We insist ! et Oiseaux-Tempête au Mondo Bizarro

Deux très chouettes propositions ce samedi 6 décembre au Mondo Bizarro dans le cadre des Bars en Trans : d’un côté les envolées tendues et suspendues instrumentales d’Oiseaux Tempête, de l’autre la noise protéiforme et mélodique de We insist !

Oiseaux-Tempête

Oiseaux-Tempête-photo-Michael-Ackerman-Agence-VuDe ce groupe, Oiseaux-Tempête, au nom évocateur d’embruns, de volatile qu’on imagine baudelairien, on a découvert un premier album sorti en novembre 2013. Une pochette les mains jointes à l’envers, photo de la façade d’un immeuble en Grèce, au moment où la crise frappait durement le pays méditerranéen (on aimerait pouvoir l’écrire au passé), et à l’intérieur 11 titres mêlant instrumentaux et fields recordings réalisés dans un pays à l’horizon bouché, désespéré.

Les oiseaux-tempête sont ces oiseaux marins qu’on ne peut voir que lorsque la tempête arrive, image abyme d’un groupe qui naît d’une situation sociale délétère. La Grèce, façonnée par la crise financière, économique et sociale est en effet apparue comme point de départ de ce projet un tantinet protéiforme.

Oiseaux tempête premier albumAu commencement il y eu ces voyages entrepris par le photographe vidéaste Stéphane C. et le musicien Frédéric D. Oberland en Grèce ; leur envie :  un projet non clairement identifié qui pourrait être à la fois un film, une installation, un album, des photos… Stéphane Pigneul (qui joue en parallèle avec Frédéric dans Le Réveil des Tropiques ou Farewell Poetry) rejoint alors les acolytes, tout comme le batteur Ben McConnell nouvellement installé à Paris, rencontré à un concert de Marissa Nadler : et là, dès les premières répétitions, l’alchimie fonctionne.

Les photos serviront en partie d’artwork à l’album à venir, le groupe jouera également devant des projections de vidéos ou de photos ramenées de Grèce, mais pas que. L’image sera partie prenante du projet sans en devenir le pilier (elle avancera également toute seule de son côté). Tout comme la Grèce, qui n’est que la mise en avant d’une réalité qu’on peut extrapoler à toute l’Europe, à la société occidentale. Cet aspect social et politique de l’album n’étant pas acte de militants, d’activistes, mais le souci d’hommes qui observent le monde autour d’eux et en offrent leur vision subjective.

De cette réalité balafrée, les musiciens ont fait une œuvre poétique, sensitive, faite de montées, de tensions, d’accalmies sereines et d’instants lumineux, portés par l’une des voix finales, « on ne s’en sortira que si on est ensemble » dit un vieil homme. Un disque qui garde foi en l’homme, et qui garde les mains jointes d’espoir, mais davantage tournées vers les hommes que vers un hypothétique ciel.

preview-2Depuis ce premier disque, sorti chez Sub Rosa, qui s’est fort justement attiré moult critiques admiratives, Oiseaux-Tempête a offert ses titres à remixer à une palanquée de musiciens talentueux. De ces nouvelles versions, Oiseaux-Tempête a fait un album de remixes, aux visions étonnamment complémentaires de l’album initial (également sorti chez Sub Rosa mais aussi chez les Balades Sonores). Et on ne peut que les remercier d’avoir choisi de ne pas garder ces nouvelles versions dans un tiroir tant des relectures comme celle de Scanner par exemple, valent le détour. On attend désormais avec impatience le second album de la formation, auquel devrait notamment s’associer le clarinettiste basse Gareth Davis. Mais avant cela, on aura le plaisir d’entendre le groupe revisiter ses compositions live sous le bas plafond du Mondo Bizarro et de s’abstraire totalement dans les longues étirées et les chemins de traverse instrumentaux de ces oiseaux rares.

We insist !

