenne le principe de la composition  : les toupies émettent en effet de la lumière et des sons selon le mouvement de rotation. Chaque toupie est ainsi associée à un ensemble de sons particuliers, comme un instrument. Puis la jeune femme passe aux choses sérieuses, et commence à jouer de ces quatre toupies sur une table sur la scène. Au-dessus, une caméra permet la captation vidéo de la table de performance en direct, invitant chacun notamment à suivre les différents mouvements des toupies en direct, mais renforçant également l’aspect hypnotique de la performance, les lumières tourbillonnant et imprimant leurs rotations sur nos rétines dans un ballet visuel aussi abstrait que captivant.

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Du point de vue du son, on ne sait également plus où donner de la tête : grésillements électriques, stridences électroniques, vocaux hantés, rythmiques hoquetantes s’entrechoquent avec une fluidité inattendue. La vertigineuse rotation de ces toupies évoquant aussi bien la virtuosité des danseurs hip hop que les délices scratchés du turntablism, pour produire une musique au groove haché et électrique parsemée de pétillants parasites. Myriam Bleau lance une toupie, en ralentit une autre, laisse divaguer une troisième avant de reprendre énergiquement la main sur la quatrième, le tout dans un ballet haletant et toujours en suspens. « La nature imprévisible des objets demande une part d’improvisation : je ne sais jamais exactement combien de temps tournera telle toupie, ou si certaines entreront en collision. Je dois donc toujours être à l’écoute et réagir à la situation dans laquelle je me retrouve » expliquait l’artiste en interview. Ainsi, quand pour finir la performance, la jeune femme descend de la scène pour lancer ses toupies les unes après les autres sur le parterre aux pieds du public, on ne s’étonne qu’à peine de la voir quasi courir pour imprimer leurs mouvements aux quatre instruments tant la performance est physique. Complètement bluffé, le public applaudit à tout rompre et une fois les lumières allumées, beaucoup se précipitent devant la table de performance pour aller voir les toupies de plus près et questionner la jeune artiste, aussi intrigués que fascinés.

2015-10-MAINTENANT_alter1fo 36Juste avant, la performance audiovisuelle d’Hiroaki Umeda Accumalated Layout a également eu de quoi fasciner, même si bien moins facile d’accès, si l’on en croit les commentaires de nombreux étudiants autour de nous.  Pourtant ce garçon est juste incroyable. Dans Accumalated Layout, le jeune chorégraphe et danseur japonais  mêle en effet avec un talent à couper le souffle chorégraphie et nouvelles technologies. Mouvements épurés, à la fois spasmodiques et fluides, desquels émane une forte puissance électrique, la performance d’Hiroaki Umeda se révèle aussi incisive qu’hypnotique. La partition musicale raclée jusqu’à l’os qui l’accompagne renforce encore notre fascination.

Pour Accumalated Layout, Hiroaki Umeda travaille avec la lumière, celle-ci perturbant nos perceptions mais également définissant, voire sculptant l’espace. Les lumières  surgissent de l’obscur, intenses, brèves, éphémères, ou au contraire installent un lourd tapis lumineux sur la scène. Surgissant des côtés, du plafond, du sol, cette lumière éclaire, dissimule, révèle. Les différents états lumineux définissent l’espace de cette danse tout aussi fragmentée que multiple. «La lumière n’existe pas pour montrer la danse mais pour créer un espace. Avec ses variations, elle devient dynamique… Je veux la travailler comme je travaille le son et l’image, en créant des changements d’état…» expliquait en effet Hiroaki Umeda.

Nous, on en a la mâchoire décrochée tellement la performance est intense, de glissements en saccades, d’éblouissements en spasmes. On croirait le corps du danseur devenu onde magnétique, onde lumineuse striée de matière électronique, tout en décharge vitale. On ne sait pas si ce gars improvise certains moments, mais sa précision dans le geste, le son et la lumière est tout bonnement hallucinante. Quand la lumière s’allume, on est encore sous le choc.

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Après un court temps de repos (en gros le temps de la performance de Miriam Bleau), Hiroaki Umeda revient sur scène pour la seconde performance de la soirée. Split Flow est cette fois pensé autour de la différence entre deux réalités : le mouvement et l’immobilité. Le corps n’apparaît ainsi que par le mouvement d’un laser venant découper l’obscurité. Sur le sol, les lumières font également ressortir deux ombres de couleurs différentes donnant au danseur trois réalités visuelles. Il semblerait que l’interaction entre la lumière et le mouvement ne s’arrête pas là puisqu’on a lu que pour Split Flow les projections lumineuses se voient, grâce à des capteurs, générées par le mouvement.

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Avec Split Flow, on passe encore une fois de la fluidité au spasme avec la même déconcertante facilité. L’artiste donne un double sens au mouvement en associant et en enchaînant des mouvements contradictoires. Lenteur et rapidité, linéarité et hoquets s’y côtoient, s’y succèdent, s’y mêlent dans une forme aussi épurée que percutante. On se souvient avoir appris la double nature de la lumière au lycée, à la fois corpusculaire et ondulatoire : on a l’impression que c’est exactement cette double réalité qu’Umeda nous donne à voir.

Pendant la partie finale, seul un laser éclaire le corps du danseur. « L’installation à été conçue à partir de lumière laser. Au premier regard, on ne voit qu’une lumière blanche si on ne bouge pas. Mais si vous bougez votre regard ou qu’on bouge simplement dans la lumière, alors les couleurs apparaissent » soulignait le danseur. S’ensuit un captivant pas de deux du chorégraphe avec le laser qui révèle et obture ses mouvements (et inversement) dans un crépitement de couleurs. Là encore, la performance est captivante de bout en bout et on en ressort tout aussi stupéfait. Merci Maintenant.

Photos : Caro

Retrouvez ici tous nos articles sur Maintenant avant, pendant et après le festival.

 

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