Interview de Jean Louis Brossard, programmateur des Transmusicales

Entretien sans fioritures.

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Jean-Louis Brossard

Sur quels styles, quels tendances les Transmusicales ont misé cette année ?

Les nouvelles tendances pour cette édition ? Si on peut dire  » nouvelles « . heu… j’aime beaucoup les musiques électroniques, le rock, les musiques du monde, le jazz, le hip hop, …
Donc on va retrouver tout ça dans les Trans. Ce qui prime pour moi c’est l’originalité. Quand je découvre un groupe et que j’ai vraiment envie de le programmer c’est parce que je l’aime et qu’ il m’apporte quelque chose que j’ai pas entendu avant.
Voilà c’est ma façon de travailler.

Comment avez-vous réparti ces tendances dans le festival ?

Je pratique la douche écossaise c’est-à-dire que je vais passer un truc plutôt rock et passer à un groupe plutôt acoustique ou électronique.
Ce que j’aime c’est que les gens puissent voyager dans le festival, c’est fait pour ça.
Il n’y a pas vraiment de thématique :
par exemple à la salle de la Cité dans l’après midi il y a un coté un peu plus world, un coté un peu plus soft parce que ça s’y prête bien.
Le samedi évidement c’est le grand rdv aussi pour les gens qui aiment bien danser. Donc c’est purement électro techno house.
Il y a aussi le samedi une scène pratiquement que Hip hop et une autre scène plus rock.
Le jeudi et le vendredi c’est vraiment mon mélange ça peut passer de la musique électronique avec un groupe comme Imam Baildi qui est un groupe grec qui mélange musique traditionnelle et électronique.
Et il y a Von Südenfed qui est le projet de Marc E. Smith (the Fall) avec les Mouse On Mars un duo électronique allemand. On peut aussi parler des Vedettes qui sont les copines de Katerine, qui sont des majorettes, et lui même sera là, d’ailleurs, accompagné par les Little Rabbits. Ou bien encore Rodrigo y Gabriella que je fais au hall 9 et qui est un duo acoustique mexicain mais qui ont une énergie particulière qui ressemble à celle de Metallica sur scène……(ndr :rire complice)

Ce qui nous intéresse c’est de savoir comment tu travailles tout au long de l’année pour fabriquer ta programmation ?

Si je le savais je te le dirais……….( ndr: rire complice)
Si tu veux, j’écoute de la musique tout le temps, je vais pas mal sur internet , je vais aussi sur Myspace, je reçois beaucoup de choses, je me suis baladé dans pas mal de festival en Europe cette année pendant les 8 premier mois. Par exemple sur le festival au Danemark au SPOT, si j’aime un groupe, tout de suite je le rencontre et je leur dis tout de suite  » vous jouerez au Transmusicales « .
Je travaille comme ça, je travaille au coup de coeur, c’est pas préparé c’est un feeling, c’est un esprit, c’est comme ça j’aime bosser……

Donc tu voyages toujours à travers le monde pour assouvir tes obsessions musicales ?

Oui c’est toujours bien de se balader, tu rencontres plein de gens, c’est toujours un plaisir.
Alors effectivement tu vas voir beaucoup de choses pour en sortir une ou deux intéressantes. Mais ça te montre un petit peu, ce qu’est la musique en ce moment en Europe ou dans le Monde. Ecouter quelles sont les nouvelles esthétiques, qui sont les gens qui ont une autre énergie ou un nouveau son.
J’aime faire mes choix sur des concerts, même si tu vois des concerts dans des conditions qui ne sont pas terribles sur des festivals.
J’étais très étonné à Brigthton où je suis allé, des conditions techniques lamentables que pouvaient offrir les anglais à leur propre scène. J’étais assez déçu…….. Mais bon quand un groupe est génial, même si ce sont dans des conditions pas terribles, tu t’aperçois quand même qu’il y a quelque chose.

Y’a t’il des festivals plus avant-gardistes que les transmusicales ?

Si tu veux la grosse mode en Europe en ce moment ce sont ce qu’on appelle des festivals de show case comme à  » Manchester in the city  » où tu trouves que des groupes non signés anglais. Donc c’est intéressant, moi je vais d’abord voir sur myspace pour faire mon petit chemin dans ce que je vais aller voir.
A Groningen en Holland (Noorderslag weekend) ce sont des groupes européens, qui sont invités par le festival, mais il faut savoir qu’aucun de ces groupes n’est payé. Ce sont des bureaux export qui ont choisi des artistes qu’ils vont amener sur ces festivals. C’est des fois du copinage, des groupes en développement, et des fois tu t’aperçois qu’il y a des groupes qui n’y ont pas leur place.
Ce sont des évènements dans une ville où les gens se baladent de club en club, de bars en bars et il y a peut-être 150 groupes qui vont passer dans une soirée.
Donc on peut pas voir 150 groupes en même temps donc il faut faire un choix, il faut aller très vite, même si quelque chose te plait, tu restes 2 ou 3 morceaux. Il y a plein de bons groupes qui passent au même moment mais pas dans les même endroits.
Au moins, au transmusicales, quand tu es au parc expo, tu as deux mètres à faire pour aller voir un autre artiste.

