Jesus Christ Fashion Barbe en interview (Vieilles Charrues 2012)

Jesus Christ Fashion Barbe

A quelques heures du début de leur tournée québecoise, retour sur l’interview de l’excellent trio Jesus Christ Fashion Barbe, lors de leur passage sur la grande scène des Vieilles Charrues.

En découvrant un groupe pour la première fois, il nous arrive de prendre une immense claque musicale. De celles qui font naitre en vous l’impérieuse nécessité de revoir ce groupe sur scène. Lorsqu’on a découvert le trio caennais Jesus Christ Fashion Barbe lors du Tremplin des Jeunes Charrues en juillet 2011 (interview ici), on n’a pas pu s’empêcher d’être particulièrement heureux de les voir remporter le Tremplin, ne serait-ce que pour avoir l’occasion de les revoir en ouverture du festival des Vieilles Charrues cette année. Heureusement, nous n’avons pas eu à attendre une longue année, puisqu’ils ont joué lors du festival des Trans Musicales 2011 (mais aussi lors de la Tournée des Trans, interview ici). Après cette série d’excellents concerts, allaient-ils réussir à investir l’immense scène Kerouac ?

Jesus Christ Fashion Barbe

Et bien, pour être honnête, on attendait beaucoup de ce set, mais on s’est pris une deuxième claque… Un set intelligent, mariant à merveille les tubes de leur premier EP avec les nouveaux titres. Le tout formant une homogénéité musicale exceptionnelle, avec un son qui leur est propre : dès les premières notes, vous reconnaissez immédiatement le son Jesus Christ Fashion Barbe.

Tous les ingrédients sont là : la ligne de basse de Nicolas L., qui marque astucieusement la mélodie, le jeu subtil de batterie de Charles-Antoine (S.A. Kit, un bijou rythmique), et la délicieuse voix grave de Nicolas M. associée à ses riffs de guitare d’une redoutable efficacité. Le tout au service de pépites pop-folk-rock terriblement addictives, entre bombinettes tubesques (Pimp) et morceaux plus exigeants (In Bray). Mais un ingrédient nouveau s’est rajouté depuis un an : l’incroyable aisance scénique des trois musiciens, qui nous a littéralement scotchés. Car l’immensité de la scène Kerouac avait pourtant tout d’un piège : mais, bien que pleinement conscients de la situation (« C’est énorme » dira Nicolas L devant la foule de spectateurs), le trio prend un plaisir communicatif sur scène. L’expérience scénique accumulée lors de cette année (Trans Musicales, Eurockéennes…) a forcément jouée un rôle important, mais on a maintenant la confirmation de leur immense talent. Et les excellents nouveaux titres découverts lors de ce set n’ont fait que confirmer cette impression (à découvrir d’urgence, Diver). Comme l’a si bien résumé Jean-Jacques Toux, programmateur du festival des Vieilles Charrues : « On a assisté à un putain de concert des Jesus Christ Fashion Barbe ! ».

Nous les avons rencontrés la veille de leur concert pour faire avec eux un bilan de cette année post-Tremplin, mais aussi pour parler de leurs projets. Avec en invité surprise, Damien Maurice, responsable de l’accompagnement des groupes au Cargö (salle des Musiques Actuelles de Caen).

Photos : Solène

Jesus Christ Fashion Barbe

Alter1fo :  Il y a un an vous avez gagné le tremplin des Jeunes Charrues : comment avez vous vécu cette année post-Vieilles Charrues ? Avez vous eu des retombées ?

Nicolas L. : En gagnant les Jeunes Charrues, on a eu un prix, et ce n’est pas négligeable : on revient faire un concert avec une nouvelle basse, une nouvelle guitare, des nouveaux amplis. Concrètement les retombées, à part le matos et puis le fait de revenir jouer… Ce n’est pas le genre de tremplin où les groupes sont accompagnés sur un projet de développement sur un an. Mais on est là, on revient un an après, c’est déjà un magnifique cadeau !

