Label Mozaic # 10 : compte-rendu et palmarès

2011-05-MOZAIC_DaTitcha-ALTER1FO 031Jeudi soir avait lieu la finale du Tremplin LabelMozaïc à l’Étage au Liberté. Quatre talents prometteurs, sélectionnés sur l’envoi de maquettes par un jury présidé par Dominic Sonic, se produisaient sur la scène de L’Étage, dans des conditions professionnelles pour un concert gratuit ouvert à tous. A l’issue des prestations des quatre lauréats, le jury a désigné le gagnant de cette année, mais les quatre finalistes sont tous repartis avec un prix. Les années précédentes, des groupes aussi divers que The Popopopops, Tahin, Pleyäd, Lugo, Ladylike Lily ou M. Roux avaient été lauréats. Quatre nouveaux sélectionnés étaient donc présents ce jeudi soir sur la scène de l’Étage. Présentation, compte-rendu et palmarès de cette soirée.

L’accueil est impeccable cette année encore, l’organisation est bien rodée et l‘entrée gratuite rend la soirée accessible à tous les budgets. Les gens viennent, repartent, toute la soirée durant. Certains pour voir un groupe, d’autres pour en voir deux ou trois ou bien assister à l’ensemble des concerts. L’affluence est moindre que l’année dernière, mais on imagine que les têtes d’affiches de l’an dernier (Manceau, Garbo, Ladylike Lily ou feus les Russian Sextoys) avaient un public d’aficionados déjà nombreux (même si beaucoup ont découvert Ladylike Lily à cette occasion), venus en masse remplir les rangs de l’Etage. Les groupes sélectionnés cette année sont pour une partie plus confidentiels et leurs projets sont encore souvent très récents.

2011-05-MOZAIC_MONKEY-BEAR-ALTER1FO 051

Néanmoins, on peut tout de même remarquer que dans son immense majorité, le public est là, non pas pour défendre « son préféré » , mais pour encourager tous ces jeunes groupes qui passent sous les projecteurs. On est surpris par la qualité d’écoute du public devant la scène et devant l’enthousiasme et l’envie de découverte dont chacun à côté de nous semble faire preuve. Bien sûr nous étions devant la scène. Les choses étaient peut être différentes à l’arrière mais dans l’ensemble tous ceux à qui nous avons parlé étaient positifs et enthousiastes vis à vis de ces groupes en devenir, disant parfois que tel ou tel artiste ne produisait pas le style de musique qui leur correspondait mais que ça pouvait plaire à d’autres.

Cette année, ce ne sont pas moins de 160 groupes et chanteurs qui ont participé à la sélection sur maquettes qui devait désigner les quatre finalistes. Ces maquettes étaient examinées par un jury présidé par Dominic Sonic, donc,  et comptant des personnalités aussi diverses que Gaétan Naël (adjoint de direction programmation musiques actuelles de L’Antipode), Mathias Durand (le programmateur de Radio Campus Rennes), Stéphane Gramont (journaliste pour France 3 Bretagne, auteur entre autres, d’un documentaire sur les Popopopops), Ronan Masson (chargé de diffusion pour le label Show Me the Sound), Ladylike Lily (lauréate de l’an dernier), Cédric Bouchu, animateur de l’Echo du Oan’s (émission co-produite par Canal B et Alter1fo), Julien Coudreuse (journaliste pour Wik et Kostar), Claude Guinard (Directeur des Tombées de la Nuit), Gaël Cordon (animateur du centre ressources du Jardin Moderne), Philippe Routeau (responsable du Pôle Musiques Actuelles au CRIJB), en résumé des artistes, des journalistes radio, de presse écrite ou de webzine, des responsables d’assos rennaises, etc. En tout 12 personnes s’étaient réunies pour sélectionner les 4 lauréats qui allaient se produire à l’Etage.

A l’issue de cette sélection, ce sont donc les Bumpkin Island et leur pop à tiroirs qui ont été choisis pour ouvrir la soirée avant le hip hop généreux de Da Titcha. Suivront le blues-rock de Wonderboy, puis le cheap’n roll auto-déclaré de Monkey & Bear. Quatre groupes pour quatre styles de musiques totalement différents.

