Les municipales et nous : rencontre avec Maxime Somson, bistrotier, patron du P’tit Vélo

 Photo : Édouard Hue [CC-BY-SA-3.0], via Wikimedia Commons

Suite de nos entretiens avec des Rennais, à l’approche des municipales. Cette fois, Alter1fo est allé à la rencontre de Maxime Somson, patron du fameux bar de la place Saint-Michel, « Le P’tit Vélo ». Il a accepté, à visage découvert, de témoigner de son expérience de citoyen, de certains de ses agacements mais aussi de son plaisir de vivre à Rennes.

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Rennes, la nuit, les bars… Au grand dam de certains, pour le bonheur des autres, la fête et les bistrots font partie intégrante de l’identité rennaise et de son image “à l’export”. Demandez à un jeune, à l’autre bout du pays, ce qui lui vient à l’esprit lorqu’on lui parle de Rennes, et vous aurez de bonnes chances de l’entendre citer, entre les Transmusicales et le Stade Rennais, la « rue de la Soif ». Elle au moins, c’est certain, elle rayonne.

C’est assez logiquement au coeur de cette rue Saint-Michel que Maxime Somson, 45 ans, a commencé sa carrière de “bistrotier” (pour reprendre sa terminologie) il y a une vingtaine d’années. Depuis, ce Cessonais de naissance, enfant de la métropole, a tranquillement prospéré, s’offrant un temps un intermède dans le commerce de la basket, devenant surtout le patron d’un incontournable de la nuit rennaise : le P’tit Vélo, fameux bar de nuit de la place Saint-Michel, qui compte parmi les lieux les plus accueillants de la cité, et les plus bondés, dès qu’une heure du matin a sonné.

Il ne fait pas, par ailleurs, que travailler dans le centre-ville : il y vit aussi, en famille, dans une jolie petite maison coincée au fond d’une cour, à mi-chemin de la Place Hoche et de la Place du Parlement. Un choix qui date également d’une vingtaine d’années et qu’il ne regrette pas : « Rennes est vraiment une ville où il fait bon vivre. Son slogan, c’est “Vivre en intelligence” et globalement, c’est le cas. Il y a une qualité de vie ici, en Bretagne en général mais surtout ici, qui fait qu’on est bien. »

« Ils ont géré, dans la continuité d’Hervé »

Attribue-t-il ce bien-être au quotidien à la qualité du travail effectué par la municipalité sortante ? Pas vraiment. Pour tout dire, il n’a pas d’opinion tranchée sur le bilan de 35 ans de pouvoir socialiste à Rennes, ni sur celui de l’équipe du maire sortant, Daniel Delaveau : « Je n’ai pas d’avis positif ou négatif. J’ai l’impression qu’ils ont géré, dans la continuité d’Hervé. » Il doute de toute façon de la capacité des élus à réellement changer les choses :

Il confesse peu s’intéresser à la vie politique locale. La perspective d’élections municipales dans trois mois ne l’émeut pas plus que ça. Il ne connaît pas encore tous les candidats, tout juste les deux principaux, Nathalie Appéré et Bruno Chavanat. Il n’affiche aucune curiosité particulière pour les programmes électoraux , ces « bouts de papier » dans lesquels « on te promet plein de choses et en réalité, il ne se passe rien. »

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« Si on dépense moins, c’est quand même mieux »

Un poil désabusé ? Pourtant, Maxime Somson va voter, c’est sûr, comme à chaque échéance électorale depuis… 2002 et le second tour Chirac – Le Pen à la présidentielle : « Avant, je ne votais pas, ça ne m’intéressait pas du tout, puis je me suis dit que c’était un peu con. » Il sait même déjà pour qui : son choix se portera sur les Verts, même s’il n’en connait pas encore, au moment où nous le rencontrons, la tête de liste. « J’exclus de toute façon les extrêmes, à droite comme à gauche. Après, sur le plan local, que ce soit la droite ou la gauche, il n’y a pas de grandes différences. Surtout à Rennes, où il n’y a pas de soucis, où on est des privilégiés. Tout le monde est bien intégré, il n’y a pas de quartiers sensibles, comme on peut l’entendre parfois dans d’autres villes en France. Même si ça devait changer de bord – je ne pense pas que ce sera le cas – mais même si ça devait changer, il n’y aura pas de grandes différences au niveau de la gestion de la ville. »

