Littérature jeunesse en avril

 

MeMo est une maison d’édition nantaise majeure, et ce n’est pas seulement son âge qui la rend incontournable, mais la qualité évidente de ses productions : des albums originaux, voire parfois déstabilisants (pour l’adulte, car l’enfant se joue mieux des pavés mal équarris), d’un rendu irréprochable en terme d’objet-livre. Le papier bouffant, entre autres, est un régal.

Voilà que, dorénavant, MeMo nous propose une collection baptisée PriMo, souple, comme des cahiers, cousus d’ailleurs, à un prix modeste qui ne brade rien des exigences originelles mais permet peut-être de (se) les offrir plus souvent.

 

On s’envole donc aujourd’hui avec deux histoires d’oiseaux, bien différentes dans la forme et pourtant pas si éloignées l’une de l’autre dans le fond.

© Jennifer Yerkes / éditions MeMo 2011

 


Jennifer Yerkes
nous pose à la hauteur d’un petit oiseau, discret par la force des choses puisqu’il n’est visible que par son oeil, son bec, ses pattes. Ce n’est pas l’oiseau invisible, mais il n’apparaît qu’en contraste sur un fond coloré. Et il se sent désemparé de n’être aperçu que pour être moqué. Le voilà qui s’en va, et son voyage va se faire initiatique.

Il n’est pas comme les autres, on ne lui prête aucune attention ? Qu’importe, il récolte des échantillons animaux et végétaux au gré de ses pérégrinations dans le monde « vaste et beau »… et s’en pare fièrement, dès lors on ne voit plus que lui… ce que ne manque pas de remarquer un renard de passage ! Après la panique, le Drôle d’oiseau comprend vite que, si trop se montrer est dangereux, pour vivre heureux, vivre caché ne suffit pas… il trouve une idée « alterophile », et ne sera plus solitaire…

Le travail graphique de Jennifer Yerkes semble faire la part belle au vide par rapport au plein, au peu visible, au blanc sur la couleur. On ne se lasse pas non plus de revenir à la découverte de détails qui changent tout, la forme d’un oeil, le dessin d’une plume, la nervure des feuilles… Voilà des pages agréablement rythmées, et l’on aimerait savoir quels échantillons l’auteure-illustratrice, désormais strasbourgeoise, a glané dans ses propres périples dans le monde « vaste et beau » et quel est son rapport à la page blanche.

 

Drôle d’oiseau, Jennifer Yerkes, éditions MeMo, collection PriMo, 2011, 8€.

 

© Noémi Schipfer / éditions MeMo 2011

 

Filer droit n’est pas coloré, et, au premier abord, on reculerait peut-être… il est fait d’innombrables lignes droites, horizontales et verticales, noires sur blanc. Son semblant de simplicité ne le rend pas pour autant facile d’accès et ne le dénue pas d’intérêt, au contraire. Noémi Schipfer, toute jeune illustratrice, joue du minimal pour un effet extrême.

Qui oserait douter de l’efficacité de son trait (au sens propre) qui emmène les courtes phrases de son texte plus loin que l’horizon rétréci où une lecture trop rapide les cantonnerait ?

Un canard différent, qui « ne [s’aligne] pas sur ses frères et soeurs et [reste] toujours dans son coin », disparaît aussi malgré lui dans le paysage automnal. Se confond. Se laisse oublier. « PAN ! » Ne bouge plus pour sauver sa peau. Puis dans le calme revenu, s’envole. Jusqu’à ce que « BING », une rencontre. Ça valait donc la peine de Filer droit, pas comme tout le monde.
Coin, coin !

 

Filer droit, Noémi Schipfer, éditions MeMo, collection PriMo, 2011, 8€.

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