L’Antipode en sueur pour Yuksek

2011-11-09-Antipode-YUKSEK-alter1fo-8Soirée chaude chaude chaude ce 9 novembre avec la venue de Yuksek qui a totalement ravi le public de l’Antipode. Tout le monde, le doigt en l’air, bondissant sur le dancefloor. Des sourires sur les visages et de la condensation sur les murs, voilà ce qui résumerait le mieux cette soirée à l’Antipode. Petit compte-rendu.

En arrivant, on note déjà une belle affluence pour un mercredi soir. La salle de Cleunay est déjà bien pleine, et pour cause, Yuksek est très attendu par ses fans. Considéré comme l’un des plus dignes héritiers des Daft Punk ou Vitalic, le Rémois compte une solide fan base. Ajoutez à cela nombre curieux, intéressés pour découvrir ce que le musicien propose en live et vous aurez une bonne idée de la foule qui se masse progressivement devant la scène de l’Antipode. Avant le live du Rémois, néanmoins, deux autres groupes ouvrent la soirée : Mc Luvin, duo iconoclaste (ils seront trois sur scène ce soir) et surtout Civil Civic qu’on n’a aucune, mais alors aucune envie de manquer.

2011-11-09-Antipode-CIVIL_CIVIC-alter1fo-5Civil Civic

Leur album, Rules, est pour nous l’une des plus belles claques de cet automne. On ne sait ce qui y est le plus addictif : ces trois notes au synthé qui nous rappellent Robert Smith sur Airspray, le morceau d’ouverture, ces murs shoegaze à la My Bloody qui déboulent à la sortie d’une ligne droite à la guitare claire à la Cure et d’une basse nerveuse et mélodique à la Joy Division sur Street tap. Ou bien ces guitares noisy à la Sonic Youth qui débutent Run overdrive et l’énergie post-punk qui se dégage de Grey nurse. Civil Civic, en fait, c’est un peu comme si toutes nos amours d’adolescence étaient réunies en un seul groupe : la cold wave de Cure, la pop des Smiths, les guitares noisy de Sonic Youth, les sons crades de My bloody Valentine et l’évidence mélodique des Pixies. A chaque écoute de Civil Civic, c’est un peu comme si on avait encore 17 ans. Alors dire qu’on attend le duo avec impatience pour une cure de jouvence serait un euphémisme.

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Pourtant quand les deux Australiens qui ont attendu d’avoir émigré en Europe pour se rencontrer, arrivent sur scène et entament leur premier morceau, on fronce les sourcils et les oreilles. La meilleure formule viendra d’une autre altériste, utilisant une métaphore visuelle qui résume bien ce qui se passe dans nos oreilles : « ça fait comme la neige dans la télé » . Le son est brouillon et les déflagrations de guitare s’embourbent dans une nappe de basse asthmatique, martelées par la boîte à rythmes. Car le duo joue bien sûr à deux, l’un à la guitare, l’autre à la basse. Entre eux, une boîte à rythmes surmontée de deux synthés que les deux musiciens vont également triturer. On est déçu, on ne retrouve pas le tranchant mélodique des deux Australiens qui nous accompagne depuis quelques semaines. Mais progressivement le son s’améliore. Et on reconnaît petit à petit ce qui pour nous fait le charme de la musique du duo.

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La basse ronde, nerveuse, à la fois dansante et mélodique sur laquelle la guitare se fait alternativement claire, tricotant des motifs addictifs, et vrombissante par des déflagrations noisy du plus bel effet. Les gens présents devant la scène semblent  adhérer pour une partie d’entre eux, même si la musique est instrumentale. Il faut dire que le duo ne se prend pas au sérieux. Dans le dernier New Noise, interrogé par Emilie Denis, les deux musiciens expliquaient : « ta description d’un groupe qui cherche à atteindre un équilibre entre mélodie et agressivité est juste, mais tu oublies un élément principal : le fun. On veut surtout être fun. » Et sans pour autant donner dans la blague potache entre les morceaux, le duo affiche cette proximité DIY qu’ont nos potes nous invitant à les écouter dans leur garage.

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On connaît tellement bien leurs morceaux qu’on n’a aucune peine pour notre part à en dégager facilement la mélodie. On repère d’ailleurs deux autres membres du public qui comme nous remuent la tête, les oreilles grandes ouvertes, se laissant happer par les mélodies entêtantes et l’énergie dansante de Civil Civic. Comme nous, ils semblent reconnaître les morceaux et de nouveau avoir 17 ans.