Donc par exemple, pour Imam Baildi, comment ça s’est passé ?

Imam baildi , c’est un agent qui fait tourner des groupes qui a reçu un disque venant de Grèce, parce que le groupe avait signé sur EMI et il me l’a envoyé parce qu’il s’est dit que si il y un mec qui peut le faire c’est  » Jean-Louis « . Donc voilà…..
Et effectivement j’ai adoré au bout de 3 morceaux donc je le fais cette année.
C’est vrai qui l’a proposé à moi et pas à d’autres. C’est pareil pour Bibi Tanga et le Professeur Inlassable, la personne qui s’en occupe pour le premier disque qu’ils ont sorti, ils me l’ont envoyé à moi avant de l’envoyer à radio nova.
Il m’a dit ça c’est pour toi et après effectivement j’ai trouvé ça excellent.

Et la scène locale rennaise dans tout ça ?

C’est vrai que la scène locale m’a toujours intéressé et de toute manière il faut savoir qu’en 1979, quand on a fait les premières rencontres musicales, c’étaient que des groupes de Rennes à la base, mais les gens ne les connaissaient pas.
C’est vrai que la scène rennaise a toujours été inscrite très forte dans la programmation parce qu’il y a toujours des choses formidables et c’est vrai que tout ce qui se passe en Bretagne nous a intéressés dès le début des Transmusicales.
Par exemple, quand il y a un groupe de Rennes que j’ai pas eu le temps de voir, je lui mets à disposition la salle de l’Ubu pour une répétition avec une équipe technique et moi je viens après une journée de répétition pour écouter le groupe, après je prends ou je ne le prends pas. Tout dépend si ça me plaît ou pas, mais c’est une façon d’aider l’artiste.
Donc tu le vois et après tu juges, bon c’est un peu délicat, il font un concert devant une ou deux personnes, mais c’est très intéressant en tous cas.
C’est vrai que je reçois beaucoup de démo, les groupes viennent me voir carrément dans mes bureaux, et quand j’ai fait mon choix, ça se passe de cette manière:
les dernières années on les faisait sur le village en fin d’après-midi et maintenant je souhaite plus les inclure dans la programmation du festival.
Un groupe de Rennes peut se retrouver entre un groupe américain et un groupe norvégien aux transmusicales. Avec des groupes qui eux ont l’habitude de jouer beaucoup.
Donc on a monté la tournée des Trans, ça permet le préparation des artistes au festival pendant un mois dans 15 lieux différents dans le grand ouest .
Caen, St Nazaire, Angers, Nantes……….
On fait des concerts qui sont gratuits pour le public à qui l’on offre un cd avec une compilation des artistes qu’ils ont vu, ça permet de mettre en confiance les groupes et de rendre visite à tous nos amis qui se battent pour les musiques indépendantes.

En essayant de m’imprégner de la programmation je me suis vite rendu compte que c’était un travail énorme. Comment t’organises-tu ?

Oui, la muisque, j’en écoute tous les jours, bon je suis parti à Manchester il y a 3 semaines, ma programmation était déja finie et la j’ai vu 2 groupes que j’ai déjà envie de faire l’année prochaine. La musique, ça s’écoute tout le temps, il n’y a pas un moment où je décide, tiens! je commence la programmation des Transmusicales, elle est dans la tête et puis quand je mets le premier nom ; il y en a 10 qui viennent en même temps.
Après il y a la répartition, j’essaye de rêver le festival, de savoir où je place les artistes, j’essaye d’avoir quelque chose qui soit homogène et en même temps un peu  » révolutionnaire ».

Si tu devais monter un groupe, quel serait l’instrument, le style et avec qui ?

Et bien justement, j’ai fait mes débuts de DJ il y a une dizaine de jours à Paris pour le fun avec des potes, ça m’a bien plus donc pourquoi pas des platines.

(ndr : est ce que je lui demande à quand JLB au Trans ou on laisse monter le buzz….?)

Les Trans l’année prochaine, 30 ans, quelque chose de spécial ?

Il y aura toujours quelque chose de spécial, il faut quand même qu’on cogite un peu, c’est vrai qu’on y pense déjà !!!
J’attends d’abord qu’on passe la 29eme, bon les 30 ans c’est quelque chose qui se prépare assez longtemps à l’avance, les idées sont en train d’arriver, donc je sais pas si je vais faire une commémoration comme j’avais fait pour les 25 ans, il y avait Arno, Denez Prigent, Danyel Waro, les Berrus…..
A la limite tous les 10 ans ça peut le faire, mais tous les 5 ans, ça me parait un peu près. J’en suis pas sûr…..
Après, il faut que je réfléchisse, j’ai des projets, il y a des gens que j’ai revu, des gens qui ont déjà traversé l’histoire des Trans. Donc pourquoi pas, mais alors quelque chose de spécial, moi ce qui m’intéresse avant tout c’est la nouveauté, j’ai un regard aussi effectivement sur ce que j’ai fait dans le passé parce que c’est toujours bien de le dire.
Il y a pour des gens pour qui l’électronique, une rave c’est nés avec Nordik Impact, alors que les Trans le faisait déjà il y 15 ans……. Bon ….
C’est vrai parce que le public est jeune, ils ne connaissent pas forcément, donc historiquement c’est important de recentrer le festival dans son essence même…
Voilà, donc on a 29 ans mais ce je veux dire, c’est que le train du hip hop, le train de l’électronique, on l’a pris au moment où il fallait le prendre, c’est à dire dans les premiers wagons.
On est toujours dans la course.