Charles-Antoine : Il y a quand même un effet sur le « cv » du groupe, ça aide effectivement d’être estampillé vainqueur Jeunes Charrues.

Nicolas L. : On a l’impression que ça marque plus le public que les pros. On a fait d’autres tremplins où l’on était plus accompagné après.

Nicolas M. : C’est surtout le fait de jouer en ouverture du festival l’année suivante !

Nicolas L. : Passer un an à se dire que l’on a une date sur une énorme scène !

Alors justement, 24 heures avant de jouer sur la scène Kerouac, quel est votre sentiment ?

Nicolas L. : C’est marrant parce que sur le dernier filage que l’on a fait, à la fin de la répé on était en sueur Charly et moi : je pense que l’on pensait déjà au concert! (rires)

Jesus Christ Fashion Barbe

En conférence de presse, on a écouté Jean Jacques Toux qui parlait des Jeunes Charrues : il n ‘arrêtait pas de parler de Jesus Christ Fashion Barbe en bien, il trouvait notamment que vous aviez fait de gros progrès depuis un an. Vous avez ce sentiment aussi ?

Nicolas M. : Il y a eu une évolution c’est sûr, un progrès j’espère. On a essayé de travailler notre son, on a changé d’instruments, on a aussi de nouveaux instruments : on essaye d’évoluer.

Nicolas L. : On était un groupe jeune : il y a un an, on avait un an et demi d’existence, forcément maintenant on a le double !

Charles-Antoine : Le fait d’avoir eu des échéances assez importantes nous a boostés pour bosser davantage.

Depuis les Trans vous avez joué aux Eurockéennes…

Nicolas L. : au Printemps de Bourges, au festival Nouvelle(s) Scène(s) à Niort, qui n’est pas vraiment connu, mais on y a passé une super soirée.

Charles-Antoine : C’est un festival qui programme des groupes en développement. Il y avait de bons groupes, Christine and The Queen, Rover…

Jesus Christ Fashion Barbe

Aux Eurockéennes, c’était une scène un peu particulière, sur l’eau…

Nicolas M. : C’était génial, et il a fait super beau : on est arrivé et on s’est baigné à côté de la scène, et 3 heures après on jouait sur cette même scène !

Charles-Antoine : La scène est posée sur le lac, sur pilotis.

Nicolas L. : C’était hallucinant !

Vous avez fait des grosses scènes et vous avez fait aussi des petits concerts, vous avez notamment joué au Graal, un petit bar à Martigné-Ferchaud : comment  fait-on pour jouer au Graal, entre les Trans et les Eurockéennes ?

Nicolas L. : C’est une fille qui nous avait contacté sur facebook : elle aimait bien ce que l’on faisait, et comme on cherchait des concerts…

Charles-Antoine : On avait une date sèche après Bayonne donc on a voulu se trouver une date pour remonter, on a passé une excellente soirée !

On a écouté le nouveau titre Diver, le clip nous a marqué même si on n’est pas sûr d’avoir tout compris ! Il faudrait qu’on le regarde 40 fois pour le comprendre ! (rires) Qui a réalisé ce clip ?

Charles-Antoine : C’est Alban Van Wassenhowe.

C’est lui ou c’est vous qui avez amené les idées ?

Nicolas L. : En gros, on avait envie de faire un truc dans une piscine.

Nicolas M. : Ca collait bien par rapport au titre de la chanson, et puis les couleurs de la piscine sont belles, ce côté clair, blanc, bleu.

Nicolas L. : On avait déjà fait un autre clip avec lui, ça s’est fait assez vite.

Nicolas M. : C’est lui qui a réalisé le clip avec les visages sur And Make Us Wilder. On voulait que ce soit quelque chose de rapide, efficace.

Nicolas L. : On avait que comme point de départ la piscine : on connaissait quelqu’un qui travaillait à la piscine et qui connaissait des nageuses synchronisées. Elles étaient ravies de tourner dans le clip.

Nicolas M. : Tu peux toujours regarder 40 fois le clip mais ce sont surtout des images plus qu’une histoire : ce sont des plans, des ambiances.