D’autres restent totalement de marbre et avouent ne pas comprendre où le duo veut les emmener. D’autres encore se révèlent totalement réticents. Mais une bonne partie du public répond positivement à chacun des titres proposés. C’est d’ailleurs une des particularités du public de ce soir : son ouverture et sa curiosité bienveillante, à laquelle on adhère totalement.

Au final, les Civil Civic offrent une bonne prestation, qui, même si on en attendait encore bien davantage (mais revoyons-les dans quelques mois…) nous permet de bien commencer la soirée.

Mc Luvin :

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Ceux qui ont moins adhéré que nous espèrent que le duo Mc Luvin saura les scotcher devant la scène. Le duo de producteurs vient du hip hop (Drixxxé est l’un des producteurs de Triptik et Gystère du groupe de rap Frer200) mais concocte une électro-pop bien vitaminée qui n’a pas peur de l’autotune (mais aujourd’hui, plus personne n’en a peur) et qui aurait éventuellement pu se révéler efficace en live. D’ailleurs, le duo se transforme en formule trio, accompagné par un guitariste sur scène, afin de gagner en énergie. A droite de la scène, Drixxxé derrière ses synthés. Au centre : Gystère, le chanteur, qui arbore une guitare-synthé rouge sur certains morceaux, mais aussi (et surtout) un pantalon et un foulard léopard sur un t-shirt à l’effigie d’Axl Rose (remember Guns and Roses). Comme tout est dans le détail visuel, le pied de micro et le micro dans lesquels il chante sont rouges.

Durant les premières secondes, on croit au second degré qui va rendre tout ce qui va suivre supportable. On aurait vu le concert au Pulp, on aurait franchement apprécié pour le second degré. Làs, on n’est pas du tout sûr qu’il y ait du second dégré ce soir. On leur laissera le bénéfice du doute, mais on craint qu’un chanteur qui répète entre chaque morceau « Rennes, est-ce que vous êtes chauds ? » et autre invitation à crier subtile du même acabit n’ait pas la même vision du second degré que nous.

On pardonnera pourtant la vrille du chanteur dans les airs avec la guitare-synthé en bandoulière qui cognera le micro, du fait de son état manifestement un peu alcoolisé. Il a même une belle voix (malgré quelques fausses notes qu’on devine dues à sa légère ébriété), agréablement mise en valeur par la réverb. On reconnaît également qu’il en faut pour se dévoiler de cette manière et prêter ainsi largement le flanc à la critique.

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Mais, vraiment, avait-on besoin de l’arrivée de sous-Georges Michael dans nos oreilles ? On avait retrouvé notre jeunesse avec les Civil Civic tout à l’heure, on replonge dans ses pires cauchemars avec Mc Luvin : les synthés dégoulinent et flirtent avec une pop eighties de la pire espèce. On croyait n’avoir plus jamais à subir ça, le slow de l’été surproduit et sirupeux, les Stevie Wonder de la mauvaise époque : pourtant ça se passe dans nos oreilles.

On trouve le public vraiment adorable. Certains restent gentiment et applaudissent poliment, criant même un peu aux « Rennes, est-ce que vous êtes chauds ? » sempiternels et redondants pour que le groupe ne se sente pas trop seul. Quand le chanteur annonce enfin le dernier morceau, on croit enfin que la délivrance est arrivée. Pourtant, il explique que c’est le dernier morceau avant le rappel qu’il propose de finir en partie dénudé. Un rigolo se met alors à chanter « tous à poil et on se caresse » , repris par la grande majorité du public dans les rires.

Finalement, malgré le rappel, tout le monde restera bien habillé, mais le guitariste ira chercher une jeune femme du public pour danser un slow sur la scène. Ouf, soufflera-t-on,  pour notre part quand le groupe quittera (enfin) définitivement la scène.