Vers quoi se dirige la scène mondiale ?

pfouuu, la scène mondiale, c’est pas que ça veut rien dire…..heu……
Il y a de la musique super partout, il y a des pays que je ne connais pas, j’ai envie de me frotter un peu à d’autres esthétiques et aller dans d’autres pays.
Bon, c’est vrai que l’électronique a fait en sorte qu’on puisse voir des groupes beaucoup plus facilement.
A une époque, des groupes comme Daft Punk ont pu tourner dans le monde entier alors qu’un artiste qui aurait chanté en français, ça n’intéressait personne.
La musique actuelle française a même été connue par la French Touch avant d’être connue par le rock français.

Après tout, les anglais qu’est-ce qu’ils en ont à foutre de Noir Désir ou des Têtes Raides, …, ils ont déjà ça chez eux et par millier donc ils ne sont pas vraiment intéressés par ce qui se passe chez nous au niveau musical et c’est la même chose pour les néerlandais ou les belges qui se demandent comment on peut percer le marché mondial avec des groupes de rock alors qu’il y en a à foison.
Alors effectivement je sais pas si il va y avoir une nouvelle musique, je veux dire que les musiciens mélangent pour l’instant les styles, et c’est surtout dans l’électronique ou je pense que c’est le plus aventureux avec les nouveaux sons.
Un groupe comme South Central qui est un groupe de Brighton, il amène quand même un nouveau son dans la musique rock electro .
Ca, c’est ma façon de le voir et de l’entendre, après chacun se fait son idée par rapport à la musique.
Après, ça manque vraiment d’évènements sociaux, c’est là dessus où les choses se sont passées, le hip hop n’est pas né par hasard, si la techno est née à Detroit avec des musiciens blacks, ça a des raisons aussi, dans tout ça il y a le coté social, fort et puissant.
Alors maintenant, au moment où l’Europe se construit, c’est d’abord une ouverture musicale vers peut-être certaines musiques traditionnelles retravaillées façon rock ou électronique, chose que l’on peut voir dans les pays de l’Est en ce moment.
Mais on ne sent pas non plus un mouvement musical, moi je le sens pas arriver, parce qu’il n’existe pas encore mais il va peut être arriver.

Es-tu prêt à suivre tous ces changements ?

oui disons que j’ai toujours l’oreille pour aller vers les choses, après il faut découvrir les groupes, tu sais c’est pas facile, je vais pas dire que j’ai ramé cette année mais un moment en février-mars, j’avais que 10 groupes qui m’intéressaient.
Je me suis dit  » putain  » si t’as pas d’artistes tu fais pas de festival, je vais pas remplir des cases avec des trucs qui me plaisent pas.
Et puis les choses sont arrivées, mais c’est un stress, d’une année sur l’autre.
C’est un stress parce que tu te demandes toujours si ça va attirer du monde avec des artistes qui ne sont pas connus, et parce que le lieu est grand.
C’est stressant mais c’est aussi un plaisir. Un côté plaisir et un côté qui est très dur.
Tu dors pas, tu te réveilles la nuit, tu te dis « putain »…..
Alors je vais sur internet, je bouquine la nuit sur la musique, des magazines étrangers, il faut chercher, ça ne vient pas comme ça dans ton écuelle : tiens! la programmation est là ……

Jean Louis Brossard qu’est-ce qui te pousse a continuer sans relâche ?

L’amour de la musique.
J’ai toujours été passionné et cela depuis mon plus jeune âge, et j’aime bien chercher.
Je crois que j’ai des bonnes oreilles, je suis assez bon pour ce taf, j’ai un petit talent quelque part… et ça me fait vraiment, vraiment plaisir de faire venir ces artistes parce que j’y crois et que je défend quelque chose de different…….

propos recueillis par Youl et Fafa dans les bureaux de l’ATM le jeudi 15 Novembre 2007.

Plus d’informations concernant les Transmusicales 2007 :
ICI
Ou sur le site officiel lestrans.com
Ou encore sur le myspace des Trans

Merci aux Trans pour l’interview, merci à JL Brossard, et…


…ROCK’N ROLL !

1 commentaire sur “Interview de Jean Louis Brossard, programmateur des Transmusicales

  1. LeYak

    Yes JL represente !!!!

    Cool cette interview, au moins, il a le sens de la recherche ce JLB. On peu pas lui reprocher ça

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