Il y a aussi un côté assez anxiogène. C’est la même chose pour le clip d’And make us wilder : à ce propos, que regardent les gens dans le clip d’And Make Us Wilder ?

Nicolas L. : Ils te regardent toi… (rires) Tous les ans à Caen, il y a une rencontre des gens du cinéma qui s’appelle le Kino : il y a des acteurs, des réalisateurs, et tout le monde se réunit. Les projets sont mis sur la table, avec des moyens qui permettent de réaliser des courts métrages en une journée. On parlait de ce projet de clip avec Alban : il nous a dit qu’il allait essayer de proposer ce clip dans le cadre du Kino, ça s’est fait comme ça, en une journée. Il nous a envoyé la veille une feuille avec quatre lignes, expliquant qu’il voulait demander aux acteurs de faire monter une angoisse qui se termine par un cri.

Charles-Antoine : Passer d’une expression neutre à une expression d’angoisse.

Le clip est une tuerie !

Nicolas L. : C’est drôle, parce que certains trouvent ça nul, et d’autres adorent !

Nicolas M. : C’est un parti pris, comme tout clip ou comme toute musique aussi !

Nicolas L. : C’est plus un petit film, un court-métrage qu’un clip, finalement. Mais  l’angoisse qu’il y a à l’intérieur nous a vachement plu !

Charles-Antoine : Et puis les acteurs sont très bons !

Les Jesus marchent sur l’eau aux Eurockéennes mais ils n’ont pas toujours eu de la barbe ! On a vu les photos de vous, enfants, sur l’affiche de We are Pop (rires) Difficile de vous reconnaître !

Charles-Antoine : C’est une vieille photo de maternelle, j’avais quatre ou cinq ans !

we-are-pop-1

Vous pouvez nous parler de We are Pop (ndlr : le jeudi 14 juin, 38 musiciens issus de 11 groupes, ont formé une immense chorale pop au Cargö) ?

Charles-Antoine : C’est un projet qui est né de l’association Happy Daymon dont Mickaël (de Clockwork of the Moon) est un membre éminent et actif. Le projet a été porté par Nicolas Gosselin, un ancien salarié du Cargö, qui travaille maintenant au service comm de la mairie de Caen.

Nicolas L. : Un petit clin d’oeil à Nicolas Gosselin, puisque c’est lui qui nous a motivé à faire notre premier concert !

Charles-Antoine : Je ne sais pas qui a eu l’idée de We are Pop exactement, c’est peut être toi Damien  ?

Damien Maurice (responsable de l’accompagnement des groupes au Cargö) : Non, c’est venu d’une discussion au Cargö sur le fait qu’il y avait vraiment une scène pop émergente à Caen et que les passerelles entre les groupes se faisaient de plus en plus facilement via les studios de répétition. Ils ont ensuite fait germer cette idée là dans le collectif : Happy Daymon est vraiment un collectif, beaucoup plus qu’une asso.

Charles-Antoine : Ils font aussi des open mic dans les bars.

Il y avait justement Clockwork of the Moon dans We are Pop.

Charles-Antoine : Oui, mais aussi Goldwave, des musiciens de Kim Novak, Granville, Chocolate Donuts, Superpoze, My Summerbee, Dalton Darko…

D’où vient la vitalité de la scène normande ? On en parlait avec les Clockwork of The Moon hier, il y a bien évidemment le Cargö je suppose ?

Nicolas L. : On le répète sans arrêt, mais Le Cargö est vraiment important à Caen.

Charles-Antoine : Je pense à ce que disait Damien tout à l’heure : Le Cargö a vraiment crée une sorte d’énergie autour des locaux de répet, des musiciens qui se rencontrent et une envie aussi de défendre les groupes locaux.

Nicolas L. : S’il y a 200 groupes qui passent chaque année dans les studios, c’est qu’il y avait un besoin.

Jesus Christ Fashion Barbe

Nicolas M. : Je ne sais pas si toutes les SMAC ont quelqu’un comme Damien, qui accompagne les groupes.