2011-05-MOZAIC_Bumpkin-Island-ALTER1FO 021

La pop à tiroirs des Bumpkin Island

Lorsqu’on arrive, la prestation des Bumpkin Island est à peine entamée. Les 9 membres de ce groupe tout nouvellement formé (voir l‘interview de Bumpkin Island là) occupent tout l’espace scénique. On remarque tout de suite les deux chanteuses en robe noire, une brune, une blonde qui se balancent devant leur micro. A côté d’elles, sept garçons se partagent les instruments : guitare, basse, batterie, claviers et autres machines, trombone, trompette, métallophone… Bumpkin Island est encore un projet tout jeune. A peine plus d’un an d’existence, un premier concert en janvier seulement, mais déjà un 5 titres disponible. Comme le groupe nous l’a expliqué :  « on a fait les choses un peu à l’envers par rapport à tous les jeunes groupes. C’est à dire qu’on a enregistré le disque avant de jouer ensemble. En fait, (…) c’était un projet studio à la base. » Et à l’écoute des premiers morceaux sur scène, cela s’entend.

2011-05-MOZAIC_Bumpkin-Island-ALTER1FO 025

Il est évident que les titres ont été réfléchis, que leurs morceaux ont pris le temps d’être développés en studio. On est surpris par certaines de leurs compositions qui n’hésitent pas à bifurquer, à prendre des détours et des chemins de traverse. Le titre qu’on avait progressivement découvert tubesque sur leur ep, Perfect Life, commence ainsi avec une guitare entre blues et americana, un vieux piano et une voix féminine désenchantée,  pour déboucher sur un refrain aux voix masculines faussement bancales contrebalancé par un petit riff poppy aux claviers, avant un final féminin à la mélodie évidente. Lorsque le groupe commence à le jouer, le titre remporte immédiatement l’adhésion du public : les claps qui accompagnent le morceau ne baissent pas en intensité jusqu’à la fin.

On apprécie aussi le travail sur les textures grâce à l’instrumentation variée. On devine déjà que les amateurs de pop ce soir ont trouvé leur poulain. Quand on les a interrogés sur leurs influences, les membres du groupe ont cité  les groupes scandinaves ou nordiques comme Sigur Ros, Mùm, Emilliana Torrini et l’on entend pourquoi : pop, curieuse, pleine de tiroirs toujours mélodiques, leur musique intègre un  peu de sonorités electronica, des ambiances rock…

Leur dernier titre, tout en montée, prend le temps d’installer une ambiance pour éclater (toute proportion gardée) dans un final qui rappelle Arcade Fire. Car le groupe a certes deux chanteuses, mais quasiment tous les membres du groupe chantent sur les refrains et font des chœurs, ce qui donne une puissance vocale certaine à leur prestation.

2011-05-MOZAIC_Bumpkin-Island-ALTER1FO 019

Pour notre part, on regrettera juste que cet atout ne soit pas davantage  mis en avant par des chœurs mêlant davantage de voix différentes (non du point de vue du timbre mais de la mélodie). Ce ne sera finalement que notre seul bémol avec peut-être l’appréhension qui semble parfois tétaniser le groupe. On les comprend, on se doute de la pression qu’ils sentent sur leurs épaules, d’autant qu’ils ont la lourde tâche d’ouvrir la soirée. En conclusion, on sent que le groupe manque encore de « pratique » de la scène et a encore besoin de gagner en maturité mais la prestation qu’ils ont offerte ce jeudi était de très bonne augure pour la suite du projet. Les fans de pop sont ravis. Les autres ont envie de se rattraper sur Da Titcha.

Mais avant cela, l’écran blanc descend du plafond…  Avant chaque prestation, le clip-teaser réalisé par la société rennaise La Dent du Géant, pour présenter chacun des candidats est en effet projeté sur l’écran géant derrière la scène. Cela permet ainsi au public d’appréhender les quatre artistes d’une manière plus complète que par le seul biais de la prestation scénique qu’ils vont réaliser.

De la générosité à revendre pour le hip hop de Da Titcha

2011-05-MOZAIC_DaTitcha-ALTER1FO 030Da Titcha, professeur d’anglais de son état (d’où le Da Titcha qui reprend The Teatcher en phonétique apprend-on dans le teaser) va développer un tout autre style musical sur la scène de l’étage. Rappeur et breakdancer, Da Titcha a déjà remporté la finale du Buzz Booster durant Urbaines à l’Antipode. Sur la scène, l’artiste est accompagné par Brahim, dj qui scratche et envoie les instrus à la fois jazzy et funky. On est tout de suite surpris par le partage que propose aussitôt le musicien hip hop avec le public. Très vite, il demande de reprendre une phrase, de lever un bras, comme il est fréquent dans le hip hop. La foule, qui est vraiment plus dense désormais devant la scène, réagit aussitôt. Le garçon pose ses lyrics sobrement sur les samples de jazz qui déroulent et fait preuve d’une réelle spontanéité. L’arrivée des deux breakdancers qui l’accompagnent (ilioH ekeTor & ReTa Rock) donne encore plus d’énergie à cette entrée en scène. Le public adhère. Les mains se lèvent et les voix répondent au quart de tour. Car tout le monde, autour de nous, sent la générosité dont l’artiste fait preuve sur scène.