Yuksek :

C’est alors au tour de la tête d’affiche de la soirée de prendre possession de l’Antipode. Les rangs du public se sont fortement resserrés et un vrai murmure d’excitation parcourt la foule quand Clément Daquin qui accompagne Yuksek aux synthétiseurs et parfois à la basse rejoint ses claviers, bientôt suivi par Léonie Pernet (percussions, c’est à dire quelque toms et des pads de batterie nous semble-t-il) et surtout Yuksek. Le jeune homme en t-shirt marinière s’installe derrière ses claviers et son micro. C’est lui qui assurera tous les chants leads, accompagné aux chœurs par ses deux acolytes. Il expliquait en effet qu’après la sortie du premier album, jouer ses morceaux sans les featurings qui l’accompagnaient sur album avait été parfois un vrai casse-tête. C’est désormais résolu puisque sur son second album, Living on the edge of time, sorti en juin dernier, c’est lui qui assure le chant (avec les copains de Reims pour les chœurs). Et c’est une première réussite ! Le garçon est vraiment loin d’être ridicule et assure carrément en chanteur lead.

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Autre réelle réussite, le virage relativement électro pop qu’a pris Yuksek avec ce second disque qui passe carrément la barre du live. Après la sortie d’Away from the sea (2009), premier album porté par un single qui fait le buzz (Tonight) et précédé par une multitude de remixes qui ont fait plus que remarquer son auteur, essentiellement electro 2.0, dont la recette tient en quelques mots : de l’électro, du rock, de la pop, le tout passé au shaker, boosté par un réel sens de l’efficacité, Yuksek flirte bien davantage avec l’électro-pop sur son nouvel opus. Des chansons, des mélodies avant tout. On aurait donc pu craindre que cette nouvelle orientation se révèle moins efficace pour le dancefloor. On va découvrir qu‘il n’en est absolument rien avec la prestation du trio ce soir, qui n’hésite pas à jouer une bonne partie des titres de ce Living on the edge of time. Rehaussée par une production plus ample que celle d’une pop plus classique, la musique de Yuksek ne perd rien de son efficacité d’antan et flirte tout autant avec les charts et les bras en l’air sur le dancefloor.

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On applaudit à deux mains Always on the run, on saute comme les autres sur le refrain de The edge après son intro toute en douceur, on garde le doigt en l’air en bondissant sur On a train, on repète avec eux « I say, you say » (?) sur Say a word. On est scotché par cette science de la montée en puissance du trio. Il faut dire que les trois musiciens sont carrés, efficaces et donnent de leur personne sans jamais en faire trop (les Mc Luvin pourraient prendre des cours), la percussionniste jouant debout et frappant comme une tigresse sur ses toms. Elle doit d’ailleurs être née avec des baguettes au bout des doigts, se dit-on. Elle se lance même dans un rap bien senti sur un break. Le bassiste-claviériste, plus sobre en apparence, donne aussi de lui-même et lorsqu’il accompagne certains morceaux en frappant sur sa cloche, donne encore davantage d’énergie au live. Autour de nous, le public danse et la chaleur monte, monte.

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Le sol est trempé par la condensation, les murs pareils. Autour de nous, ça transpire et ça sourit. Tout le monde danse, lève le doigt sur les montées. Le trio réussit parfaitement sa prestation et régale ses fans. Mais aussi ceux venus juste pour voir, qui se mettent eux aussi à danser. On l’avoue, pour notre part, on n’a jamais vraiment écouté Yuksek chez nous. Mais, on a été plus qu’agréablement surpris par la qualité de la prestation du trio. D’autant que le groupe nous offre une version de Tonight (Take my hand) véritablement dantesque sur laquelle se lâche tout le public. D’aucuns nous avoueront d’ailleurs qu’ils n’avaient pas dansé comme ça depuis longtemps. Les sourires rayonnent, sur scène comme dans le public et tout le monde décolle à chaque nouvelle montée. Ce qui nous touche d’autant plus, c’est que Yuksek semble heureux d’offrir le titre au public et ne paraît pas ennuyé de le jouer, comme peuvent parfois l’être les artistes quand on leur demande leur tube (enfin, cela dit, Yuksek, des tubes, il en a plein !).

Le trio finit son long rappel dans des applaudissements plus que fournis. Le sol de l’Antipode est trempé. Après cette folie sur le dancefloor, certains peinent d’ailleurs à redescendre et proposent d’aller continuer la fête en boîte. Nous, on rentre dormir (y a école demain), mais avec le sourire. Yuksek et ses acolytes nous ont livré une prestation épatante, efficace et généreuse avec une réelle habileté pour renverser le dancefloor. Alors chapeau bas, monsieur Yuksek.

Photos (en dansant) : Caro

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