[Grève à la poste] : un conflit qui ne doit pas rester lettre morte !

132 jours de grève. 1-3-2 jours ! Le combat des postier·e·s de Rennes fut exemplaire tant par sa longévité que par son abnégation. Malgré l’adversité et une direction inflexible, les grévistes ont su montrer une détermination sans faille et créer un vaste élan de solidarité autour d’elleux. Les voir dans les cortèges qui ont émaillé le printemps rennais n’hésitant pas à se frotter aux forces de l’ordre, les écouter lors de rassemblements citoyens, politiques ou syndicaux, ont redonné un souffle nouveau aux mobilisations mises à mal par les politiques de la matraque antisociales successives. A leurs côtés, la convergence des luttes ne semblait plus utopique. Elle nous tendait presque les bras… Mais patatras, comme un coup de soleil, la réalité nous rattrape méchamment. En pleine affaire Benalla et de victoire footballistique, les deux mois d’été vont-ils remettre la balle au centre et les compteurs à zéro  ?
Alors que se tenait début juillet le procès des 3 personnes accusées d’avoir bousculé des syndicalistes d’Alliance, nous avons retrouvé devant la cité Judiciaire, Arnaud B. , de Sud-PTT entouré de ses collègues venu·e·s les soutenir. La grève est peut-être terminée mais pas les bonnes habitudes.

 

La Poste Rennes

Vive émotion en ce 22 mai 2018, avenue Henri Fréville. Après 132 jours de grève, les postier·e·s du bureau de Crimée reprennent le travail. En ce jour si particulier, le coeur bat un peu plus vite et les sentiments se bousculent entre la fierté d’avoir mené un combat emblématique et la déception de ne pas avoir pu gagner toutes les batailles. Mais malgré un réveil aux aurores, des dizaines de personnes, cheminot·e·s, syndicalistes, proches, anonymes, sont venues les accompagner et les soutenir. La lutte, ça use physiquement, financièrement et moralement mais ça crée des liens. Des liens solides. Une haie d’honneur est même organisée avec une vieille sono crachant un « We are the champions » bien à propos. Arnaud B., syndicaliste SUD-PTT se rappelle très bien : «C’était une belle reprise. Tous nos soutiens de lutte étaient là à l’embauche. Ça avait vraiment de la gueule… même si c’était dur psychologiquement. 132 jours de grève au compteur, tu te dis que tu as basculé dans autre chose. »

Engagé·e·s dans un bras de fer contre une nouvelle réorganisation du travail décidée par leur direction, les postier·e·s ont finalement accepté un compromis aux avancées minimes mais la victoire est ailleurs. « La grève a l’avantage de te dégager du temps pour réfléchir à tout ce qui t’entoure et tout ce qu’il se passe autour de toi. J’ai vu des collègues qui ne pouvaient pas se supporter avant le mouvement se dire bonjour à présent » remarque Arnaud B. « Fini le chacun pour soi ou les broutilles personnelles, nous avons su créer un collectif à l’intérieur du bureau de poste mais aussi rassembler dans tout le département. »

Tract du collectif des usager•e•s pour les services publics

En effet, très vite, un collectif s’est constitué afin d’intégrer les syndiqué·e·s et les non-syndiqué·e·s. Dès le début, les grévistes ont su que le conflit n’allait pas se restreindre à quelques débrayages de type ‘Barbecue-merguez-pneus-brûlés devant les grilles de l’entrée du bureau de Crimée. Taper fort, taper dur mais toujours de manière collective, le plan de bataille était soigneusement rodé :

  • Ramification : Le mouvement s’est rapidement étendu aux autres bureaux de poste de la ville (Colombier, Gast) puis du département grâce aux nombreuses actions du collectif : débrayages, blocages des centres de tri, visites, prises de paroles, explications et rassemblements quotidien… Le 16 mars, les fact·eur·rice·s de Fougères se mettent en grève, le 22 mars, le syndicat CGT de la Poste en Mayenne dépose à son tour un préavis illimité et le 27, c’est au tour des postier·e·s de Saint-Malo.
  • Soutiens logistiques : Pour durer dans le temps, le collectif a organisé une caisse de solidarité. Les sommes reversées permettent, tant bien que mal, aux grévistes de faire face aux impératifs immédiat de la vie quotidienne (loyer, garde d’enfants, factures…). De plus, les grévistes ont pu compter sur le réseau de ravitaillement des luttes qui leur offrait régulièrement des fruits et légumes pour l’alimentation. Ces dons en nature sont la parfaite illustration des convergences d’action. « Je n’ai jamais mangé autant de légumes bons et bios que pendant le mouvement… »  nous confiera même Arnaud en blaguant.  Des soirées concerts, des repas, des collectes d’argent dans les quartiers étaient régulièrement organisées pour soutenir la caisse de grève.
  • Médiatisation : Le collectif a eu l’intelligence de ne rien attendre des médias traditionnels. Et c’est tant mieux ! Il a ainsi médiatisé lui-même son mouvement et ses revendications en adoptant une communication parallèle : pages perso web dédiée à la cause (www.lalettredesfacteurs.com), vidéos youtube, Facebook etc… Les réseaux sociaux ont fait le reste. « Beaucoup de personnes ont découvert le traitement médiatique d’une lutte en la vivant de l’intérieur. Illes ont alors vu comment une certaine presse pouvait mentir sur le déroulement des faits ou comment les communiqués de la direction étaient repris plutôt que ceux des syndicats » explique Arnaud B. « L’auto-médiatisation est un outil formidable. Notre site internet, une sorte d’anti-Ouest-France (rires…) nous a permis d’avoir un large écho auprès de nos collègues de toute la France mais aussi dans le milieu actif militant. » 
CAGNOTTES SOLIDAIRES

Voilà plus d’un mois que la distribution du courrier a repris. Pas facile de gérer cette transition, d’enfiler de nouveau ce costume jaune à la couleur ternie par une direction qui n’a eu de cesse de casser la grève par tous les moyens : recours aux cadres pour distribuer le courrier, huissiers, attaques en justice, différenciation aléatoire des retenues de grève.  « Cela m’a fait tout drôle de retrouver mon train-train quotidien mais d’un autre coté j’étais content. Comme quoi, je suis toujours aliéné par le travail » sourit Arnaud B. « Mais c’est surtout que je l’aime, mon boulot ! » Et il souhaite bien le défendre surtout que la Poste délaisse de plus en plus ses missions de service public au profit d’une rentabilité à-tout-va. « Les gens nous ont très vite pris au sérieux et nous ont beaucoup soutenus… » 

La mémoire de cette lutte est un acquis inestimable.  Arnaud B. le reconnaît : « nous avons gardé un lien organique entre nous. En 16 ans de militantisme à la Poste, c’est la première fois que je vois des collègues qui continuent à se voir en dehors du travail après un mouvement. » 132 jours ont permis des rencontres entre personnes aux horizons divers mais aux idéaux communs. La grève a cessé en ce joli mois de Mai… mais la lutte, certainement pas !


PS : Rendez vous le 06 et 07 octobre à la SALLE MANUREVA à Montfort-sur-Meu pour la Grande Fête des Postiers : Voir l’evenement FB ici


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