We Insist -Photo Johanne ChabalOn sera tout autant ravi de retrouver un trio aux idées tout aussi larges juste après : We insist ! On a honte de ne les avoir découverts qu’avec leur dernier album sorti en février sur l’excellent label bordelais Vicious Circle (Shannon Wright, Mansfield.Tya, …) alors que le groupe au patronyme Max Roachien existe depuis quasi une vingtaine d’années, en est déjà à son sixième album et a écumé les scènes d’Europe et de Navarre sans relâche.

Pourtant, pas sûr qu’on aurait reconnu We Insist ! à ses débuts : on ne les a pas trouvés mais leurs premiers enregistrements lorgnaient plutôt du côté du funk a priori. Cela dit, en s’écoutant à la suite Inner Pond (2002 – Orienté Bancal / Le Triton), Crude (2004 – Orienté Bancal / Le Triton) puis Oh! Things Are So Corruptible (2007 – d’abord sur Corruptible Records, puis bénéficiant d’une seconde vie avec Exile on Mainstream Records – notre préféré après We Insist !) et The Babel Inside Was Terrible (2009 – Exile on Mainstream Records encore), parfois marqués par une étonnante prégnance des cuivres, on a immédiatement retrouvé ce souci constant chez We Insist ! de prendre les chemins de traverse, de ne pas rester sagement dans les cases mais de culbuter influences, genres et structures pour proposer une musique aventureuse et protéiforme.

Bon exemple s’il en est, l’un des premiers titres d’Inner Pond commence ainsi par des arpèges délicats à la guitare acoustique, soudain dégommés par des déflagrations bruitistes abandonnées à leur tour pour laisser place libre à des slaps au groove sec comme un coup de trique… Et ce ne sont que les premières pistes ébauchées sur les premières mesures du morceau (For external use only) ! On ne s’étonne donc qu’à moitié que We insist ! ait enchaîné dates au Rock In Opposition, ciné-concert dans des salles combles, dates dans les Smac, nombreuses tournées en Allemagne (du fait de leur ancien label basé à Berlin, Exile on Mainstream Records), tournées avec 31Knots, Dyse, Unsane, The Ex, …,  ou concert dans un kebab ou une station-service (enfin ça, si !), tant leur musique s’amuse à se jouer des sillons tout tracés.

We insist !Avec ce sixième long format, le groupe semble pourtant avoir opéré une nouvelle mue. Si la musique de We Insist ! reste toujours aussi riche et indocile, elle se fait étonnamment accessible immédiatement, et un tantinet plus classable (noise mélodique ?). Les départs du saxophoniste et d’un second guitariste y sont certainement pour quelque chose : en resserrant ses rangs (Etienne Gaillochet – Batterie/Chant, Julien Allanic : Basse/Guitare, Eric Martin : Guitare), We Insist ! a resserré sa musique, l’a en quelque sorte épurée sans transiger sur ses exigences.

Le travail mené autour du ciné concert Die Sinfonie der GroBstadt de Walter Ruttmann (2010-2011) lui servant de transition toute trouvée pour gérer l’espace laissé par ces départs dans la composition, le désormais trio s’est ensuite lancé dans la création d’un sixième album paradoxalement aussi percutant que mélodique. Avec son titre d’ouverture au riff obsédant, While The West is falling, son refrain aux chœurs entremêlés, son pont et ses cassures de rythme qui vous oppressent progressivement avec plus d’intensité, We insist ! nous a immédiatement catapultés sur des hauteurs insoupçonnées.

Résolument noise, mais d’une noise qui préfère les développements mélodiques à l’aridité, la musique de We Insist ! se fait massive et percutante, incisive et pénétrante, pas le moins du monde rêche ou irritante. On soupçonne qu’en live le trio gagnera encore en puissance de déflagration sans rien perdre de sa finesse et que sous le plafond toujours aussi bas du Mondo, son énergie dévastatrice nous parlera directement aux tripes.

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Les Bars en Trans présentent Oiseaux-Tempête et We insist ! au Mondo Bizarro le Samedi 6 décembre 2014.

5 euros – Ouverture de la billetterie > 20h00

Photos groupes : Oiseaux-Tempête : Michael Ackerman – Agence Vu / We Insist : Johanne Chabal

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