Le rappeur prend en effet le temps de parler au public entre chaque morceau, soit pour en expliquer le thème (le métissage qui fait qu’on se sent toujours en décalage, le handicap dont il souffre, son amour du rap ou de la danse hip hop par exemple) soit pour plaisanter. A la sortie, on a l’impression de le connaître, lui, davantage. Le public apprécie que le rappeur reste en contact permanent avec la foule. Et quand Da Titcha manque une ligne de lyrics, il est aussitôt encouragé et applaudi. C’est néanmoins son seul minuscule faux pas. Car on le sent concentré, à 200% sur la scène.

2011-05-MOZAIC_DaTitcha-ALTER1FO 035

On se dit que le mot générosité suffirait finalement à qualifier sa prestation. Il donne de sa personne, de son énergie au public. Mais il partage aussi avec son dj, ses breakdancers… et un beatboxer, Arzin qui va vraiment mettre tout le monde d’accord. Lorsque les percussions sortent de son micro, on n’est pas encore vraiment impressionné. Mais quand les vocaux et les mélodies sortent de sa bouche en plus des rythmes, on reste scotché. Et on n’est pas les seuls. Des yeux s’écarquillent. D’autres crient que ce gars-là assure carrément.

Da Titcha ne veut pas garder la scène pour lui tout seul : il veut la partager avec ses potes talentueux, les mettre en lumière, leur donner une vraie place. Bref, l’ambiance ne descend quasiment pas pendant toute la prestation de Da Titcha et sur le devant de la scène, tout le monde est touché par sa générosité.

Wonderboy et son blues-rock a la lourde tâche d’enchaîner.

Énergie blues rock pour Wonderboy

2011-05-MOZAIC_WONDERBOY-ALTER1FO 041D’abord aventure solo, le projet, s’il reste celui d’un seul homme, s’étoffe progressivement avec la présence de nouveaux musiciens qui permettent aux morceaux d’être arrangés différemment. Déjà fixés une première fois sur l’album Going nowhere fast, les titres développés par Wonderboy connaissent une lente évolution, notamment sur scène avec la présence d’un bassiste et d’un batteur. Après le hip hop old school de Da Titcha, les premières notes blues rock à la Black Keys de Wonderboy proposent de nouveau un grand écart musical.

Belle maîtrise technique de la part des trois instrumentistes qui sont carrés et précis. Wonderboy nous expliquait pourtant (retrouvez l’interview de Wonderboy ici) que le groupe n’avait fait pour lors qu’un seul concert et qu’ils répétaient depuis très peu de temps ensemble. On est d’autant plus admiratif.

2011-05-MOZAIC_WONDERBOY-ALTER1FO 046

Une guitare électrique, donc, parfois jouée avec un bottleneck, qui sonne entre blues et rock, une batterie sobre et relativement martiale et une basse galopante jouée avec talent sont à la base de la musique de Wonderboy. On entend parfois une boîte à rythmes ou un clavier et un harmonica sur le dernier titre, mais c’est tout. C’est avant tout l’énergie rock et l’aridité blues qui sont recherchées.

Pourtant, si les trois musiciens proposent un set d’une qualité indéniable, on reste un peu en dehors. Les contacts avec le public sont rares, mais on peut tout à fait entendre que ce n’est ni une obligation pour faire un bon concert, ni chose aisée avec le trac.

On regrette juste d’avoir entendu des choses que l’on connaît déjà trop bien et que Wonderboy ne s’écarte pas de ses modèles. C’est un choix, que l’on respecte complètement, quand il est mené avec une réelle maîtrise, comme c’est le cas ce soir.

2011-05-MOZAIC_WONDERBOY-ALTER1FO 044

D’autant qu’en plus de sa technique, Wonderboy a l’atout certain de sa voix. Il peut aussi bien jouer en feulements rock que se lancer a capella. Là encore, c’est carré et bien fait. Et d’aucunes se révèleront charmées à côté de nous, tout aussi happées par la voix de l’artiste que par ses poses rock.

On commence alors à recueillir les avis autour de nous pour savoir quel artiste pour le moment remporte les suffrages.