Damien : L’accompagnement des groupes par les SMAC est quelque chsoe d’assez récent. Ca fait 5, 6 ans qu’il y a des services accompagnement pour aider au développement de carrière des groupes. Avant ça se faisait de manière complètement informelle. Il y avait un vivier hyper dense en basse-normandie, mais qui avait vraiment du mal à sortir et à être visible et diffusé. Il y a une dizaine d’années, il y avait plein de bons groupes, comme aujourd’hui. Mais aujourd’hui, un groupe qui sort de Caen bénéficie de cette aura qui est liée à des groupes qui ont ouvert des portes avant : Gablé, Concrete Knives…

Un des derniers artistes accompagnés par le Cargö, Superpoze, joue comme un beatmaker, sur un octopad qui envoie des sons. Quand il a gagné le Tremplin du Cargö en février, peu de gens le connaissait. Et il vient de signer chez Warner Chappell en édition et chez Asterios, le tourneur d’Orelsan et de Don Rimini. Ce sont des histoires qui n’existaient pas chez nous avant. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de beaux projets artistiques, mais ces projets avaient du mal à sortir. Je pense qu’il y a un côté cocotte-minute : quand tu n’ouvre pas le couvercle, ça bouillonne. Il y avait un vivier et une densité artistique intéressants. Quand je suis arrivé sur Caen en 1995, j’avais déjà constaté ce vivier artistique très fort. Les groupes n’avaient pas à rougir, mais ils ne trouvaient pas les passerelles pour sortir.

Charles-Antoine : Et puis il y a actuellement une vraie mode qui relance le rock : le vivier est assez rock à Caen, et les groupes en bénéficient.

Nicolas M. : Et puis il y a internet. C’est motivant de monter un groupe et de mettre ta chanson sur le net directement.

Dans les futurs projets, vous avez quelque chose qui approche au Québec, le Festival de Musique Emergente (le jeudi 30 août)…

Nicolas L. : On a rencontré le programmateur de ce festival l’année dernière : il faisait partie du jury du Tremplin des Jeunes Charrues.

Jesus Christ Fashion Barbe

C’est un projet super excitant, non ?

Nicolas M. : Oui, c’est un excellent festival.

Charles-Antoine : On ne réalise pas trop : il va vraiment falloir qu’on arrive là-bas pour se rendre compte.

Nicolas L. : C’est comme ici aux Charrues, j’ai commencé à y penser il y a deux jours : oh là là, on va jouer sur la grande scène ! (rires)

Nicolas M. : Je ne réalise pas encore : je suis encore ici en festivalier, jusqu’à ce soir je pense.

Pour finir, on a lu que vous envisagiez de faire une petite pause dans la tournée pour enregistrer ?

Charles-Antoine : C’est ce qui est prévu dans le calendrier : on va avoir encore quelques dates isolées jusqu’en décembre. Mais on a une grosse période de travail dès la fin du mois de septembre et tout le mois d’octobre. On va partir sur des pré-prod, et essayer d’avancer au maximum sur le squelette du disque.

Alors album ou EP ?

Nicolas M. : C’est justement en réflexion. On mettra des chansons qui nous plaisent vraiment : on n’est pas fermé sur un EP ou un album.

Nicolas L. : il y aura des nouveaux titres, dont Diver. On envisage ça au tout début de l’année 2013 normalement. Il est temps : c’est génial d’avoir fait plein de concerts, mais on a pas eu trop le temps de se poser pour faire de nouvelles choses.

Nicolas M. : et puis les concerts coincident aussi avec une sortie de titres. Là, on a pas mal tourné avec cet EP, donc on a envie de tourner avec d’autres chansons.

Nicolas L. : Je pense que les programmateurs, les salles et les bars attendent ça aussi.

Un immense merci à Charles-Antoine, Nicolas L., Nicolas M., ainsi qu’à Damien, pour le temps qu’ils nous ont accordé pour réaliser cette interview.

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