Les municipales et nous: rencontre avec Nelson, intermittent du spectacle

 Photo : Édouard Hue [CC-BY-SA-3.0], via Wikimedia Commons

Suite de nos entretiens avec des Rennais à l’approche des municipales. Cette fois, alter1fo est allé rencontrer Nelson, intermittent du spectacle dans l’audiovisuel, qui nous accueille dans son espace de travail en centre-ville. Il a accepté de nous livrer son point de vue de citoyen, engagé, sur la ville, son évolution, ses élus, ses espoirs ou ses doutes concernant notre avenir.

Nelson, la trentaine, n’est pas rennais de naissance. Il y vit depuis huit ans, sa découverte de Rennes était alors celle d’un étudiant. Quand on lui demande s’il aime la ville où il vit, cela reste sans équivoque: « Je suis Rennais. J’aime beaucoup cette ville, je continue de tout faire pour pouvoir rester à Rennes. J’ai trouvé un état d’esprit, on me dit parfois que c’est les Bretons… Ça a été compliqué au début, mais j’ai fini par aimer cette ville. ».

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Pourtant, certains aspects de la ville continuent de lui déplaire, quand on lui pose la question: « Le tout-granite, je trouve ça austère. Déjà que le ciel breton est pas toujours formidable (rires)…C’est trop minéral, je pense qu’on pourrait envisager des constructions avec d’autres matériaux! ». Il a également l’impression que la ville est en perpétuelle reconstruction, avec les réhabilitations, les nouveaux aménagements: « J’ai l’impression qu’il y a superposition entre les nouveautés, qui doivent être mises en place pour le bien commun, et les réhabilitations, qui interfèrent constamment, et gênent le parcours du piéton, de l’automobiliste… ». Malgré tout, pas de volonté de départ: résident à Rennes avec sa compagne, Nelson travaille presque toujours dans la région, et sauf gros changement, un déménagement n’est pas prévu dans l’immédiat.

Nelson considère qu’il a évolué en même temps que sa ville. En professionnel et amateur d’audiovisuel, il compare cette évolution aux saisons d’une série américaine, où il apprivoise la ville et ses habitants au fil des ans pour finir par y appartenir. Jusqu’à l’engagement: Nelson participe à la vie sociale de la cité par de nombreuses expériences associatives, étudiantes ou non, dans des associations culturelles. Il finit d’ailleurs par déceler une certaine redondance dans son vécu des propositions culturelles, malgré beaucoup de richesse et de jovialité: « Envie d’aller voir ce qu’il se passe dans d’autres villes: À Rennes, à telle période on a tel évènement, à telle autre, celui-ci…et ça revient tout le temps. Ce sont des évènements de qualité, qui proposent des choses intéressantes, même si tout ne va pas me plaire et tout ne va pas plaire à tout le monde. Mais il y a un côté redondant ».

Spontanément, Nelson parle beaucoup de vie culturelle, qu’il connaît bien, qui lui permet de rencontrer beaucoup d’acteurs et de décideurs. Dans ce contexte, même s’il reconnaît la difficulté pour les élus d’œuvrer entre choix personnels, bien collectif et dimension politique, et donc d’avoir un langage propre à eux, une « vraie langue qu’il faut savoir parler pour voir aboutir des projets », il perçoit des erreurs, selon lui: « Certains projets, certaines initiatives, construites avec les moyens du bord, sont vues de manière un peu… condescendante par les élus. La ville communique parfois de façon très forte sur des évènements déjà rayonnants, et malgré le soutien financier, on a parfois ce sentiment de manque de reconnaissance, le bénévolat n’est pas assez mis en valeur. Il faut rendre hommage à ceux qui fabriquent une cohérence à l’échelle d’une ville ». Toujours au sujet de la vie culturelle, Nelson ne comprend pas que certaines propositions artistiques déficitaires perdurent tous les ans: « c’est peut-être une logique de libéralisme affreuse, ce que je vais dire, mais il y a un moment où, si l’on voit les choses en grand, il faut que ça suive, derrière. L’année d’après, il faut revoir la stratégie et remettre les choses à leur niveau, atteindre un équilibre ».

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Plus généralement, pour Nelson, le problème de Rennes se trouverait dans une volonté de « grandir trop vite ». Il a parfois l’impression que la gestion de la ville manque de temporalisation: « Rennes tape dans tous les sens, et à tout va. C’est la deuxième ligne de métro, c’est le quartier de La Courrouze, c’est le quartier de ViaSilva, c’est toutes ces choses là, en même temps…Certes, c’est chouette, le paysage change d’un jour à l’autre… mais il faudrait peut-être prendre le temps de vérifier si ça marche, La Courrouze avant de savoir si ViaSilva ça marchera! ». Malgré des outils convenus, Nelson pense aussi que la ville communique assez mal auprès des habitants, ou, en tous cas, auprès de TOUS les habitants. Selon lui, la cible de cette communication reste toujours la même partie de la population.

Pour autant, Nelson n’a pas de peur particulière quant à l’évolution de la ville : l’environnement plus global reste pour lui une source d’angoisse plus importante. S’il reconnaît faire partie des gens ayant eu la chance de ne jamais connaître d’agressions, il pense évoluer dans une ville où les mentalités sont saines.

Quand on évoque ses choix politiques à l’approche des élections, auxquelles il compte participer, il note que la vie politique locale reste assujettie aux décideurs nationaux: « Les discours des dirigeants déteignent sur des gens investis localement de mandats. Les verts, par exemple, pourraient être une force de proposition. Mais je suis outré qu’il n’y ait pas un élu vert qui parle de la pollution ou du nitrate sur le territoire breton. Oui, ça fâche les agriculteurs, mais il y a un moment où il faut ouvrir les yeux et arrêter de foncer droit dans le mur! ».

Pour lui, un pronostic est difficile, car, ancré dans le milieu culturel, il ne pense pas pouvoir proposer un pronostic dénué d’intentions ou de souhaits: « Je défends des valeurs humaines fortes avec des gens avec qui j’ai l’habitude de travailler, des envies d’aider les autres, des choses comme ça…plutôt cette tendance là, que le chacun pour soi ». Si la ville passait à droite, il pense que ce serait la conséquence, à nouveau, des politiques des dirigeants nationaux. « C’est dramatique. On entend que ces infos là, qui concernent des élites, loin des réalités des gens qui vivent la politique au jour-le jour. Le maire d’une commune de 200 habitants, il le fait de façon presque bénévole, avec très peu de moyens. Je le trouve admirable, cet élu. Après, les chef des partis politiques nationaux, qui tiennent des propos aberrants…Sarkozy nous a plombés, avec sa facilité de langage, il est venu libérer des idées dégueulasses qui trainaient dans certaines têtes! ».

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Nelson n’a pas encore vraiment regardé les propositions, il ne connaît pas tous les candidats, mais il va se donner le temps de le faire, ou de les rencontrer au détour du marché, par exemple. Quand on lui cite les principales propositions ayant déja filtré dans la presse, il a l’impression qu’on pourrait prendre des idées chez chaque candidat, pour une sorte de gouvernement de cohésion…Certaines propositions l’inspirent, comme celle, encore vague selon lui, portée par la majorité sortante, d’une université foraine dans l’ancienne faculté dentaire: il est attiré par l’idée de « saupoudrer du savoir un peu partout dans la ville ».

À contrario, même s’il ne défend pas le projet, il ne comprend pas pourquoi certains candidats voudraient revenir en arrière au sujet du Centre des Congrès, puisque celui-ci est déjà bien avancé. Il trouve la proposition de développer une police de proximité pour lutter contre l’insécurité, par Mr Chavanat (UDI), peu justifiée, même s’il reconnaît que des personnes ayant été victimes d’agressions puissent en éprouver le besoin. Enfin, dans les propositions de Mr Theurier (EELV – Front de gauche), il est sensible aux réflexions autour de la contractualisation de certains squats, afin d’utiliser des logements inoccupés: « quand on voit le nombre de maisons murées, c’est quand même débile de mettre des moëllons à l’entrée de ces maisons abandonnées lors de projets immobiliers, et de savoir que derrière, on a un service du 115, avec les frais que ça génère, la Croix-Rouge qui fait la maraude…C’est un peu énervant de voir la sollicitation de bénévoles pour pallier le manque de lucidité des responsables politiques ».

Nelson, enfin, fait partie de ceux qui pensent que, pour s’approcher un peu plus de la démocratie, le bulletin blanc devrait être reconnu et non nul. « Quitte à prendre le risque de faire comme les Belges, que le pays n’ait plus de gouvernement pendant plus d’an. Sans qu’il ne se soit effondré ».

Photos: Guillaume Michelet, guillaume@alter1fo.com

2 commentaires sur “Les municipales et nous: rencontre avec Nelson, intermittent du spectacle

  1. Xavier

    J’encourage Nelson à aller sur le site des élus EELV du conseil régional de Bretagne, ils sont dans l’opposition à la majorité pilotée de loin par JYLD. Il y trouvera leur position face au modèle productiviste de l’agriculture bretonne promue une nouvelle fois par la pacte d’avenir. René Louail président de ce groupe et les autres élu(e) dénoncent clairement les abus d’utilisation de pesticide, l’agriculture intensive, la pollution…

  2. pacé rennes

    Et une fois de plus, un rennais dénonce la minéralité de la ville. Cela devient monnaie courante, dans cette ville, voire même pour certain un fléau.

    Les rennais ne supportent plus cette grisaille permanente. Le centre-ville de Rennes est triste, sale, même si parfois, le temps et le granit n’aide pas…Mais on peut lutter contre les places publique désertes (De Gaulle, Parlement), les quais zola et chateaubriand moches, voire très moches, les façades polluées et non éclairées, les parkings placé n’importe où dans le centre (Parlement, Champ-Jacquet, Quai Trouin) alors qu’on n’enlève celui du mail…ou est la continuité et la cohérence ? Nantes est en train de faire ce qu’il y a de mieux en France avec Bordeaux niveau esthétisme, tandis que Rennes ne fait rien. Ah si, on communique sur le centre des congrès, la cité internationale, EuroRennes, mais cela n’est rien à voir, est-ce que ça va rendre moins laid le centre ? Je ne crois pas…Et ce qu’il ne faudrait pas mettre plutôt en place un projet global de requalification de la voirie, des places et du bati ? Pour l’instant on ne voit rien venir a part encore et toujours des nouveaux quartiers, sans âme qui plus est…

    Et pour enfoncer le clou, ces nouvelles constructions (logements plus bureaux) sont aussi grises ou marrons, pour notre plus grand bonheur

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