Pour Maxime Somson, dans le contexte rennais, le vote Vert apparaît donc comme un vote utile, « pour qu’ils aient plus de poids, qu’ils soient plus écoutés ». Il est heureux d’apprendre que Matthieu Theurier et Valérie Faucheux, les têtes de la liste commune d’EELV et de certaines entités du Front de gauche, promettent (notamment) trois ans de gel des impôts locaux en cas de victoire : « Si on dépense moins d’argent, c’est quand même mieux. Le problème, d’ailleurs, n’est pas le montant des impôts, mais ce qu’ils en font : on en revient toujours au même. C’est normal de payer, mais on ne sait jamais ce qui est fait de l’argent. Si c’est pour faire le Mail François-Mitterrand ou la ferme en Ville, qui coûte une fortune sur 5 ou 6 jours, tu te dis qu’il y a peut-être d’autres priorités. J’aimerais qu’il y ait plus de transparence dans l’utilisation de l’argent des impôts. »

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« On tape sur les bagnoles »

Le réaménagement du mail, la suppression de ses parkings et le « paquet de fric » dépensé pour ça, est un des rares thèmes qui le fait sortir de ses gonds. Electeur Vert, qui explique se déplacer essentiellement à pied, pour qui l’arrivée du métro est « le plus gros changement depuis qu’[il] vit à Rennes », il n’est pourtant « pas sûr qu’empêcher les voitures de circuler en ville soit une bonne chose » : « Il faut trouver le bon équilibre. Les espaces verts, d’accord, mais on est quand même en ville. En plus, à Rennes, en faisant quelques kilomètres à pied, ou en vélo, tu trouves facilement des espaces verts, le Thabor est tout près. On tape sur les bagnoles pour que les gens prennent les transports en commun. Mais ils coûtent super cher, 1,40 euro pour prendre le métro, et il me semble que les parkings relais sont vite pleins le matin. »

Lorsqu’il s’agit d’évoquer la situation du commerce à Rennes, Maxime Somson retrouve sa tranquille réserve. L’extension des zones commerciales en périphérie, à Saint-Grégoire ou à Alma, et la spécialisation du centre-ville sur le haut de gamme lui paraissent être dans l’ordre des choses et de l’évolution des modes de consommation. En tant que bistrotier, il se sent plutôt considéré et écouté par les élus : « Le dialogue est possible, les questions et les problèmes y remontent assez vite. » Son courroux se dirige plutôt vers la préfecture. Il souhaiterait un réexamen des horaires d’ouverture des bars, et notamment le retour de la fermeture à 5 heures du matin de certaines enseignes, annulée en 2004 par la fameuse préfète Bernadette Malgorn (1): « Passé trois heures du matin, il y a un réel déficit d’offre. »

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Malgorn et l’ « huile sur le feu »

Pour autant, il ne prêche pas seulement pour sa paroisse. Lorsqu’on évoque l’idée d’un nouveau lieu culturel autogéré ouvert aussi la nuit, comme le propose le collectif “Le Jour et la Nuit”, il applaudit. De même, il est très enthousiaste sur “La nuit des 4 jeudis”, une initiative de la municipalité, qui vise pourtant aussi à offrir aux Rennais une alternative aux sorties rue Saint-Mich’.

Le nom de Bernadette Malgorn revient encore une fois dans la conversation, à l’évocation d’un autre thème qui va immanquablement surgir au cours de la campagne : celui de la sûreté des rue rennaises. « Tout n’est pas toujours rose, mais je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il y ait un problème d’insécurité à Rennes », explique celui dont une bonne partie de la journée de travail se déroule après minuit. « La seule période où j’ai senti une vraie montée de la violence, c’est quand la préfète envoyait les CRS dans le centre le jeudi soir, pour encadrer la fête, en mettant de l’huile sur le feu (1). » Heureusement pour lui, c’est la mairie de Brest, et pas celle de Rennes, que Bernadette Malgorn, reconvertie dans la politique sous étiquette UMP, va briguer en mars prochain.

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(1) Bernadette Malgorn a été préfète de région de 2002 à 2006, avant de rejoindre le ministère de l’Intérieur, dirigé à l’époque par le futur président de la République Nicolas Sarkozy. Elle est restée célèbre à Rennes pour avoir mis en oeuvre, en 2004 et 2005, une politique très répressive à l’égard des manifestations festives et de l’alcoolisation dans le centre-ville, entraînant une escalade de violence entre fêtards et CRS.

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