Làs, nous voilà bien embêtés ! Il y a quasiment stricte égalité pour le moment. On se dit alors que Monkey & Bear qui enchaînent arriveront peut-être à départager les avis.

Ménagerie cheap’n roll pour Monkey & Bear

2011-05-MOZAIC_MONKEY-BEAR-ALTER1FO 062Sur la scène, une batterie surmontée d’un écureuil, un pied de micro recouvert de lierre, une peau de bête tendue devant un clavier et des abats-jours un peu partout. Tel est le décor dans lequel vont se produire les Monkey & Bear. En réalité si le groupe était auparavant duo, il est maintenant à quatre sur scène : en plus de Monkey à la batterie et de Bear au chant et Bontempi, un chat tient la basse et une chouette (Owl) les machines et toms. Lorsqu’on leur avait demandé de décrire leur son (retrouvez l’interview de Monkey & Bear ici), ils nous avaient expliqué produire un « mélange entre une composition ultra-dynamique électronique à base de sons 8-bits et une rythmique adaptée principalement rock, un chant entre pop et rock se mixant à la musique grâce à des déformations adéquates. » Et avaient conclu : « un bel erzatz entre musique cheap et rock and roll, d’où le style cheap’n roll que l’on a créé » .

2011-05-MOZAIC_MONKEY-BEAR-ALTER1FO 060

Tout est dit. Le son des morceaux rappelle en effet les compositions farfelues et déjantées de Dan Deacon. Cette joyeuse pop électronique un peu loufoque s’incarne davantage en live, dans ce décor à la fois naturaliste et surréaliste, ainsi qu’avec la gestuelle des musiciens. Le chat (Bubblin Cat) a une immense mèche brune qu’il ballade d’un côté à l’autre au milieu de la scène. Bear porte son clavier en bandoulière, comme une guitare électrique, ce qui rend son jeu tout de suite plus rock’n roll. On le devine, Monkey & Bear est un groupe qui aime la scène.

Une grosse basse, une batterie discoïde, de petites touches électro, tout ça forme un mariage réussi et efficace. Le public est plus clairsemé (normal, c’est le dernier groupe et il commence à être plus tard), mais ceux qui sont restés semblent en partie venus pour le cheap’n roll des Monkey & Bear. Belle prestation au final, même s’il manque encore un petit grain de folie à cette joyeuse ménagerie. Les Monkey & Bear restent un groupe à suivre.

Les pronostics

Voici maintenant venu le temps des pronostics. Les personnes interrogées sont souvent sûres de leurs choix, mais encore une fois c’est une quasi égalité entre les formations qui se dessinent. « Vous allez voir, Wonderboy, il va falloir le suivre » … « J’hésite entre Bumpkin Island et Wonderboy » . « On est des inconditionnels de Da Titcha » . « Ah, non le hip hop, moi c’est vraiment pas mon truc« . « Nos chouchous, c’est les Monkey & Bear« . Parfois un même groupe répond en chœur comme ces trois jeunes femmes qui s’écrient : « le premier » (Bumpkin Island) . On est perplexe. Aucune majorité ne se dégage vraiment. Seul sentiment partagé : « c’est difficile à juger parce qu’ils sont tous dans des styles musicaux différents » . C’est cette réponse sensiblement identique que nous entendrons répétée presque à chaque fois…

2011-05-MOZAIC_MONKEY-BEAR-ALTER1FO 058

Alors le jury, a-t-il finalement réussi à départager les 4 finalistes ?

Le jury rend son verdict :

C’est finalement la générosité sur scène de Da Titcha qui remportera les suffrages du jury. Le jury semble avoir apprécié que le rappeur ait réellement partagé quelque chose avec le public. Conséquence : Da Titcha repart avec un « Pack Scène » au Jardin Moderne (autrement dit : 20h de répétition dans la salle du Jardin Moderne, 2 séances de 4h d’accompagnement artistique, 4 journées de filage, 3 journées de filage enregistré, 1 séance de 4h d’accompagnement à la promotion).

Les prometteurs Bumpkin Island remportent la deuxième place et gagnent un bon d’achat de matériel musique substantiel. Monkey & Bear et Wonderboy, respectivement troisième et quatrième, obtiennent des bons d’achat d’imprimerie pour leurs futurs flyers, affiches, etc…

Photos : Caro

_____________________________

Myspace de Monkey & Bear : http://www.myspace.com/monkeyetbear

Myspace de Bumpkin Island : http://www.myspace.com/bumpkinisland

Myspace de Da Titcha : http://www.myspace.com/datitcha

Myspace de Wonderboy : http://www.myspace.com/wonderboyseb

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires